Pour les start-up comme pour les grands groupes, la RSE devient une condition essentielle de la croissance.
Pour la quatrième édition des Mardis-Raise, la fondation éponyme réunissait quatre patrons et une cinquantaine d’entrepreneurs autour du thème de la RSE et de ses opportunités de croissance. L’ambiance est studieuse, les échanges directs et la parole étonamment libre. Une bouffée d’air salutaire alors que ces enjeux souvent négligés prennent des proportions inattendues.

Au rang des invités d’honneur de la soirée figurent Xavier Huillard (Vinci), Jérôme Schmitt (Total), Arnaud Mourot (Ashoka) et Frédéric Rodriguez (Greenflex). À leurs côtés, des entrepreneurs de tous les âges et de tous les secteurs sont venus partager leur expérience. Il est question de projets communs, de redonner du sens à son activité et surtout d’apprendre à générer une croissance durable. Morceaux choisis.

Arnaud Mourot a été sportif de haut niveau avant d’intégrer une ONG puis la direction d’Ashoka. Il insiste sur l’importance des labels pour structurer le marché du conseil et pour se démarquer auprès des grands groupes. Son organisme accompagne des projets d’entrepreneuriat social notables comme Crésus, Siel Bleu ou encore Voisin Malin. « Tout comme l'assureur a intérêt à miser sur la prévention, nous investissons sur les entrepreneurs sociaux qui sauront générer les économies dont la société pourra bénéficier demain. »

À la tête de Greenflex, qu’il a fondée il y a cinq ans et qui génère déjà cent millions d’euros de chiffre d’affaires, Frédéric Rodriguez revient sur le travail de persuasion opéré auprès des grands groupes pour réduire leur facture énergétique. « La grande distribution a pris l'habitude de présenter les produits dans des frigos ouverts. Cela peut faire grimper la facture jusqu'à un tiers du résultat net. En convainquant les distributeurs d’installer des portes dans les rayons, nous avons drastiquement réduit la consommation d’énergie tout en améliorant l’expérience client en magasin. »

On ne présente plus Xavier Huillard. Le P-DG de Vinci s’estime chanceux d’être à la tête d’un groupe composé de 2 500 entreprises indépendantes. « C’est autant d’entrepreneurs, de DAF, et d’échelons de décision. Le montage n’est pas optimal du point de vue du consultant, mais ça m’est bien égal. Le groupe a besoin que les collaborateurs se sentent chez eux. La faillite de Lehman aura eu le mérite nous éclairer sur le cauchemar que représente le "tout-financier". Une entreprise ne peut pas tourner sans l’humain et hors la société. »

Xavier Huillard reviendra également sur son leadership et son rôle de patron à l’heure où l’on fait peser toujours plus de responsabilités sur les entreprises. « J'assure la cohérence du groupe et intègre les revendications de toutes les parties prenantes. Bonne nouvelle : il y en a de plus en plus. » De Notre-Dame des Landes à la forêt de Khimki non loin de Moscou, les projets qui ont soulevé le plus d’oppositions au niveau local sont ceux qui ont été élaborés sans passer par une phase préalable de consultation. « L’entreprise qui prend les informations au stade du chantier réagit malheureusement trop tard. Nous avons compris qu’il faut mettre tout le monde autour de la table le plus tôt possible, comme cela a été fait avec succès pour la construction de l’A89 entre Lyon et Clermont-Ferrand. »

Sur les opportunités de croissance que génère la RSE, son message est très clair. « La vraie RSE est celle qui s'enracine et devient un levier au service du business. Les enseignements tirés de notre expérience en Afrique sont sans équivoques, sur le chiffre d’affaires comme sur la marge. Vinci y est présent depuis soixante-dix ans et n’y a jamais été aussi prospère malgré l’arrivée de la concurrence asiatique. Les usines y sont plus propres et plus impliquées localement que nulle part ailleurs, cela nous donne un avantage concurrentiel de taille par rapport aux groupes chinois. »

Jérôme Schmitt, VP en charge du développement durable chez Total, insiste quant à lui sur l’importance d’aller au-delà de l’acceptabilité. « Le travail remarquable qui a été fait en Birmanie pendant vingt ans a incité beaucoup d’États à venir nous chercher. Nos partenaires nous choisissent pour leurs projets complexes car ils sont convaincus que l’on saura les mettre en œuvre avec respect pour les parties prenantes. »

Il rappelle également qu’une entreprise qui ne donne pas du sens à son action est une entreprise morte. « Le sens apporte de la fierté, qui donne de la motivation, elle-même vecteur essentiel de la croissance. » Pour y parvenir, hors de question d’agir seul. Les partenariats avec les start-up, les entrepreneurs sociaux et les ONG sont essentiels. « Le programme financé doit être rentable. C’est la condition première de la durabilité. Je veux également savoir combien de gens on touche en bas de la pyramide, quel est le gain marginal du projet et quelle est son empreinte carbone. Quelle est la contribution au PNB de nos actions ? C’est la question que les pays hôtes sont en droit de nous poser, et ils vont le faire. »

La discussion s’ouvre alors sur les initiatives pouvant mener à des comportements plus vertueux. Sur le modèle de la finance carbone, la monétisation de l’utilité sociale est certainement une bonne piste à suivre. À titre expérimental et dans le cadre du big society de David Cameron, les Anglais ont ainsi créé des « social impact bonds », une valeur dont la notoriété ne cesse de croître. 

La RSE, nouvelle monnaie d’échange ? Voilà de quoi plancher en attendant le prochain Mardi-Raise, qui sera consacré cette fois aux enjeux du recrutement pour les entreprises de croissance.



Propos recueillis par Pierre-Henri Kuhn.

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