Le développement durable ouvre de nouveaux horizo au marché immobilier. Da un contexte sectoriel où la recherche du financement et du foncier sont deux écueils parfois iurmontables, les dirigeants de Brownfields Ingénierie ciblent les friches industrielles. Emplacement de qualité et rentabilité financière sont le nouvel horizon de ces professionnels de l’immobilier venus de l’industrie de la dépollution.

Le développement durable ouvre de nouveaux horizons au marché immobilier. Dans un contexte sectoriel où la recherche du financement et du foncier sont deux écueils parfois insurmontables, les dirigeants de Brownfields Ingénierie ciblent les friches industrielles. Emplacement de qualité et rentabilité financière sont le nouvel horizon de ces professionnels de l’immobilier venus de l’industrie de la dépollution.


Le passé industriel d’un site n’est plus une fatalité. Il peut même être une opportunité. Pour tous ? Pas encore. Pour les professionnels de Brownfields Ingénierie : certainement !
Fondée en 2006 par Abdelkrim Bouchelaghem et Patrick Viterbo, deux anciens dirigeants du groupe Sita, une filiale de Suez, la société Brownfields Ingénierie mise aujourd’hui sur la croissance du développement durable dans l’immobilier.

Le marché est prometteur. Le durcissement des réglementations, la rareté du foncier dans les zones urbaines et périurbaines, le besoin des groupes industriels de se donner une nouvelle image plus « verte » sont autant de signes annonciateurs du développement des « champs bruns » (brownfields, le nom sert tout autant à qualifier le type de terrain que cette nouvelle catégorie d’investisseurs immobilier).
Redonner un avenir aux terrains pollués est un enjeu majeur de nombreuses municipalités soucieuses de redynamiser des zones abandonnées par le biais de nouveaux ensembles à usage économique ou d’habitation. En France, entre 200 000 et 400 000 friches industrielles pourraient ainsi être concernées par des problématiques de pollution et intéresser les brownfields.
 

D’un pays à l’autre, les approches varient


Dans le domaine de la reconversion de sites pollués, les États-Unis font figure de précurseurs. Non pas du fait d’une réglementation portée de manière innée vers le développement durable, mais en réaction à une série de scandales. À ce jour, les plus médiatiques d’entre eux restent le « Love Canal », près des chutes du Niagara, et « Times Beach » dans l’État du Missouri.

À l’occasion d’une conférence organisée par la Cour de cassation, Thierry Sénéchal, du Massachusetts Institute of Technology, dresse un bilan mitigé du Superfund américain. Mis en place par la loi Cercla (Comprehensive environmental response compensation and liability act) en 1980, le fonds fédéral a pour but d’intervenir sur les sites pollués identifiés par l’agence de protection de l’environnement (EPA).
Or, au fil des ans, l’impact de la crise financière et d’une loi postérieure à la création du fonds (mettant fin à la taxe sur les entreprises polluantes qui abondait principalement le fonds) s’ajoutant aux lourdeurs administratives et à la complexité du système judiciaire américain, l’efficacité du dispositif a été profondément mise à mal. Pragmatiquement, Thierry Sénéchal rappelle d’ailleurs qu’un dossier traité par le superfund met généralement de 10 à 12 ans avant d’être dépollué.

Déjà, en 2007 à l’occasion de cette conférence, l’universitaire louait par contre le développement plus récent des brownfields. L’intrusion d’acteurs privés dans le domaine de la dépollution de sites semble aujourd’hui couronnée de succès, dès lors que les terrains disposent d’un intérêt commercial. À titre d’exemple, il cite notamment le cas de la ville d’Emeryville, en Californie.
Après avoir connu une grande pollution sur plus de 130 acres, cette municipalité a mis en vente auprès de brownfields ces terrains après les avoir divisés en plusieurs lots. Ils ont été décontaminés et réhabilités avec le concours du secteur privé pour être ensuite revendus avec succès. Une industrie américaine des brownfieds s’est ainsi créée. Structurée autour d’une association

En Europe, d’autres pays ont également précédé la France dans le cadre du développement du réaménagement des friches industrielles. C’est notamment le cas en Scandinavie et aux Pays-Bas. Sans être directement lié à l’étendue de la pollution, la réactivité de ces régions tient à une prise de conscience antérieure de l’importance du développement durable ainsi qu’à un paramètre géographique simple : quand le foncier est rare, il importe de le préserver.

Sous la pression de la Commission européenne, le mouvement devrait d’ailleurs rapidement se généraliser. La notion de « passif environnemental » s’incrémente avec, par exemple, l’obligation faite au vendeur de réaliser un audit environnement du terrain industriel concerné. « Désormais, on ne transmet plus seulement du chiffre d’affaires et une part de marché mais aussi un passif environnemental », résume Abdelkrim Bouchelaghem.
C’est ainsi que dans la pratique, Patrick Viterbo rappelle que « l’audit environnemental est souvent à l’origine de surprises particulièrement désagréables pour les propriétaires distraits ». C’est notamment le cas de collectivités locales qui ont antérieurement oublié de faire cet audit et ont acquis un terrain sans en connaître le passif environnemental.
 

La loi de responsabilité environnementale comble le retard de la France


L’externalisation du risque environnemental n’est pas le moindre des facteurs encourageant les entreprises à se défaire de leurs friches industrielles inexploitées. Cette question a pris encore plus d’ampleur à la suite du scandale causé par la faillite de Metaleurop. Par-delà l’aspect social de l’affaire, c’est bel et bien le fait que la maison-mère ne soit pas tenue pour responsable de la pollution causée par sa filiale qui a encouragé une révision des textes législatifs français.

La loi Bachelot de 2003, complétée par une série de circulaires de 2004 et 2007, définissait déjà le champ des responsabilités environnementales dans le cadre de la cessation d’activité d’une entreprise.
Ainsi que le rappelle Marie-Laetitia de La Ville-Baugé à l'occasion d'une matinée d'affaires sur les brownfields organisée par Baker & McKenzie, le cabinet dans lequel elle exerce comme avocate (au sein du département droit public et environnement dirigé par Arnaud Cabanes), « il est de la responsabilité de l’exploitant de remettre le site en l’état. Il est par conséquent obligatoire de faire enregistrer la cessation d’activité. Seule cette déclaration permet d’ailleurs de faire débuter le délai de prescription ».
Si depuis 2005, le propriétaire ne peut être mis en cause en cas de pollution du site, sa poursuite était jusqu’il y a peu une pratique courante. « Nous continuons cependant de chercher à mettre en cause la responsabilité du propriétaire dès lors que nous parviendrons à établir un lien entre celui-ci et l’exploitant », précise malgré tout Pascal Simonin, de la DREAL (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) Rhônes-Alpes. Comme dans le cas d’une SCI, par exemple.
Dans la continuité du Grenelle de l’environnement et après avoir été portée par le député Alain Gest, la loi de responsabilité environnementale veut aujourd’hui aller plus loin. « Ce nouveau dispositif veut davantage prévenir que réparer », explique le rapporteur d’un texte qui permet également à la France de rentrer dans le giron des directives européennes en matière de droit environnemental. Le texte transpose en effet la directive européenne d’avril 2007. Elle vise notamment à prévenir, réparer ou compenser les dommages écologiques graves.
« La loi de responsabilité environnementale concerne principalement trois domaines : la contamination des sols, les dommages écologiques des eaux et les dommages des espèces et des habitats naturels protégés », rappelle Alain Gest. Lors de la signature du texte, Jean-Louis Borloo expliquait d’ailleurs que « la responsabilité environnementale, c’est la reconnaissance que les acteurs économiques ne peuvent pas faire subir n’importe quoi à l’environnement sans avoir à réparer les dégâts dont ils sont à l’origine. L’adoption de ce projet de loi marque l’irruption du préjudice écologique dans notre droit ».

La loi de responsabilité environnementale devrait encourager les grands (et les autres aussi) industriels à apprendre à mieux gérer leurs terrains en friches. Le nouveau texte veut rebattre les cartes de la chaîne des responsabilités. Un lien peut désormais être recréé entre la maison mère et sa filiale. Tout d’abord, par le biais d’obligations de prévention et / ou de réparation volontaire. Enfin, par la possibilité donnée au préfet de faire exécuter des travaux de dépollution pour les mettre ensuite à la charge de la maison mère en cas de liquidation de la filiale.

De là à voir dans ce texte une porte ouverte pour le développement des brownfields, il n’y a qu’un pas. Car, paradoxalement, l’un des freins à leur croissance en France est l'absence de professionnels aptes à réaliser ce type d’opérations.
Si Cherokee, qui fait partie des leaders de ce marché aux États-Unis, s’est retiré ce n’est pas à cause du manque d’opportunités. Bien au contraire. Mais, quand on est habitué aux us et coutumes nord-américains, les lourdeurs administratives et réglementaires hexagonales peuvent en rebuter plus d’un.
Pour réussir sur ce marché en France, il est en effet primordial de maîtriser les usages en pratique dans l’hexagone. « Un dossier brownfield ne peut aboutir sans avoir auparavant échangé avec les représentants des collectivités locales », rappelle Patrick Viterbo. Avant d’investir, il est vital pour le fonds de savoir quel est l’usage futur que les pouvoirs publics envisagent pour le terrain concerné.

« Le meilleur choix est souvent une reconversion du site », explique le dirigeant de Brownfields Ingénierie. « En conservant un usage industriel au terrain, le risque augmente généralement dans le temps car la pollution peut continuer de se diffuser par différents canaux ». L’aspect économique reste pourtant clé car la dépollution implique un coût pouvant apparaître tout d’abord rédhibitoire pour les groupes industriels.

Patron pour l’Europe du fonds d’investissement Colony Capital, Sébastien Bazin croit dur comme fer au développement du marché des friches industrielles. Il est l’un des premiers à avoir écouté Patrick Viterbo et Abdelkrim Bouchelaghem quand ils ont voulu prendre leur indépendance et créer Brownfields Ingénierie. Il est le premier à les avoir soutenus financièrement.

S’il incombe à Brownfields Ingénierie de trouver, étudier, valider le choix des terrains où investir, Colony Capital s’est engagé à apporter les moyens financiers nécessaires pour réaliser ces opérations. « Le nombre de sites pollués est incroyable », affirme ainsi Sébastien Bazin. « D’une estimation à l’autre, le chiffre varie de 3 000 à 300 000 ! C’est dire le potentiel de Brownfields Ingénierie sur ce marché particulièrement méconnu car la plupart des intervenants sont présents sur le diagnostic ou sur l’exécution. L’équipe de Patrick Viterbo et d’Abdelkrim Bouchelaghem sert idéalement de passerelle entre ces deux univers », ajoute-t-il.

En France, 13 opérations foncières ont d’ores et déjà été acquises, ou sont sur le point de l’être, ce qui représente un total de plus d’une vingtaine d’hectares de friches à reconvertir. Shell, General Motors ou encore Carbonne Lorraine ne s’y sont pas trompés. Les premières opérations de l’investisseur se sont faites avec ces grands groupes industriels particulièrement heureux de trouver une solution « rapide, efficace, viable et sérieuse » à leurs problématiques environnementales.
 

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