Par Yvon Martinet, avocat associé, et Safine Hadri, avocat. Savin Martinet Associés
Sous la double influence du droit communautaire et du droit français, le droit des déchets a connu ces dernières années des réformes substantielles. Ce mouvement de refonte a été amorcé par la directive-cadre européenne du 19?novembre 2008 sur les déchets et s’est ensuite poursuivi en droit interne avec la transposition de ladite directive par l’ordonnance du 17 décembre 2010 et le décret du 11 juillet 2011.

En vue d’éliminer le rapport entre croissance et production de déchets, l’Union européenne s’est dotée, avec la directive-cadre «?déchets?», d’un cadre juridique visant à contrôler tout le cycle du déchet, de la production à l’élimination, en mettant l’accent sur la valorisation et le recyclage. Ladite directive a été intégralement transposée en droit français avec l’ordonnance n°?2010-1579 du 17?décembre 2010, et le décret n°?2011-828 du 11?juillet 2011.
Ces textes se sont inscrits dans un mouvement général de renouvellement de la réglementation applicable aux déchets, porté par les lois «?Grenelle I et II?». L’afflux de textes réglementaires constaté requiert la mise en exergue de certaines mesures, parmi lesquelles : l’extension de l’obligation de tenue d’un registre à l’ensemble des déchets, l’interdiction des mélanges de déchets dangereux, les modalités du diagnostic des déchets issus de la démolition des bâtiments par le maître d’ouvrage ou encore l’harmonisation des consignes de tri des déchets d’emballages ménagers.
Si la multiplication des textes relatifs au droit des déchets témoigne du caractère mouvant de la matière, trois problématiques plus transversales méritent un éclairage spécifique, s’agissant notamment de l’évolution du principe de la responsabilité élargie du producteur (I), de l’interférence du droit des déchets avec le droit des installations classées (II) et enfin, de la sortie du statut de déchet (III).

L’évolution du principe de la responsabilité élargie du producteur (REP)
Introduit en droit français dès 1975, consacré par la directive «?déchets  » de 2008 et repris à l’article L. 541-10 du code de l’environnement, le principe de la responsabilité élargie du producteur – déclinaison du principe «?pollueur – payeur?» – consiste à transférer aux producteurs (fabricants ou importateurs) tout ou partie de la responsabilité financière et/ou matérielle de la gestion des déchets issus des produits qu’ils mettent sur le marché. La REP s’est étendue à plusieurs types de déchets, et concerne à ce jour une quinzaine de filières, couvrant la majorité des gisements de déchets ménagers et assimilés présentant des enjeux environnementaux et économiques importants notamment en matière de valorisation ou de traitement (emballages ménagers, équipements électriques et électroniques, pneumatiques, cartouches d’encre, etc.). Le nombre de filières concernées ne cesse de s’accroître et dernièrement, deux décrets des 4 et 6?janvier 2012 ont mis en place la REP pour les filières des déchets ménagers issus de produits chimiques et des déchets d’éléments d’ameublement. Le rapport du Gouvernement au Parlement sur la REP prévu par la loi Grenelle II, a été rendu public au mois d’avril 2012. Très attendu, ce rapport formule des pistes d’évolution spécifiques de la REP pour chaque type de déchets et insiste sur la nécessité de renforcer les moyens humains dans le suivi et le contrôle des données fournies par les producteurs. Enfin, il préconise l’harmonisation des dispositifs en vue d’une plus grande compréhension des filières REP par les citoyens.

L’interférence du droit des déchets avec le droit des installations classées

L’interaction entre droit des déchets et droit des installations classées est communément constatée, comme le révèle l’étude de la jurisprudence. Ainsi, dans une décision dite «?Société Wattelez II?», le Conseil d’État a jugé que «?le propriétaire du terrain sur lequel ont été entreposés des déchets peut, en l'absence de détenteur connu de ces déchets, être regardé comme leur détenteur au sens de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, notamment s'il a fait preuve de négligence à l'égard d'abandons sur son terrain.?» Dans un autre arrêt très remarqué du 23?novembre 2011, le Conseil d’État a retenu que le propriétaire d’un site dont les sols étaient pollués au mercure pouvait se voir imposer la remise en état sur le fondement de la réglementation déchets. La portée de cet arrêt doit toutefois être relativisée, dès lors que le Conseil d’État a examiné le contexte juridique applicable en 2001 - moment où l’arrêté illégal a été pris - et à l’époque duquel les terres polluées non excavées étaient considérées comme des déchets. Aujourd’hui, le préfet ne pourrait plus exiger la remise en état du site en se fondant sur la police des déchets dès lors que les terres polluées non excavées ne sont plus considérées comme des déchets. Contrairement aux terres polluées non excavées dont le statut a été clarifié, les terres polluées excavées connaissent un régime différent selon qu’elles se trouvent en dehors du site de leur excavation ou font l’objet d’un traitement in situ. Ainsi, la circulaire du 24?décembre 2010 qualifie les premiers de déchets et exclut cette qualification pour les seconds. La valorisation et la réutilisation des terres polluées excavées emportent de conséquents enjeux. C’est pourquoi, il est envisagé de donner une seconde vie à ces terres en les utilisant en technique routière ou dans des projets d’aménagement. À ce titre, l’arrêté du 18?novembre 2011 redéfinit les règles en matière de valorisation des mâchefers d’incinération en technique routière à compter du 1er?juillet 2012.

La sortie du statut de déchets

L’article L. 541-4-3 du code de l’environnement créé par l’ordonnance du 17?décembre 2010 prévoit qu’un déchet cesse de l'être après avoir été traité et avoir subi une opération de valorisation, s'il répond à des critères spécifiques. Le décret du 30?avril 2012, entrant en vigueur au 1er?octobre 2012, vient définir la procédure de sortie du statut de déchet. Ainsi, l’exploitant d’une installation mentionnée aux articles L. 214-1 et L. 511-1 souhaitant que des déchets cessent de l’être peut adresser une demande au préfet du département dans lequel l’installation de valorisation est implantée, si cette demande porte sur un déchet spécifique valorisé dans une installation déterminée, ou au ministre chargé de l’environnement, si cette demande porte sur une catégorie de déchets. L’autorité compétente fixe par arrêté les critères de sortie de statut de déchets. L’exploitant mettant en œuvre la procédure de sortie du statut de déchets devra délivrer au détenteur suivant une attestation de conformité.


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