En décembre 2020, le Conseil de Paris a voté la prescription de la révision du plan local d’urbanisme (PLU) actuel, datant de 2006 et devenu obsolète. L’objectif visé est l’adoption d’un nouveau PLU "bioclimatique". Toutefois, la révision du PLU cristallise les tensions à cause de certains enjeux stratégiques de la municipalité parisienne. La conférence débat organisée le 9 mars 2023 pour exposer les derniers développements du projet de la Ville de Paris aux professionnels a mis en évidence leur mécontentement et crispation. 

Contexte parisien. Le PLU actuel était un projet de ville pour Paris à l’horizon de 2020. Il est donc devenu obsolète. Ainsi en décembre 2020, le Conseil de Paris a voté la prescription de la révision du PLU parisien de 2006. L’objectif est l’adoption d’un nouveau PLU "bioclimatique". Toutefois, cette révision cristallise les tensions à cause de certains enjeux stratégiques de la municipalité parisienne.
Le nouveau PLU sera présenté au Conseil de Paris avant l’été et devrait être approuvé définitivement au second semestre de 2024. Ce "PLU Bioclimatique" est un projet ambitieux qui vise à transformer la Ville de Paris en une ville plus verte et plus durable. Le plan met en place une série de mesures visant à améliorer la qualité de vie des habitants de la ville tout en réduisant son empreinte écologique.
Néanmoins, ce nouveau projet de Paris "Ville verte" impacte fortement certains propriétaires d’immeubles, les investisseurs immobiliers et leur stratégie immobilière. Une mesure est toute particulièrement critiquée : le "pastillage" d’un millier d’immeubles à travers l’instauration d’emplacements réservés visant à modifier partiellement la destination de ces immeubles, principalement de bureaux.

Quels sont les objectifs annoncés du PLU bioclimatique de Paris?

L’objectif principal consiste à réduire l’empreinte carbone de la Ville de Paris. Le PLU serait aussi un moyen de réduire l’activité tertiaire à Paris pour mieux partager la richesse économique de la ville avec le reste de la métropole.
Les actifs tertiaires sont l’un des principaux sujets de débat liés à la révision du PLU pour l’avenir de la capitale. En effet, le souhait formulé par la mairie consiste à passer de 20 millions à 15 millions de mètres carrés de bureaux. D’où l’abandon des grandes opérations d’urbanisme en vue de réduire les bureaux. La voie privilégiée consiste à transformer les bureaux obsolètes en logements, notamment sociaux. Les nouvelles constructions d’immeubles de bureaux seraient plutôt réservées à certains quartiers de Paris, au Nord et à l’Est parisien principalement.

PLU Bioclimatique et marché du bureau : est-il exact d’affirmer qu’il y a trop de bureaux à Paris ?

Avec le futur PLU bioclimatique parisien, la priorité serait de réduire le nombre de bureaux de la capitale dans l’optique de répartir les richesses sur le Grand Paris et faire descendre la pression foncière. Pour atteindre cet objectif, la stratégie adoptée consisterait notamment à transformer les bureaux obsolètes en logements sociaux.
Il est estimé qu’en 2022, les ventes d’actifs ayant pour objet un changement d’usage ont ainsi totalisé près de 1,7 milliard d’euros en France. D’où un intérêt accru pour les conversions immobilières.
Sur la question de savoir s’il y a une trop forte proportion de bureaux à Paris, une comparaison à l’échelle internationale est intéressante. Des taux de vacance d’immeubles de bureaux à plus de 12 % en moyenne et jusqu’à 18 % dans les quartiers d’affaires de New York ou de Londres font de la capitale française une ville attractive.
En effet sur le plan strict du rapport – offre et demande – Paris est marquée par une pénurie immobilière, avec un taux de vacance moyen de 3,5 % sur un parc de 17 millions de mètres carrés et une offre quasi inexistante dans plusieurs arrondissements centraux.

Une telle servitude (pastillage) pourrait de manière certaine et directe déprécier la valeur des actifs de bureaux value add, en attente de restructuration

PLU bioclimatique : la transformation de bureaux en logements est-elle pertinente?

On estime que 1000 immeubles sont pastillés, parmi lesquels figurent de nombreux actifs de bureaux à restructurer, avec un objectif à atteindre: 40 % de logements sociaux d’ici 2035. Si la transformation peut offrir une solution innovante pour répondre à la demande de logements et redynamiser certains quartiers – les 18e, 19e, et 20e arrondissements seraient, au regard des indicateurs de marché et de la demande des entreprises, le gisement de bureaux à transformer et le plus facile à mobiliser à court terme. Néanmoins, c’est bien le quartier central d’affaires (QCA) qui semble particulièrement visé par ce "pastillage" (voir infographie).

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Le pastillage doit être compris comme des emplacements réservés visant à accueillir un certain pourcentage de logements libres ainsi qu’un pourcentage par types de logements (social, abordable, en bail réel solidaire) au sein d’actifs jusque-là mono-activité (tertiaire en majorité). En ce sens, les emplacements réservés permettent aux autorités publiques d’imposer un programme de construction précis. On parle des servitudes d’urbanisme pouvant justifier l’exercice du droit de préemption, mais qui confèrent également au propriétaire du terrain concerné un droit de délaissement, qui lui permet de mettre en demeure la collectivité d’acquérir son bien à sa valeur de marché (en écartant l’emplacement réservé).
Il en résulte que les propriétaires dont les parcelles seraient concernées par les "pastillages et servitudes" se verront dans l’obligation de se conformer à ces réserves en cas de restructuration lourde de leurs biens. Ils pourraient également exercer leur droit de délaissement à cause des coûts liés à un changement de destination ou restructuration lourde.
D’où l’inquiétude des investisseurs qui redoutent une dépréciation de leurs actifs. En ce sens, la transformation des constructions existantes est une préoccupation majeure du règlement. En effet l’essentiel du territoire parisien étant déjà bâti, l’ambition d’adaptation de la ville aux enjeux climatiques et environnementaux trouvera sa concrétisation principalement dans la transformation des bâtiments existants.

Quels seraient les effets potentiels du PLU bioclimatique sur les valeurs immobilières tertiaires?

Le PLU bioclimatique de Paris pourrait imposer une servitude de mixité fonctionnelle pour les opérations de construction, restructuration lourde ou changement de destination au-delà d’une certaine surface de plancher. En d’autres termes, cela signifie que la Ville de Paris pourrait exiger qu’une part minimale d’habitation, et notamment de logements sociaux soit incluse dans ces projets immobiliers d’une certaine envergure.
Une telle servitude pourrait de manière certaine et directe déprécier la valeur des actifs de bureaux value add, en attente de restructuration.
En effet, les actifs de bureaux rénovés peuvent valoir jusqu’à 30000 euros par mètre carré dans le QCA. On pense notamment à la cession en 2023 de l’immeuble Galilée-Vernet (61 rue de Galilée - 21-23 rue Vernet). Quand le prix métrique des logements est compris entre 13000 euros et 15000 euros dans les quartiers centraux, et plutôt à 5000 euros le mètre carré pour les logements sociaux au vu des dernières opérations de la mairie parisienne.
En conclusion, le projet détaillé du nouveau PLU bioclimatique est donc particulièrement attendu et source de vives inquiétudes de la part des investisseurs et institutionnels de la place. Ces derniers qui sont d’ailleurs vent debout contre une imposition qualifiée de "fait du prince" et qui craignent que certains de leurs actifs de bureaux soient rendus illiquides ou fortement dépréciés. À juste titre. 

Sur l'auteur
Fondé en 2022, le cabinet Colin Expertises est un cabinet indépendant d’expertise immobilière, foncière et commerciale qui a pour objet l’évaluation des actifs immobiliers résidentiels, professionnels et commerciaux sur la France entière, notamment dans les domaines de l’estimation de valeurs locatives, de valeurs vénales de murs, droits au bail, fonds de commerce, ou encore indemnités d’éviction. Alan Colin, fondateur, est expert judiciaire, inscrit sur la liste des experts près la cour d’appel de Nancy.

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