Entretien avec Joseph Habbouche, chef de projet. KLB Group
Logements sociaux, -15 % de coûts, -50 % de délais, c'est possible !
Nous recensons en moyenne 350 000 mises en chantier tous les ans en France. Les bailleurs sociaux n’arrivent pas à répondre à la demande de logements. Pour décupler les livraisons, ils doivent s’engager avec détermination dans leur propre révolution industrielle. Entretien avec Joseph Habbouche, chef de projet chez KLB Group. Il est expert en efficacité énergétique et pilote des projets pour les bailleurs sociaux.
Décideurs. À quels défis le logement social doit-il faire face ?
Joseph Habbouche. Le logement social doit répondre aux besoins en logements de tous ceux qui peinent à se loger dans les conditions du marché. Face à une demande en forte hausse, les bailleurs sociaux veulent augmenter la production des logements neufs. Mais ils peinent à trouver du foncier dans les zones denses. Les délais de construction s’allongent, les retards sont fréquents. Et pour couronner le tout, l’application de la Réglementation Thermique 2012 (1) génère une inflation des coûts !
Décideurs. Comment faire face à la pression foncière dans les zones denses ?
J. H. Une solution existe, étonnamment peu exploitée. Il suffit de surélever les immeubles. Avec des économies considérables à la clé. Les charges baissent mécaniquement avec le nombre de logements. L’isolation des planchers hauts et l’utilisation des énergies renouvelables augmentent la performance énergétique. Et l’économie sur le foncier dégage des marges de manœuvre pour investir dans la rénovation de l’immeuble et son relooking. Le toit devient une ressource pour la valorisation du patrimoine, l’amélioration du confort de l’immeuble et la construction de nouveaux logements !
Prenons l’exemple d’un bailleur social avec un patrimoine de 100 000 logements et un objectif de construction de 1 500 logements neufs par an.
Avec seulement un tiers de son patrimoine éligible à la surélévation des immeubles sur deux niveaux, il créerait 5 000 logements neufs ! Sans le coût ni les délais de la mobilisation du foncier !
Décideurs. Comment augmenter le rythme des constructions sans augmenter les coûts ?
J. H. Il faut standardiser et industrialiser. Aujourd’hui les constructions sont menées en mode chantier traditionnel, sans véritable effort de standardisation et d’industrialisation. En élaborant son propre système de construction, et en s’inspirant des méthodes éprouvées de la production industrielle, un bailleur social peut augmenter la cadence des livraisons de ses immeubles neufs tout en respectant une très haute performance énergétique. Un système de construction industrialisé nécessite l’élaboration de standards configurables à coût objectif pour tous les systèmes et les sous-systèmes d’un immeuble : structure, enveloppe, menuiseries extérieures, systèmes techniques, revêtements… Puis il faut mettre en œuvre un maximum de pré-ingénierie et de préfabrication. Avec un tel système, les coûts baissent de 15?%. Et surtout les délais de la conception à la construction, hors obtention des permis de construire, diminuent de 30 à 50?%.
De nouveaux systèmes constructifs innovants existent déjà, comme les systèmes à ossature bois qui semblent très prometteurs. Mais trop souvent, la mise en œuvre de tels systèmes se fait dans le cadre d’un seul chantier dit pilote, qui est en fait un prototype, qui ne modifie que partiellement la phase exécution. Pour bénéficier pleinement des avantages de systèmes constructifs industrialisés, il faut l’inscrire dans une véritable démarche de production industrielle qui doit remettre en cause les méthodes de programmation, de prescription et de conception et changer la chaîne de valeur. Les achats jouent un rôle majeur dans la mise en place de ces méthodes avec les fournisseurs.
Décideurs. Quant aux charges locatives, comment faire pour les réduire ?
J. H. Il faut optimiser les dépenses énergétiques. Elles représentent plus des deux tiers des charges locatives. Donc si on les diminue, on baisse les dépenses des ménages, on préserve leur pouvoir d’achat, tout en réduisant les émissions nocives et en préservant les ressources.
Trois leviers sont actionnables :
D’abord les travaux de réhabilitation et de valorisation du patrimoine. Ces travaux sont souvent lourds et coûteux mais indispensables à la mise en norme du bâtiment d’un point de vue thermique afin de garantir la réduction des charges. Ils améliorent aussi le confort des locataires. Une bonne connaissance du patrimoine et une meilleure programmation permettent d’optimiser les investissements de rénovation.
Ensuite les innovations, aussi bien technologiques que non technologiques, comme le mode de gestion des prestataires par exemple. Ces innovations présentent de grandes opportunités pour la réduction des charges. Les nouvelles technologies doivent être étudiées en coût complet pour prendre en compte les coûts d’exploitation et de maintenance sur le cycle de vie de l’immeuble. Il ne faut pas oublier la formation des techniciens qui gèrent ces installations. Attention : mal exploitées par manque de compétence ou de connaissances, ces technologies peuvent surconsommer de l’énergie et ainsi augmenter les dépenses en énergie.
Et enfin, il faut informer, former et aider les locataires dans l’usage des logements et des systèmes techniques. Une meilleure compréhension des enjeux énergétiques de leur immeuble et de l’impact direct de leurs comportements génère des résultats tout à fait significatifs. Des expériences menées par nos voisins européens ont généré des baisses de charges de 10?%. Mettre en place des indicateurs, les communiquer régulièrement, organiser des challenges inter-immeubles avec des récompenses en travaux de confort permet non seulement de responsabiliser les locataires, mais aussi de les placer au centre du système de gestion. Cette démarche menée de manière professionnelle bouscule les modes de gestion traditionnels.
Décideurs. Vous êtes donc plutôt optimiste ! Des solutions existent !
J. H. Tout à fait ! Augmenter drastiquement le volume de production tout en améliorant la qualité des logements et en réduisant les coûts n’est pas aisé. Mais les maîtres d’ouvrage du logement social ont en main toutes les cartes pour structurer des filières locales bâtiment durable spécialisées qui sauront répondre à leurs attentes en mettant en œuvre des pratiques et méthodes industrielles de la conception à la construction. Après une étape de prise de conscience, les bailleurs sociaux doivent sortir du mode d’expérimentation et lancer un programme ambitieux et structuré à la hauteur des enjeux économiques, sociaux et environnementaux auxquels ils sont confrontés.
1. Conformément à l'article 4 de la loi Grenelle 1, la RT (Réglementation Thermique) 2012 a pour objectif de limiter la consommation d'énergie primaire des bâtiments neufs à un maximum de 50 kWhEP/(m².an) en moyenne, tout en suscitant une évolution technologique et industrielle significative pour toutes les filières du bâti et des équipements, un très bon niveau de qualité énergétique du bâti, indépendamment du choix de système énergétique, un équilibre technique et économique entre les énergies utilisées pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire.
Décideurs. À quels défis le logement social doit-il faire face ?
Joseph Habbouche. Le logement social doit répondre aux besoins en logements de tous ceux qui peinent à se loger dans les conditions du marché. Face à une demande en forte hausse, les bailleurs sociaux veulent augmenter la production des logements neufs. Mais ils peinent à trouver du foncier dans les zones denses. Les délais de construction s’allongent, les retards sont fréquents. Et pour couronner le tout, l’application de la Réglementation Thermique 2012 (1) génère une inflation des coûts !
Décideurs. Comment faire face à la pression foncière dans les zones denses ?
J. H. Une solution existe, étonnamment peu exploitée. Il suffit de surélever les immeubles. Avec des économies considérables à la clé. Les charges baissent mécaniquement avec le nombre de logements. L’isolation des planchers hauts et l’utilisation des énergies renouvelables augmentent la performance énergétique. Et l’économie sur le foncier dégage des marges de manœuvre pour investir dans la rénovation de l’immeuble et son relooking. Le toit devient une ressource pour la valorisation du patrimoine, l’amélioration du confort de l’immeuble et la construction de nouveaux logements !
Prenons l’exemple d’un bailleur social avec un patrimoine de 100 000 logements et un objectif de construction de 1 500 logements neufs par an.
Avec seulement un tiers de son patrimoine éligible à la surélévation des immeubles sur deux niveaux, il créerait 5 000 logements neufs ! Sans le coût ni les délais de la mobilisation du foncier !
Décideurs. Comment augmenter le rythme des constructions sans augmenter les coûts ?
J. H. Il faut standardiser et industrialiser. Aujourd’hui les constructions sont menées en mode chantier traditionnel, sans véritable effort de standardisation et d’industrialisation. En élaborant son propre système de construction, et en s’inspirant des méthodes éprouvées de la production industrielle, un bailleur social peut augmenter la cadence des livraisons de ses immeubles neufs tout en respectant une très haute performance énergétique. Un système de construction industrialisé nécessite l’élaboration de standards configurables à coût objectif pour tous les systèmes et les sous-systèmes d’un immeuble : structure, enveloppe, menuiseries extérieures, systèmes techniques, revêtements… Puis il faut mettre en œuvre un maximum de pré-ingénierie et de préfabrication. Avec un tel système, les coûts baissent de 15?%. Et surtout les délais de la conception à la construction, hors obtention des permis de construire, diminuent de 30 à 50?%.
De nouveaux systèmes constructifs innovants existent déjà, comme les systèmes à ossature bois qui semblent très prometteurs. Mais trop souvent, la mise en œuvre de tels systèmes se fait dans le cadre d’un seul chantier dit pilote, qui est en fait un prototype, qui ne modifie que partiellement la phase exécution. Pour bénéficier pleinement des avantages de systèmes constructifs industrialisés, il faut l’inscrire dans une véritable démarche de production industrielle qui doit remettre en cause les méthodes de programmation, de prescription et de conception et changer la chaîne de valeur. Les achats jouent un rôle majeur dans la mise en place de ces méthodes avec les fournisseurs.
Décideurs. Quant aux charges locatives, comment faire pour les réduire ?
J. H. Il faut optimiser les dépenses énergétiques. Elles représentent plus des deux tiers des charges locatives. Donc si on les diminue, on baisse les dépenses des ménages, on préserve leur pouvoir d’achat, tout en réduisant les émissions nocives et en préservant les ressources.
Trois leviers sont actionnables :
D’abord les travaux de réhabilitation et de valorisation du patrimoine. Ces travaux sont souvent lourds et coûteux mais indispensables à la mise en norme du bâtiment d’un point de vue thermique afin de garantir la réduction des charges. Ils améliorent aussi le confort des locataires. Une bonne connaissance du patrimoine et une meilleure programmation permettent d’optimiser les investissements de rénovation.
Ensuite les innovations, aussi bien technologiques que non technologiques, comme le mode de gestion des prestataires par exemple. Ces innovations présentent de grandes opportunités pour la réduction des charges. Les nouvelles technologies doivent être étudiées en coût complet pour prendre en compte les coûts d’exploitation et de maintenance sur le cycle de vie de l’immeuble. Il ne faut pas oublier la formation des techniciens qui gèrent ces installations. Attention : mal exploitées par manque de compétence ou de connaissances, ces technologies peuvent surconsommer de l’énergie et ainsi augmenter les dépenses en énergie.
Et enfin, il faut informer, former et aider les locataires dans l’usage des logements et des systèmes techniques. Une meilleure compréhension des enjeux énergétiques de leur immeuble et de l’impact direct de leurs comportements génère des résultats tout à fait significatifs. Des expériences menées par nos voisins européens ont généré des baisses de charges de 10?%. Mettre en place des indicateurs, les communiquer régulièrement, organiser des challenges inter-immeubles avec des récompenses en travaux de confort permet non seulement de responsabiliser les locataires, mais aussi de les placer au centre du système de gestion. Cette démarche menée de manière professionnelle bouscule les modes de gestion traditionnels.
Décideurs. Vous êtes donc plutôt optimiste ! Des solutions existent !
J. H. Tout à fait ! Augmenter drastiquement le volume de production tout en améliorant la qualité des logements et en réduisant les coûts n’est pas aisé. Mais les maîtres d’ouvrage du logement social ont en main toutes les cartes pour structurer des filières locales bâtiment durable spécialisées qui sauront répondre à leurs attentes en mettant en œuvre des pratiques et méthodes industrielles de la conception à la construction. Après une étape de prise de conscience, les bailleurs sociaux doivent sortir du mode d’expérimentation et lancer un programme ambitieux et structuré à la hauteur des enjeux économiques, sociaux et environnementaux auxquels ils sont confrontés.
1. Conformément à l'article 4 de la loi Grenelle 1, la RT (Réglementation Thermique) 2012 a pour objectif de limiter la consommation d'énergie primaire des bâtiments neufs à un maximum de 50 kWhEP/(m².an) en moyenne, tout en suscitant une évolution technologique et industrielle significative pour toutes les filières du bâti et des équipements, un très bon niveau de qualité énergétique du bâti, indépendamment du choix de système énergétique, un équilibre technique et économique entre les énergies utilisées pour le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire.