Anne Durez : « L'avocat qui part en entreprise doit être attentif à sa propre formation »
Anne Durez, senior legal counsel d’un groupe énergétique français, membre de l’AFJE
On a beaucoup parlé de la mobilité professionnelle des avocats, du passage des avocats en entreprise ou encore de la grande profession juriste d’entreprise-avocat. Force est de constater que nombreux sont les avocats qui ont poursuivi tout ou partie de leur carrière en entreprise.
Le passage du praticien en cabinet vers l’entreprise est une bonne chose, à condition que cette démarche soit accompagnée. C’est une bonne chose car l’entreprise peut bénéficier de l’expertise d’hommes et de femmes qui ont conseillé des clients d’une grande diversité et ont eu à gérer des dossiers variés. Sans compter que les membres du barreau, attachés à leur déontologie, à l’éthique ou encore aux valeurs fondamentales − que sont par exemple la confidentialité ou les droits de la défense −, apportent avec eux un bagage qui plus que jamais consolide le besoin de bonne gouvernance ou de conformité qui s’impose aujourd’hui. |
Parallèlement, l'avocat intégrant l’entreprise doit accepter l'idée qu'il devient le collègue de juristes également compétents, et ayant sur lui l'avantage d'être déjà expérimentés et rompus aux problématiques de l'entreprise.
Pour autant la mutation d’avocat à juriste (ou demain peut-être d’avocat en entreprise) ne peut réussir que si elle est accompagnée. En effet, le juriste d’entreprise est un homme ou une femme de l’entreprise qui se doit de gérer sa carrière à l’instar des financiers, ingénieurs, marketeurs, communiquants… et pour cela trois pistes peuvent être explorées.
Tout d’abord, c’est la profession des juristes d’entreprise qui doit se préoccuper de l’accueil et de l’accompagnement des nouveaux venus. Les juristes sont une même famille, et ce sont aux organisations professionnelles, comme les barreaux ou l'Association française des juristes d’entreprise (AFJE), de se préoccuper des conditions nécessaires à une bonne fluidité des professions, qu'il s'agisse du passage au métier de juriste d'entreprise ou à celui d'avocat.
Ensuite et très concrètement, nos confrères doivent obtenir un plan d’accompagnement dès la phase de recrutement afin que leur arrivée dans l’entreprise ne soit pas limitée à un seul apport expertal mais qu’elle soit conçue comme la venue d’un cadre qui trouvera toute sa place au sein de l’entreprise. Nous ne pouvons que suggérer que les nouveaux juristes soient rapidement intégrés dans des groupes de travail pour s’imprégner de la culture de l’entreprise et de ses métiers de manière à être des membres à part entière de cette nouvelle collectivité qui les accueille.
Enfin, l’avocat qui part en entreprise doit être attentif à sa propre formation. De nombreuses formations courtes dans le domaine du management lui sont accessibles, notamment en matière de gestion d’équipe, de gestion de projets, de gestion de crise, dans la communication, ou encore le marketing. Par ailleurs, l’avocat arrivant en entreprise doit s’efforcer de participer aux travaux du secteur d’activité de son entreprise (énergie, transport, distribution, luxe…) pour comprendre pleinement son nouvel environnement professionnel. En résumé, l’avocat devenu juriste doit acquérir tout à la fois l’esprit d’entreprise et la culture de son entreprise.
Voici très rapidement quelques pistes de réflexion sur un sujet qui ne doit pas être vu comme une affaire d’avocat. La mobilité réussie au sein de la grande profession juridique est un enjeu pour l’ensemble de la communauté des juristes. Elle sera en outre le signe fort de notre capacité à nous adapter dans un monde économique et professionnel toujours plus changeant. De fait, ce sera la preuve que nous, juristes, serons aussi capables d’exercer d’autres fonctions dans le monde de l’entreprise, un vrai défi qu’il nous faut relever dès maintenant.