Par Mounir Meddeb, avocat associé. Energie-Legal
La transition énergétique passe notamment par le développement des énergies renouvelables afin d’atteindre les objectifs fixés à l’horizon 2020. Ce développement requiert une sécurisation du financement des projets d’installations de production d’électricité, de chaleur ou de gaz de source renouvelable. Cela permet de faire des projets verts des projets bancables.

En 2020, les énergies renouvelables (ENR) doivent représenter 23?% de la consommation énergétique globale en France. Ce pourcentage doit mécaniquement augmenter avec les engagements politiques concernant l’abaissement de la part de l’électricité de source nucléaire à des horizons plus lointains. À ce jour, hormis quelques projets spécifiques, aucune filière verte n’est économiquement viable sans soutien financier public. Or ce soutien financier doit nécessairement être sécurisé afin de permettre à son tour une impérative sécurisation des financements apportés par les banques et les
fonds d’investissement.

Les mécanismes de soutien financier public des ENR posent problème
Une distinction doit être faite entre le principe et les mécanismes du soutien. Si le principe du soutien devrait ne pas être remis en cause sous peine de voir le développement des ENR stoppé et le respect des objectifs fixés à des horizons somme toute assez proches s’éloigner. En revanche, les mécanismes actuels de soutien consistant principalement à garantir au porteur du projet un tarif d’achat fixe sur une longue période, de douze à vingt ans selon la filière, devraient faire l’objet d’une profonde refonte. En effet, le mécanisme de tarif d’achat garanti assis sur la contribution au service public de l’électricité (CSPE) rencontre une double limite. D’une part, une limite juridique induite notamment par la qualification d’aide d’État de ce mécanisme comme la CJUE devrait en toute rigueur le considérer suite à la question préjudicielle posée par Conseil d’État suite à un recours contre l’arrêté du 17?novembre 2008 fixant le tarif d’achat de l’électricité de source éolienne (15?mai 2012, Association Vent de Colère ! Fédération Nationale et autres, n°324852). Or, au-delà de la nécessaire notification à la Commission européenne d’un nouveau dispositif, cette qualification d’aide d’État requiert une révision du mécanisme.
D’autre part, une limite économique. En effet, dans sa délibération du 3?avril 2013, la Commission de régulation de l’énergie a indiqué que la CSPE permettant de financer les charges prévisionnelles en 2013 est estimée à 18,8 €/MWh. Se pose dès lors la question de l’acceptabilité économique du soutien public aux ENR. Or face à l’envolée de la CSPE et aux incertitudes juridiques quant à la qualification d’aide d’État – qui concerne certes en l’espèce l’éolien mais aura un impact sur l’ensemble des ENR – et les conséquences que cette qualification aurait sur les projets/contrats en cours, le soutien financier public est loin d’être sécurisé. Le soutien à la filière photovoltaïque est à cet égard symptomatique avec le moratoire sur le dispositif d’achat décrété en 2010 et la modification du mode de fixation du tarif d’achat décidé en 2011 aboutissant à des baisses trimestrielles successives.

La bancabilité d’un projet ENR dépend essentiellement du tarif d’achat
Comme pour d’autres types de financement de projet, la bancabilité d’un projet ENR repose naturellement sur une identification et une allocation optimale des risques ainsi que sur son utilité économique pour au moins, la durée du financement. Cette utilité économique se confond pour les projets ENR avec le bénéfice et la garantie du tarif d’achat issu du mécanisme de soutien (dispositif d’achat ou appel d’offres). Dès lors, en l’absence de sécurisation du mécanisme de soutien et donc du tarif d’achat, la sécurisation financière d’un projet ENR se trouve impactée et par conséquent sa bancabilité. Pour ces raisons, tout projet de financement, acquisition ou refinancement d’un projet ENR doit être précédé d’un solide audit juridique (et le cas échéant technique) qui porte, en fonction de la typologie et du stade d’avancement du projet ou de l’installation, sur la maîtrise foncière, les autorisations requises (exploitation, ICPE), la réglementation en matière d’urbanisme, le raccordement électrique et surtout le bénéfice du tarif d’achat et les conditions de sa préservation pour la durée du financement. L’audit portera par ailleurs sur les contrats et la société de projet voire les sponsors. L’objectif est double et consiste à vérifier que le projet dispose de la documentation requise pour pouvoir être exploité mais également qu’il a vocation à l’être sur le long terme sans remise en cause du principe ou du niveau d’exploitation. Or en présence d’un mécanisme de soutien public, le rôle de l’État est crucial pour rassurer les sponsors et les prêteurs sur le maintien de ce soutien dans la durée et sur l’absence de toute remise en cause pour des projets montés et aboutis sous l’empire d’un régime
juridique antérieur.

Plusieurs pistes pour refondre les mécanismes de soutien
C’est aux fins de cette sécurisation et pour éviter toute remise en cause rétroactive comme l’Espagne l’a fait et comme l’Allemagne serait tentée de le faire, qu’il est nécessaire d’ores et déjà de refondre les mécanismes de soutien. Dans ce cadre, plusieurs pistes pourraient être envisagées : réfléchir à une prime obligeant le producteur à valoriser son électricité sur le marché tout en lui garantissant un plancher fixe comme cela se pratique aux Pays-Bas, s’inspirer, mais en les adaptant, des «?contract for difference?» anglais, introduire une part de certificats verts obligatoires, créer un fonds public (au travers de la BPI, CDC, etc.) pour soutenir certaines filières et/ou certains projets, encourager l’épargne comme levier de financement, prévoir une forme de dégressivité limitée et planifiée des tarifs d’achat, introduire une modulation en fonction des technologies, lever les freins à l'autoconsommation, etc.
Naturellement, la multiplication des procédures administratives constitue également une source d’insécurité compte tenu des délais importants et des démarches parallèles qu’elles requièrent ainsi que des contentieux qu’elles pourraient susciter. Ainsi, un projet éolien de plus de 30?MW doit notamment disposer d’un permis de construire, d’une autorisation ICPE, d’une autorisation d’exploitation, d’une autorisation pour la ligne inter-éolienne. Cet aspect doit dès lors faire l’objet d’une refonte et l’expérimentation de la fusion de quelques procédures qui sera lancée prochainement va dans le bon sens.
Il est certain qu’une seule solution ne serait pas suffisante et qu’il faudrait en conjuguer plusieurs. Il est certain également que le statu quo n’est pas tenable et qu’il est impératif que la future loi sur la transition énergétique soit l’occasion d'une refonte du cadre juridique du financement des ENR.


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