Par Marie-Yvonne Benjamin, avocat associé, et Patrick Lucien-Baugas, avocat. Genesis
Les anciennes DIA sont-elles sans Alur?
Parmi ses 177 articles, la loi Alur du 24 mars 2014 consacre ses articles 149 à 154 au droit de préemption. La déclaration d’intention d’aliéner (DIA) est concernée par l’article 149 qui accroît l’information donnée au titulaire du droit de préemption mais aussi restreint à trois ans le délai de validité des DIA. Cette dernière disposition s’applique-t-elle aux DIA établies avant l’entrée en vigueur de la loi Alur ?
La modification de la déclaration d’intention d’aliéner (DIA) par la loi Alur
Aux termes de l’article L.213-2 du code de l’urbanisme : «Toute aliénation visée à l'article L.213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. (…)». Il s’agit de la traditionnelle «déclaration d’intention d’aliéner» ou «DIA».
L’article 149-I-11° de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, dite loi «Alur» a modifié l’article L.213-2 du code de l’urbanisme : les DIA devront contenir davantage d’informations et le titulaire du droit de préemption pourra demander des informations particulières et visiter le bien dans des conditions fixées ultérieurement par décret. Pour tenir compte de la demande de visite ou des informations requises par le titulaire du droit de préemption, le délai de deux mois pour préempter pourra être suspendu dans l’attente de la visite ou de la réponse aux informations demandées. Enfin, des transmissions et notifications de la DIA sont prévues lorsque le titulaire du droit de préemption prévoit d’acquérir le bien.
L’article 149-I-12° de la loi Alur a modifié l’article L.213-8 du code de l’urbanisme en introduisant deux dispositions, l'une permettant de réévaluer le prix fixé dans la DIA pour tenir compte des variations du coût de la construction constatées par l’Insee depuis la date de la DIA, et l'autre pour restreindre les effets de la DIA à trois ans : «Si le propriétaire n'a pas réalisé la vente de son bien sous forme authentique dans le délai de trois ans à compter de la renonciation au droit de préemption, il dépose une nouvelle déclaration préalable mentionnée à l'article L. 213-2».
C’est la disposition qui sera le cœur du présent commentaire.
Les effets de la loi Alur sur les DIA anciennes
La question juridique qui se pose est celle de savoir si cette disposition instaurant un délai de validité de trois ans aux DIA s’applique à celles signées antérieurement à la date de l’entrée en vigueur de la loi du 24 mars 2014.
D’emblée, on soulignera que cette question a été posée par un député, pour le moment sans réponse (Question écrite n°57336 JOAN du 17 juin 2014, posée par M. Jean-Sébastien Vialatte) et que la réponse à cette question est d’importance car le dépôt d’une nouvelle DIA rouvre à l’autorité titulaire du droit de préemption, le droit de l’exercer, quand bien même il y aurait renoncé expressément en réponse à une précédente DIA établie pour le même bien aux mêmes prix et conditions (CE, 5 juillet 2013, n°349664, tables du Lebon).
L’article 2 du code civil instaure la règle suivante : «La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif».
Hormis en matière pénale où ce principe a rang constitutionnel (Cons. constitutionnel, 7 novembre 1997 : D. 1999. Somm. 235), il s’agit d’un principe de valeur législative qui n’est pas d’ordre public et auquel il peut être dérogé par la loi. En ce cas, la loi doit expressément et sans équivoque prévoir son caractère rétroactif (Civ. 1ère, 9 décembre 2009, Bull. civ. I, n°242 ; CA Paris, 21 mai 1971, D. 1973.93).
C’est également ce qu’a jugé la Cour de cassation dans un arrêt plus récent du 12 juin 2013, pourvoi n°12-15.688 : «Mais attendu que la loi nouvelle ne s'applique pas, sauf rétroactivité expressément décidée par le législateur, aux actes juridiques conclus antérieurement à son entrée en vigueur».
Par ailleurs, s’appliquent aux situations antérieures, les dispositions législatives dictées par des motifs impérieux d’ordre public. Mais, encore faut-il justifier l’application immédiate de la loi aux situations nées antérieurement.
Cass. 1ère Civ. 17 mars 1998, pourvoi n°96-12.183 (publié au Bulletin) :
« que, par motifs adoptés, elle [la cour d’appel] a retenu que l'assureur était mal fondé à opposer le principe de la non-rétroactivité des lois, les lois nouvelles qui intéressent l'ordre public étant immédiatement applicables aux contrats en cours d'exécution ; qu'elle a ajouté que l'article L. 132-29 avait été inséré dans le Code des assurances à la suite de la loi du 17 décembre 1966, que cette loi était destinée à éviter les conséquences de la dépréciation monétaire, qu'elle intéressait donc l'ordre public économique et qu'elle devait, dès lors, régir le contrat d'assurance en cause, les effets de celui-ci conclu antérieurement à ladite loi ayant continué à se réaliser postérieurement à celle-ci ; Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser les raisons d'une application immédiate de la loi que sa nature d'ordre public ne pouvait à elle seule justifier, la cour d'appel a violé les textes susvisés».
Et de même : Cass. Com. 3 mars 2009, pourvoi n°07-16527 (publié au Bulletin) : «Vu l'article 2 du code civil et l'article L. 441-6 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 15 mai 2001 ; Attendu que les dispositions de la loi du 15mai 2001 modifiant l'article L. 441-6 du code de commerce, qui répondent à des considérations d'ordre public particulièrement impérieuses, sont applicables, dès la date d'entrée en vigueur de ce texte, aux contrats en cours ; que les pénalités de retard pour non-paiement des factures sont dues de plein droit, sans rappel et sans avoir à être indiquées dans les conditions générales des contrats.»
L’instauration d’un délai de validité aux DIA n’est pas dictée par des «considérations d’ordre public particulièrement impérieuses» mais il s’agit d’un parti pris du Législateur qui voudrait éviter que des projets «traînent en longueur» avec des DIA déposées trop en amont et renouveler les possibilités de préempter. Cette disposition ne nous paraît donc pas pouvoir s’appliquer par principe à des situations antérieurement acquises.
Par ailleurs, la loi Alur ne prévoyant pas la rétroactivité de la disposition instaurant un délai de validité de trois ans aux DIA, l’article 2 du code civil s’applique et cette disposition ne peut donc pas avoir d’effet rétroactif.
Il en résulte, à notre sens, que les DIA établies antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi Alur, conservent leur absence de durée de validité…
Voilà qui donne de l’allure à ces anciennes DIA.
La modification de la déclaration d’intention d’aliéner (DIA) par la loi Alur
Aux termes de l’article L.213-2 du code de l’urbanisme : «Toute aliénation visée à l'article L.213-1 est subordonnée, à peine de nullité, à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. (…)». Il s’agit de la traditionnelle «déclaration d’intention d’aliéner» ou «DIA».
L’article 149-I-11° de la loi n°2014-366 du 24 mars 2014, dite loi «Alur» a modifié l’article L.213-2 du code de l’urbanisme : les DIA devront contenir davantage d’informations et le titulaire du droit de préemption pourra demander des informations particulières et visiter le bien dans des conditions fixées ultérieurement par décret. Pour tenir compte de la demande de visite ou des informations requises par le titulaire du droit de préemption, le délai de deux mois pour préempter pourra être suspendu dans l’attente de la visite ou de la réponse aux informations demandées. Enfin, des transmissions et notifications de la DIA sont prévues lorsque le titulaire du droit de préemption prévoit d’acquérir le bien.
L’article 149-I-12° de la loi Alur a modifié l’article L.213-8 du code de l’urbanisme en introduisant deux dispositions, l'une permettant de réévaluer le prix fixé dans la DIA pour tenir compte des variations du coût de la construction constatées par l’Insee depuis la date de la DIA, et l'autre pour restreindre les effets de la DIA à trois ans : «Si le propriétaire n'a pas réalisé la vente de son bien sous forme authentique dans le délai de trois ans à compter de la renonciation au droit de préemption, il dépose une nouvelle déclaration préalable mentionnée à l'article L. 213-2».
C’est la disposition qui sera le cœur du présent commentaire.
Les effets de la loi Alur sur les DIA anciennes
La question juridique qui se pose est celle de savoir si cette disposition instaurant un délai de validité de trois ans aux DIA s’applique à celles signées antérieurement à la date de l’entrée en vigueur de la loi du 24 mars 2014.
D’emblée, on soulignera que cette question a été posée par un député, pour le moment sans réponse (Question écrite n°57336 JOAN du 17 juin 2014, posée par M. Jean-Sébastien Vialatte) et que la réponse à cette question est d’importance car le dépôt d’une nouvelle DIA rouvre à l’autorité titulaire du droit de préemption, le droit de l’exercer, quand bien même il y aurait renoncé expressément en réponse à une précédente DIA établie pour le même bien aux mêmes prix et conditions (CE, 5 juillet 2013, n°349664, tables du Lebon).
L’article 2 du code civil instaure la règle suivante : «La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif».
Hormis en matière pénale où ce principe a rang constitutionnel (Cons. constitutionnel, 7 novembre 1997 : D. 1999. Somm. 235), il s’agit d’un principe de valeur législative qui n’est pas d’ordre public et auquel il peut être dérogé par la loi. En ce cas, la loi doit expressément et sans équivoque prévoir son caractère rétroactif (Civ. 1ère, 9 décembre 2009, Bull. civ. I, n°242 ; CA Paris, 21 mai 1971, D. 1973.93).
C’est également ce qu’a jugé la Cour de cassation dans un arrêt plus récent du 12 juin 2013, pourvoi n°12-15.688 : «Mais attendu que la loi nouvelle ne s'applique pas, sauf rétroactivité expressément décidée par le législateur, aux actes juridiques conclus antérieurement à son entrée en vigueur».
Par ailleurs, s’appliquent aux situations antérieures, les dispositions législatives dictées par des motifs impérieux d’ordre public. Mais, encore faut-il justifier l’application immédiate de la loi aux situations nées antérieurement.
Cass. 1ère Civ. 17 mars 1998, pourvoi n°96-12.183 (publié au Bulletin) :
« que, par motifs adoptés, elle [la cour d’appel] a retenu que l'assureur était mal fondé à opposer le principe de la non-rétroactivité des lois, les lois nouvelles qui intéressent l'ordre public étant immédiatement applicables aux contrats en cours d'exécution ; qu'elle a ajouté que l'article L. 132-29 avait été inséré dans le Code des assurances à la suite de la loi du 17 décembre 1966, que cette loi était destinée à éviter les conséquences de la dépréciation monétaire, qu'elle intéressait donc l'ordre public économique et qu'elle devait, dès lors, régir le contrat d'assurance en cause, les effets de celui-ci conclu antérieurement à ladite loi ayant continué à se réaliser postérieurement à celle-ci ; Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser les raisons d'une application immédiate de la loi que sa nature d'ordre public ne pouvait à elle seule justifier, la cour d'appel a violé les textes susvisés».
Et de même : Cass. Com. 3 mars 2009, pourvoi n°07-16527 (publié au Bulletin) : «Vu l'article 2 du code civil et l'article L. 441-6 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 15 mai 2001 ; Attendu que les dispositions de la loi du 15mai 2001 modifiant l'article L. 441-6 du code de commerce, qui répondent à des considérations d'ordre public particulièrement impérieuses, sont applicables, dès la date d'entrée en vigueur de ce texte, aux contrats en cours ; que les pénalités de retard pour non-paiement des factures sont dues de plein droit, sans rappel et sans avoir à être indiquées dans les conditions générales des contrats.»
L’instauration d’un délai de validité aux DIA n’est pas dictée par des «considérations d’ordre public particulièrement impérieuses» mais il s’agit d’un parti pris du Législateur qui voudrait éviter que des projets «traînent en longueur» avec des DIA déposées trop en amont et renouveler les possibilités de préempter. Cette disposition ne nous paraît donc pas pouvoir s’appliquer par principe à des situations antérieurement acquises.
Par ailleurs, la loi Alur ne prévoyant pas la rétroactivité de la disposition instaurant un délai de validité de trois ans aux DIA, l’article 2 du code civil s’applique et cette disposition ne peut donc pas avoir d’effet rétroactif.
Il en résulte, à notre sens, que les DIA établies antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi Alur, conservent leur absence de durée de validité…
Voilà qui donne de l’allure à ces anciennes DIA.