Le développement des énergies renouvelables dites intermittentes, associé à la réduction de la production thermique fossile pilotable, rend prégnant le besoin de flexibilités dans le système énergétique français. Fort de ce constat, le stockage par batteries s’impose comme l’un des outils majeurs de flexibilité mis à la disposition du réseau pour assurer une transition énergétique vertueuse. L’augmentation attendue de ce type d’installations impose aux futurs porteurs de projets une adaptation des pratiques généralement mises en oeuvre lors du développement d’un projet ENR classique.

La Commission européenne a renforcé sa directive sur les énergies renouvelables et a fixé comme objectif pour le mix énergétique européen d’atteindre 42,5 % de production renouvelable d’ici 2030, soit plus du double de la production de 2021. Face à la croissance nécessaire des énergies renouvelables dites intermittentes (éolien, solaire) et à la diminution concomitante de la production thermique fossile pilotable, le réseau français doit trouver très rapidement des solutions lui permettant d’assurer l’équilibre offre-demande. Cet équilibre passe nécessairement par des systèmes permettant de modifier à la demande les courbes d’injection ou de soutirage d’électricité : les flexibilités. Le stockage, outil de flexibilité par excellence, devient donc l’un des enjeux majeurs de la transition énergétique vertueuse. Dans ce cadre, le stockage par batteries hybride ou non, c’est-à-dire associé ou non à une installation de production (éolien ou photovoltaïque), facilement mobilisable, connaît une forte croissance. Au 1er septembre 2023, une puissance totale de 690 MW était raccordée au réseau et 278 MW en projet sur le seul réseau Enedis. Les solutions de stockage par batteries non hybrides peuvent prendre la forme de centrales de stockage de plusieurs dizaines de MWh de puissance, d’unités de taille plus modeste réparties sur tout le territoire, ou encore d’équipements non dédiés (type IRVE).

Le stockage impose de nouvelles pratiques aux acteurs de ce secteur

Compte tenu des forts besoins de flexibilité du réseau, le stockage par batteries peut intervenir sur différents marchés : le marché spot, le marché à terme, les services système, ou au titre du mécanisme de capacité. Déjà engagé pour la réserve primaire (avec 423 MW de batteries certifiées), il peut également être mobilisé pour la réserve secondaire (avec 24 MW de batteries certifiées et 200 MW attendus d’ici 2024). D’autres services système sont en cours d’expérimentation grâce à des unités de taille modeste, installées notamment localement ou en pilotage afin d’éviter du renforcement réseau. Parmi l’organisation contractuelle à mettre en place par un porteur de projets de stockage par batteries, le contrat dit de « valorisation » occupe une place centrale. Signé avec un agrégateur qui est chargé de piloter les batteries afin de les valoriser sur les marchés, de façon indépendante ou en agrégation (avec d’autres installations dont il est responsable), ce contrat requiert une attention particulière s’agissant de la rémunération du client ou du régime des indisponibilités programmées ou non, et de leurs conséquences au regard des contraintes de certains services système.

Stockage france

De plus, compte tenu de la forte évolution des services auxquels les batteries seront amenées à participer, le contrat devra prévoir précisément tant le principe que les conditions d’engagement sur ces nouveaux services, la responsabilité de l’obtention des certifications nécessaires, et in fine les arbitrages entre les différents services. Certains contrats devront être profondément revus et adaptés à ces nouveaux projets. C’est notamment le cas du contrat de fourniture d’énergie nécessaire au stockage par batteries pour l’achat de l’électricité. Généralement structuré pour un achat cher, un « fournisseur » dans la perspective d’une consommation finale par le « client », il devra être nové en un contrat d’achat-revente. En effet, l’électricité qui est dans un premier temps soutirée du réseau pour être stockée dans les batteries, est ensuite réinjectée sur le réseau. Le processus de compensation et facturation devra être scrupuleusement détaillé. Les conditions générales de vente auxquelles se réfère le contrat traditionnel de fourniture d’électricité devront, soit être écartées, soit être revues en profondeur pour être adaptées à la revente par le "client" initial de l’électricité stockée au "fournisseur".

Le financement impose une valorisation garantie sur les marchés

L’installation de solutions de stockage par batteries requiert des investissements importants. Il est donc nécessaire de trouver des partenaires financiers qui acceptent d’intervenir en financement de projet. Le porteur de projet devra donc convaincre de la stabilité et de la prévisibilité des sources de revenus de son installation. Cette démonstration passe nécessairement par un cumul des sources de revenus : outre la participation au marché de l’énergie (spot/intraday), les équipements de stockage devront nécessairement agréger d’autres sources de revenus résultant notamment de leur participation aux services système. Il appartiendra ensuite aux porteurs de projets de démontrer dans quelle mesure cette agrégation permet une garantie de revenus de nature à rassurer les organismes financiers sur les capacités de remboursement de la dette. La documentation de crédit devra s’adapter à ce nouveau secteur, notamment sur les garanties prises afin de maintenir une couverture de risques satisfaisante pour les prêteurs. En conclusion, les gestionnaires de réseaux ne pouvant être, sauf exception, propriétaires ou exploitants d’installation de stockage, c’est un marché en pleine expansion tant au niveau français qu’européen qui s’offre aux opérateurs privés qui sauront faire preuve d’agilité et de capacité d’adaptation.

Sur l'auteur

Christine Carpentier, associée du Cabinet Vigo, conseille des porteurs de projets de production d’énergie renouvelable (PV, éolien) depuis de nombreuses années. Elle accompagne également des acteurs intervenant dans le secteur du stockage d’énergie par batteries et de la mobilité électrique. Sa pratique vise à appréhender et traiter de façon cohérente l’ensemble des contraintes qui s’imposent à toutes les étapes du développement d’un projet ENR.

Personnes citées

Christine Carpentier

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