Par Ian Kayanakis, corporate VP du groupe Technip
« Carve out », « apport partiel d’actif », « détourage », « achat d’actifs », « transfert de business as a going concern », etc. Autant de dénominations utilisées par les acteurs du M&A pour désigner une opération souvent identique tout à la fois complexe et à fort enjeux économiques, financiers, RH et juridiques.

L’utilisation de diverses expressions montre que derrière un concept assez simple, une multitude de questions se posent. Elles sont le fruit des réflexions des praticiens du M&A qui voient ces opérations à travers le prisme de leur propre expertise et expérience.

Trois angles de vue
Nous pourrions imaginer que si les directeurs M&A des entreprises étaient des juristes, l’expression patentée serait « détourage » d’actifs. En effet, un directeur juridique verrait dans la réalisation d’un détourage « l’ensemble des opérations juridiques visant à séparer d'une entreprise qui va être cédée des actifs ou des activités qui sont en dehors du périmètre de la cession et à leur donner, le cas échéant, une autonomie juridique et opérationnelle qu'ils n'avaient pas jusqu'à présent ».
Un directeur financier quant à lui, évoquerait certainement le « carve out » comme une opération patrimoniale que « l’on rencontre à l’occasion d’une cession d’entreprise et qui consiste à isoler les actifs, les passifs ainsi que les différentes activités qui ne font pas partie de la cession. Le détourage entraîne fréquemment l’apparition de nouvelles structures qui prennent en charge les activités, les actifs et les passifs exclus du périmètre de cession ».
Enfin, il n’est pas exagéré de penser qu’un directeur de la stratégie définirait plutôt l’acquisition d’actifs par sa finalité : organiser la prise de contrôle d’une unité de production ou d’un groupe d’entités en y mettant en œuvre dès que possible ses propres modes de fonctionnement et de maîtrise des risques afin de lui faire délivrer les synergies identifiées en amont de la transaction.

Une même opération
Ces trois angles de vue sur le « détourage » évoquent en fait une même opération analysée par trois métiers différents mais complémentaires voire interdépendants. Mais surtout, ces trois visions sont le reflet de technicités, de modes de réalisation de la transaction. Or, pour être un succès, l’opération doit voir les trois visions converger vers la reconnaissance des enjeux et la mise en place de solutions pour les maîtriser. Ce qui ne semble pas évident à la lecture des chiffres publiés dans les rapports annuels d’activités M&A par les firmes de consultantes ayant pignon sur rue et qui font mention d’un taux d’échec de 50 % en matière d’intégration post fusion. Dès lors, derrière ces particularismes sémantiques, il est nécessaire pour optimiser les chances de succès, d’identifier les grands enjeux et les solutions que les praticiens du M&A doivent maîtriser pour sécuriser la transaction et les conséquences sur leur entreprise une fois celle-ci signée.
Ainsi, une fois le Share Purchase Agreement ou l’Asset Purchase Agreement signé, comment faire que le temps investi « pre signing » se transforme en valeur « post closing » ? Pour répondre à cette question, il peut être utile d’adopter successivement le point de vue de l’acheteur puis celui du cédant.
En cas d’intégration de la cible, les enjeux critiques pour l’acquéreur des actifs détourés ou de l’activité détourée pourraient être les suivants :
- matérialiser les synergies de coûts et de croissance dans les délais impartis afin de réaliser toute la valeur d'acquisition ;
- qualifier les risques (opérationnels, financiers et juridiques) liés à la réalisation d'une fusion-acquisition ;
- planifier, structurer, coordonner et piloter le processus d’intégration ;
- maîtriser les aspects humains afin de limiter l’impact de l’opération sur la motivation et l’efficacité des salariés ;
- garantir la continuité de l’activité post closing par le maintien des flux opérationnels (vente, achat, transport, autorisation, certification, production), des flux de trésorerie (encaissement des clients, paiement des fournisseurs) et de la paie.

Le rôle de l’équipe M&A
Face à ces enjeux, quelles seraient donc les solutions à mettre en place par l’équipe M&A ? En tout premier lieu, il conviendrait d’effectuer un contrôle de cohérence des synergies afin de supporter la cohérence et la fiabilité des hypothèses de calcul du plan d’affaire combiné, puis planifier leur réalisation. Puis principalement, faire tout ce qu’il faut pour être prêt au lendemain du closing en ayant :
- défini et piloté les activités prioritaires à mener pour assurer le déroulement efficace du transfert juridique ;
- supporté l’élaboration du calendrier social et des plans de communication avec les parties prenantes (IPR, clients, fournisseurs, employés, administration, sous-traitants, etc.) ;
- intégré les deux points ci-dessus dans un calendrier d’intégration fixant des objectifs calendaires pour la réalisation des tâches.

En cas de séparation de la cible, les enjeux critiques pour le cédant des actifs cédés ou de l’activité cédée pourraient être les suivants :
- assurer le respect des obligations contractuelles du SPA ;
- estimer les coûts exceptionnels et récurrents liés à la séparation pour anticiper leurs impacts sur le P&L du cédant et du cessionnaire ;
- mettre en place de l’autonomie de gestion de l’entité cédée au closing J+1 ;
- démarrer les Transition Service Agreements (TSA) ;
- valider un retention plan pour les key people au moment du transfert d’activités.

Quelles sont les solutions qui devraient être mises en place par l’équipe M&A pour faire face à ces enjeux pour le cédant ? Pour s’assurer leur réalisation conformément aux intérêts du cédant, l’équipe transactionnelle devra avoir identifié les impacts fiscaux, juridiques et sociaux. Puis elle aura planifié le programme de séparation des actifs ou de l’activité, incluant les jalons clés juridiques, sociaux, fiscaux et opérationnels qu’elle aura identifié précédemment (cf. ci-dessus). En parallèle, elle identifiera les liens de dépendance de l’activité séparée avec l’entité cédante et préparera un plan détaillé de séparation (processus, contrats, applications informatiques mutualisées, propriété intellectuelle, actifs et de l’immobilier, ressources internes et externes). Cette tâche sera particulièrement importante afin de participer à la rédaction des TSA. Enfin, et c’est un « must have », le cédant devra mettre en place une gestion de programme de séparation dédiée, s’appuyant sur des méthodes et outils éprouvés et piloter le programme de séparation. Concomitamment, un plan de communication sera élaboré à destination des salariés, représentants du personnel, partenaires, fournisseurs, clients, régulateurs et analystes financiers.

La clé du succès d’une opération de détourage
Pour conclure et ne pas rester sur un « catalogue » de solutions, la clé du succès d’une opération de détourage pourrait être la convergence que j’évoquais en introduisant le propos. Si chaque fonction à sa vision, celle du M&A se doit d’être la combinaison de toutes ces visions et des expertises qui les portent.
Technip a récemment réalisé une telle opération complexe d’acquisition d’activité détourée et si cette opération a été un succès transactionnel, ce succès s’est confirmé post fusion grâce à la mise en œuvre des solutions préconisées ci-dessus toutes portées par la convergence des vues et des expertises financières, juridiques, sociales et opérationnelles au sein d’un équipe dédiée au projet.
L’utilisation de diverses expressions montre que derrière un concept assez simple, une multitude de questions se posent. Elles sont le fruit des réflexions des praticiens du M&A qui voient ces opérations à travers le prisme de leur propre expertise et expérience.

Trois angles de vue
Nous pourrions imaginer que si les directeurs M&A des entreprises étaient des juristes, l’expression patentée serait « détourage » d’actifs. En effet, un directeur juridique verrait dans la réalisation d’un détourage « l’ensemble des opérations juridiques visant à séparer d'une entreprise qui va être cédée des actifs ou des activités qui sont en dehors du périmètre de la cession et à leur donner, le cas échéant, une autonomie juridique et opérationnelle qu'ils n'avaient pas jusqu'à présent ».
Un directeur financier quant à lui, évoquerait certainement le « carve out » comme une opération patrimoniale que « l’on rencontre à l’occasion d’une cession d’entreprise et qui consiste à isoler les actifs, les passifs ainsi que les différentes activités qui ne font pas partie de la cession. Le détourage entraîne fréquemment l’apparition de nouvelles structures qui prennent en charge les activités, les actifs et les passifs exclus du périmètre de cession ».
Enfin, il n’est pas exagéré de penser qu’un directeur de la stratégie définirait plutôt l’acquisition d’actifs par sa finalité : organiser la prise de contrôle d’une unité de production ou d’un groupe d’entités en y mettant en œuvre dès que possible ses propres modes de fonctionnement et de maîtrise des risques afin de lui faire délivrer les synergies identifiées en amont de la transaction.

Une même opération
Ces trois angles de vue sur le « détourage » évoquent en fait une même opération analysée par trois métiers différents mais complémentaires voire interdépendants. Mais surtout, ces trois visions sont le reflet de technicités, de modes de réalisation de la transaction. Or, pour être un succès, l’opération doit voir les trois visions converger vers la reconnaissance des enjeux et la mise en place de solutions pour les maîtriser. Ce qui ne semble pas évident à la lecture des chiffres publiés dans les rapports annuels d’activités M&A par les firmes de consultantes ayant pignon sur rue et qui font mention d’un taux d’échec de 50 % en matière d’intégration post fusion. Dès lors, derrière ces particularismes sémantiques, il est nécessaire pour optimiser les chances de succès, d’identifier les grands enjeux et les solutions que les praticiens du M&A doivent maîtriser pour sécuriser la transaction et les conséquences sur leur entreprise une fois celle-ci signée.
Ainsi, une fois le Share Purchase Agreement ou l’Asset Purchase Agreement signé, comment faire que le temps investi « pre signing » se transforme en valeur « post closing » ? Pour répondre à cette question, il peut être utile d’adopter successivement le point de vue de l’acheteur puis celui du cédant.
En cas d’intégration de la cible, les enjeux critiques pour l’acquéreur des actifs détourés ou de l’activité détourée pourraient être les suivants :
- matérialiser les synergies de coûts et de croissance dans les délais impartis afin de réaliser toute la valeur d'acquisition ;
- qualifier les risques (opérationnels, financiers et juridiques) liés à la réalisation d'une fusion-acquisition ;
- planifier, structurer, coordonner et piloter le processus d’intégration ;
- maîtriser les aspects humains afin de limiter l’impact de l’opération sur la motivation et l’efficacité des salariés ;
- garantir la continuité de l’activité post closing par le maintien des flux opérationnels (vente, achat, transport, autorisation, certification, production), des flux de trésorerie (encaissement des clients, paiement des fournisseurs) et de la paie.

Le rôle de l’équipe M&A
Face à ces enjeux, quelles seraient donc les solutions à mettre en place par l’équipe M&A ? En tout premier lieu, il conviendrait d’effectuer un contrôle de cohérence des synergies afin de supporter la cohérence et la fiabilité des hypothèses de calcul du plan d’affaire combiné, puis planifier leur réalisation. Puis principalement, faire tout ce qu’il faut pour être prêt au lendemain du closing en ayant :
- défini et piloté les activités prioritaires à mener pour assurer le déroulement efficace du transfert juridique ;
- supporté l’élaboration du calendrier social et des plans de communication avec les parties prenantes (IPR, clients, fournisseurs, employés, administration, sous-traitants, etc.) ;
- intégré les deux points ci-dessus dans un calendrier d’intégration fixant des objectifs calendaires pour la réalisation des tâches.

En cas de séparation de la cible, les enjeux critiques pour le cédant des actifs cédés ou de l’activité cédée pourraient être les suivants :
- assurer le respect des obligations contractuelles du SPA ;
- estimer les coûts exceptionnels et récurrents liés à la séparation pour anticiper leurs impacts sur le P&L du cédant et du cessionnaire ;
- mettre en place de l’autonomie de gestion de l’entité cédée au closing J+1 ;
- démarrer les Transition Service Agreements (TSA) ;
- valider un retention plan pour les key people au moment du transfert d’activités.

Quelles sont les solutions qui devraient être mises en place par l’équipe M&A pour faire face à ces enjeux pour le cédant ? Pour s’assurer leur réalisation conformément aux intérêts du cédant, l’équipe transactionnelle devra avoir identifié les impacts fiscaux, juridiques et sociaux. Puis elle aura planifié le programme de séparation des actifs ou de l’activité, incluant les jalons clés juridiques, sociaux, fiscaux et opérationnels qu’elle aura identifié précédemment (cf. ci-dessus). En parallèle, elle identifiera les liens de dépendance de l’activité séparée avec l’entité cédante et préparera un plan détaillé de séparation (processus, contrats, applications informatiques mutualisées, propriété intellectuelle, actifs et de l’immobilier, ressources internes et externes). Cette tâche sera particulièrement importante afin de participer à la rédaction des TSA. Enfin, et c’est un « must have », le cédant devra mettre en place une gestion de programme de séparation dédiée, s’appuyant sur des méthodes et outils éprouvés et piloter le programme de séparation. Concomitamment, un plan de communication sera élaboré à destination des salariés, représentants du personnel, partenaires, fournisseurs, clients, régulateurs et analystes financiers.

La clé du succès d’une opération de détourage
Pour conclure et ne pas rester sur un « catalogue » de solutions, la clé du succès d’une opération de détourage pourrait être la convergence que j’évoquais en introduisant le propos. Si chaque fonction à sa vision, celle du M&A se doit d’être la combinaison de toutes ces visions et des expertises qui les portent.
Technip a récemment réalisé une telle opération complexe d’acquisition d’activité détourée et si cette opération a été un succès transactionnel, ce succès s’est confirmé post fusion grâce à la mise en œuvre des solutions préconisées ci-dessus toutes portées par la convergence des vues et des expertises financières, juridiques, sociales et opérationnelles au sein d’un équipe dédiée au projet.

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