Chanel a récemment annoncé sa prise de participation dans le capital de MB&F à hauteur de 25 %. Maximilian Büsser, fondateur de la marque, qui jusque-là défendait haut et fort son indépendance, s’explique.

Décideurs. En tant qu’horloger indépendant, l’idée d’ouvrir votre capital a-t-elle été une décision difficile à prendre ?

Maximilian Büsser. Évidemment, ce n’est pas une décision simple. À part les 20 % cédés à Serge Kriknoff en 2008 quand il m’a rejoint en tant que directeur technique et production, je n’ai jamais souhaité ouvrir mon capital à d’autres. Serge et moi avons toujours eu une vision de notre société totalement décorrélée des perspectives de croissance ou de profitabilité. Nous nous focalisons presque exclusivement sur les moyens de créer, développer et financer le prochain calibre. Il n’a jamais été question d’ouvrir notre capital. Puis, dès 2020, nous avons commencé à envisager la succession.

À l’approche de la soixantaine pour Serge et moi, avec des enfants très jeunes dans les deux cas, le pari lancé de savoir s’ils auraient l’envie et le talent de reprendre la société était juste irresponsable. S’il m’arrivait de décéder entre-temps, mes héritiers auraient-ils à céder aux sirènes de groupes cotés en Bourse ou pire ? Des perspectives malheureusement incompatibles avec notre philosophie de non-croissance. C’est alors que Chanel est entré en scène. Cette magnifique maison connue pour sa bienveillance et sa non-ingérence dans les sociétés dans lesquelles elle investit s’est intéressée à notre marque. Nous la connaissions et, au détour d’une conversation, ses équipes nous ont demandé comment elles pourraient nous aider… "The rest is history", comme disent les Anglo-Saxons.

Quelles seront les retombées de cette prise de participation ?

Les raisons de ce partenariat sont, à 99 %, liées à la succession. Mais il y a certainement d’autres domaines où ce partenariat peut se développer. Chanel nous a déjà proposé une aide bienvenue dans les départements juridiques. Il sera aussi intéressant de développer des synergies au niveau des artisans et de la sous-traitance. La maison est connue pour intégrer le plus de métiers possibles et nous allons certainement pouvoir collaborer avec leurs ateliers.

Ce rapprochement va-t-il représenter un nouveau départ pour MB&F, un changement de stratégie, de positionnement ? Allons-nous découvrir une montre Chanel animée d’un calibre MB&F par exemple ?

Pas de nouveau départ mais un plan de continuité. Rien ne va changer pour nos équipes et nos partenaires. Est-ce qu’il y aura des synergies au niveau création ? Honnêtement, je ne sais pas. Chanel n’attend rien de nous, mais nous avons des calibres et des idées qui pourraient peut-être intégrer leurs créations… Seul l’avenir nous le dira. Ce serait une belle cerise sur un magnifique gâteau.

Propos recueillis par Hervé Borne

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