Regard décalé et perçant sur la fonction avec la DRH d'Aéroports de Paris.
Catherine Benet (ADP):« Faire des jeunes des objets à part, X, Y ou Z, n’est pas pertinent »
Décideurs. Qu’est-ce qui fait, selon vous, l’originalité de la fonction RH ?
Catherine Benet. L'originalité de la fonction RH est qu'elle investit un très grand nombre de champs de l'entreprise avec le risque majeur de suivre les effets de mode. Chaque DRH a des enjeux spécifiques liés à son secteur d'activité, à son environnement, à ses métiers, à sa structure de salariés. En ce moment par exemple, tout le monde s’engage sur le digital. Les années précédentes, nous avons assisté à l’avènement du thème de la qualité de vie au travail. Ce dernier sujet, qui est un sujet de fond au travers de la prévention des risques psychosociaux, ne doit pas nous faire aller vers de la consommation de solutions plus ou moins clés en main. Il est difficile de résister à ces effets de mode qui ont tout de même le mérite de mettre en lumière des sujets de fond mais le travers de vouloir les traiter comme des objets. Dans ce contexte, il n’est pas toujours aisé de donner du relief à une fonction très riche et complète.
Autre exemple, le rôle stratégique du DRH : voilà un sujet qui a été largement traité. Pourtant, influence-t-on vraiment la stratégie de l’entreprise ? Oui, le DRH occupe son champ d'expertise et contribue à la construction de la stratégie globale, mais comme les autres membres du comité exécutif d'une entreprise. L’important pour moi c’est de savoir communiquer afin que le plan stratégique mis en place ait du sens pour tous les collaborateurs.
Décideurs. L’innovation RH est également un sujet qui a le vent en poupe.
C. B. Je choisirai juste un prisme, qui est celui des jeunes qui intègrent le monde de l'entreprise. Ces derniers aspirent à autre chose : ils sont lucides sur ce qu’ils attendent d’une entreprise, n’ont plus peur de challenger les idées reçues et ne considèrent rien comme acquis, ce qui les met potentiellement dans une posture d'innovation permanente. De plus, ils appréhendent me semble-t-il la relation employé/employeur sous un angle contractuel où les deux parties peuvent s'exprimer là où il y a encore peu de temps l’employeur imposait ses conditions.
Cela dit, là aussi, en faire des objets à part, X, Y ou Z n’est pas pertinent. Nous avons juste une approche différente de l’information, comme de la notion de collaboratif ou de la gestion de l’émotion et c'est tout le système qui peut s'enrichir de cela.
Décideurs. Quels sont les défis inhérents à cette problématique ?
C. B. Pour ADP, entreprise qui a un passé d'établissement public, une culture statutaire, des avantages sociaux construits au fil du temps, une organisation du travail parfois encore segmentée, une population âgée de 48 ans en moyenne et qui a environ dix-huit ans d'ancienneté, il y a un vrai défi à attirer des jeunes sur nos métiers pourtant passionnants. Notre culture est à la fois un atout mais peut constituer un frein pour des jeunes qui peuvent trouver notre environnement un peu lourd en processus. À nous de faire accepter que les codes qui existent depuis longtemps peuvent être bousculés. Ainsi, nous avons déjà entamé une réflexion sur l'aménagement de nos modes de fonctionnement : outre le télétravail, le travail nomade, le co-working, la semaine de quatre jours ou encore les horaires flexibles doivent être introduits de façon cohérente et intelligente. Nous devons favoriser les échanges entre les différentes générations car ils sont très fertiles, on est sur des transmissions de savoirs réciproques.
Décideurs. Pouvez-vous nous parler de l’initiative Innov’idées ?
C. B. C’est typiquement le genre d’initiative qui était selon moi une pépite endormie. Elle existe depuis vingt ans et nous avons décidé de la remettre au goût du jour. Le principe très simple est que les salariés peuvent à travers ce système proposer des idées ou des projets originaux à un comité de sélection. S’ils sont retenus, le comité les soutient pour les mettre en œuvre. À ce jour, une centaine d’idées primées vivent chez ADP. Cette cellule d’innovation nous donne un élan supplémentaire.
Propos recueillis par Julie Atlan
Catherine Benet. L'originalité de la fonction RH est qu'elle investit un très grand nombre de champs de l'entreprise avec le risque majeur de suivre les effets de mode. Chaque DRH a des enjeux spécifiques liés à son secteur d'activité, à son environnement, à ses métiers, à sa structure de salariés. En ce moment par exemple, tout le monde s’engage sur le digital. Les années précédentes, nous avons assisté à l’avènement du thème de la qualité de vie au travail. Ce dernier sujet, qui est un sujet de fond au travers de la prévention des risques psychosociaux, ne doit pas nous faire aller vers de la consommation de solutions plus ou moins clés en main. Il est difficile de résister à ces effets de mode qui ont tout de même le mérite de mettre en lumière des sujets de fond mais le travers de vouloir les traiter comme des objets. Dans ce contexte, il n’est pas toujours aisé de donner du relief à une fonction très riche et complète.
Autre exemple, le rôle stratégique du DRH : voilà un sujet qui a été largement traité. Pourtant, influence-t-on vraiment la stratégie de l’entreprise ? Oui, le DRH occupe son champ d'expertise et contribue à la construction de la stratégie globale, mais comme les autres membres du comité exécutif d'une entreprise. L’important pour moi c’est de savoir communiquer afin que le plan stratégique mis en place ait du sens pour tous les collaborateurs.
Décideurs. L’innovation RH est également un sujet qui a le vent en poupe.
C. B. Je choisirai juste un prisme, qui est celui des jeunes qui intègrent le monde de l'entreprise. Ces derniers aspirent à autre chose : ils sont lucides sur ce qu’ils attendent d’une entreprise, n’ont plus peur de challenger les idées reçues et ne considèrent rien comme acquis, ce qui les met potentiellement dans une posture d'innovation permanente. De plus, ils appréhendent me semble-t-il la relation employé/employeur sous un angle contractuel où les deux parties peuvent s'exprimer là où il y a encore peu de temps l’employeur imposait ses conditions.
Cela dit, là aussi, en faire des objets à part, X, Y ou Z n’est pas pertinent. Nous avons juste une approche différente de l’information, comme de la notion de collaboratif ou de la gestion de l’émotion et c'est tout le système qui peut s'enrichir de cela.
Décideurs. Quels sont les défis inhérents à cette problématique ?
C. B. Pour ADP, entreprise qui a un passé d'établissement public, une culture statutaire, des avantages sociaux construits au fil du temps, une organisation du travail parfois encore segmentée, une population âgée de 48 ans en moyenne et qui a environ dix-huit ans d'ancienneté, il y a un vrai défi à attirer des jeunes sur nos métiers pourtant passionnants. Notre culture est à la fois un atout mais peut constituer un frein pour des jeunes qui peuvent trouver notre environnement un peu lourd en processus. À nous de faire accepter que les codes qui existent depuis longtemps peuvent être bousculés. Ainsi, nous avons déjà entamé une réflexion sur l'aménagement de nos modes de fonctionnement : outre le télétravail, le travail nomade, le co-working, la semaine de quatre jours ou encore les horaires flexibles doivent être introduits de façon cohérente et intelligente. Nous devons favoriser les échanges entre les différentes générations car ils sont très fertiles, on est sur des transmissions de savoirs réciproques.
Décideurs. Pouvez-vous nous parler de l’initiative Innov’idées ?
C. B. C’est typiquement le genre d’initiative qui était selon moi une pépite endormie. Elle existe depuis vingt ans et nous avons décidé de la remettre au goût du jour. Le principe très simple est que les salariés peuvent à travers ce système proposer des idées ou des projets originaux à un comité de sélection. S’ils sont retenus, le comité les soutient pour les mettre en œuvre. À ce jour, une centaine d’idées primées vivent chez ADP. Cette cellule d’innovation nous donne un élan supplémentaire.
Propos recueillis par Julie Atlan