P. Corrot (Mirakl) : "Entreprendre c’est un sport d’équipe"
Décideurs. Pourquoi vous être tourné vers les places de marché ?
Philippe Corrot. Mirakl est ma quatrième entreprise. Après des expériences dans le retail et l’informatique, je me suis demandé comment exploiter au mieux Internet pour faire du commerce. Adrien Nussenbaum et moi avons monté une place de marché, avec une monnaie virtuelle, spécialisée dans les jeux vidéo. Cela n’a pas fonctionné et nous avons recherché pourquoi en étudiant tous les modèles e-commerce existants à l’époque et les rapports annuels d’entreprises comme Amazon ou Alibaba. Nous en avons déduit que le bon modèle était une place de marché plus classique, B to C, avec des vendeurs sélectionnés pour la qualité de leur service. Dès lors, notre entreprise a connu une croissance très forte. Elle a été rachetée par la Fnac qui l’a utilisée pour sa market place. À l’issue de cette expérience, nous avons décidé de redévelopper une plateforme mais en tant qu’éditeur de logiciel.
Comment avez-vous fait pour attirer les talents ?
Le point commun entre toutes les personnes qui nous ont rejoints : cette conviction forte que les plateformes allaient changer le commerce. Certains de nos collaborateurs travaillaient pour une seule et même market place. Même lorsqu’ils opéraient pour les plus grandes d’entre elles, comme Airbnb ou Amazon, ils ont été séduits par le fait de développer des produits un peu partout dans le monde et sur des sujets différents. Aujourd’hui, nous avons 300 clients répartis dans 40 pays et bénéficions de davantage de visibilité pour attirer les talents. On forme nos équipes et celles de nos clients à notre savoir-faire. Nous disposons d’une Mirakl Academy et avons écrit des livres de bonnes pratiques.
Quelles sont-elles ?
Pour qu’une plateforme fonctionne, tout doit être pensé pour servir le client au mieux. Ce qui change la donne, c’est que vous êtes à un clic du consommateur et qu’il est lui-même à un clic de votre concurrent. S’il trouve le même produit que le vôtre à un prix moins cher ou livré avant, il risque d’acheter ailleurs. Il faut donc lui apporter le bon produit, à un juste tarif et avec la meilleure qualité de service possible. Comme l’opérateur de la plateforme n’a pas la main sur les références qu’il propose, il doit garantir la qualité de la prestation et, pour cela, il existe des outils.
"J'aime mettre en avant les personnes avec lesquelles je travaille"
Comment votre organisation fonctionne-t-elle ?
Pour moi, entreprendre c’est un sport d’équipe. Il peut y avoir un capitaine mais chacun a un rôle important à jouer. Les gens qui travaillent avec nous sont curieux, passionnés, très pointus et veulent tester des choses. On ne les bride pas. Nous mettons en œuvre des technologies et des méthodes innovantes, ce qui se ressent partout dans l’entreprise.
Quel patron essayez-vous d’être ?
J’essaie de promouvoir des valeurs entrepreneuriales, la remise en question permanente, le fait d’être polyvalent ou encore de travailler en équipe. J’aime mettre en avant les personnes avec lesquelles je travaille et je suis très satisfait quand je les entends, par exemple, raconter sur une scène l’histoire de Mirakl. C’est facile quand on est patron d’écraser ses collaborateurs. On voit encore ce comportement, surtout dans des boîtes old school. Mais, pour moi, un leader doit laisser la place aux autres. Il faut recruter des gens capables de prendre votre place. Les inciter à le faire. Même si notre turn-over est bas, je considérerai comme un succès que des personnes s’en aillent pour monter leur entreprise. C’est parfois une galère d’être son propre chef mais c’est aussi une passion. Et une passion, ça se transmet.
Pour vous, quels sont les sujets incontournables ?
Je suis très attaché à l’éthique, à l’équité. Cela fait partie des obligations d’un chef d’entreprise d’accompagner certains changements de société qui paraissent obligatoires. Il faut s’entourer de profils variés. Mirakl travaille dans 40 pays. C’est une aberration de ne pas avoir une approche globale dans un monde qui, lui, l’est. Il faut accepter et favoriser les règles du jeu (telles que la différence culturelle) pour arriver à développer un produit de qualité. Ce qui est quand même l’objectif premier d’une entreprise.
Propos recueillis par Olivia Vignaud