Dans les cabinets d’avocats, ils œuvrent dans l’ombre. Arrivés de la finance, du marketing ou de la tech, les secrétaires généraux et office managers assurent la gestion quotidienne et le développement de leurs structures. Et se réunissent, entre pairs, au sein de l’association COM’SG fondée il y a dix-sept ans.
Cabinets d'avocats : indispensables secrétaires généraux
August Debouzy, Bredin Prat, Darrois Villey Maillot Brochier, UGGC, Franklin, Dechert, Baker McKenzie, Dentons, Shearman & Sterling… La plupart des grands noms de la place ont un point commun : celui d’avoir fait le choix de miser sur un secrétaire général ou un office manager lesquels peuvent, selon les structures, être appelés directeurs généraux, head of administration ou chief operating officer. Un métier de l’ombre venu d’ailleurs – il existait aux États-Unis et au Canada il y a plus de deux décennies – qui a émergé en France avec l’arrivée des cabinets anglo-saxons et a su, ces dernières années, s’imposer dans l’Hexagone comme une pièce maitresse du bon fonctionnement des cabinets. C’est, en grande partie, grâce au travail réalisé par l’association COM’SG. Fondée il y a dix-sept ans par Angela Trivisonno, COM’SG a vocation à être un espace d’échanges et de partage d’expériences. Un espace où peuvent se regrouper les femmes et les hommes qui exercent ces responsabilités.
Courroie de transmission
Responsabilités qui se veulent transverses. Les cabinets d’avocats d’affaires se sont structurés comme de vraies entreprises… À ceci près qu’ils sont composés de professionnels indépendants et de salariés réunis dans une structure d’exercice libéral, mue par un ensemble de règles déontologiques. Pour les avocats, la conciliation de l’exercice de leur profession et la gestion de l’organisation interne du cabinet peut être délicate. D’où l’apparition de fonctions supports – direction générale, direction financière, direction des ressources humaines, direction de la communication – et, souvent, d’un secrétariat général, chargé de superviser toutes ces fonctions. Au départ, il a fallu justifier le coût du poste. Mais les cabinets l’ont accepté. “Plus que jamais les office managers et les secrétaires généraux sont au cœur du fonctionnement et des transformations de leur cabinet, leur voix pertinente, pragmatique et objective est donc à écouter avec attention”, remarque Angela Trivisonno, fondatrice et présidente de COM’SG. Les secrétaires généraux œuvrent comme une courroie de transmission entre les managing partners, les avocats, les salariés et les institutions représentatives de la profession. Quand l’administration, la gestion, le développement et l’organisation sont pris en charge par des professionnels pleinement consacrés à ces sujets, les avocats peuvent alors se concentrer sur le service juridique, soit leur fonction première.
Dans les plus petits cabinets, le fonctionnement diffère un peu de celui des plus grandes structures. Les avocats assument aussi la gestion de la boutique. Et peuvent compter sur COM’SG : “Il arrive que des membres de l’association plaident devant certaines juridictions en représentation de ces cabinets, pour des procédures de taxation d’honoraires devant le bâtonnier par exemple”, explique Angela Trivisonno. L’association rassemble aujourd’hui des professionnels issus de plus de 167 cabinets d’avocats et représente plus de 8 500 avocats et 5 000 salariés et plusieurs études notariales, à Paris mais pas seulement. En région aussi, les cabinets d’avocats se laissent séduire par les fonctions de secrétaire général ou d’office manager.
Finance et marketing
Parce que leurs postes sont transverses, les parcours des secrétaires généraux et des offices managers le sont aussi. Ils viennent de la communication, de la finance, de la tech. Certains sont diplômés d’une école de commerce, d’autres ont un master en traduction, en ressources humaines ou en psychologie. Pour les cabinets d’avocats, leurs profils sont intéressants : ils permettent de sortir du vase clos du juridique. Ces professionnels doivent se transformer en chefs d’orchestre, créer du lien entre des personnalités variées, faire cohabiter des libéraux avec des salariés. Un bon secrétaire général sait s’adapter, comprendre les subtilités de sa structure – un cabinet américain fonctionnera différemment d’un cabinet français –, anticiper. Savoir dire non, aussi. Il est là pour que les avocats puissent se concentrer sur leur fonction d’avocat.
Une formation leur est désormais consacrée : en 2017, COM’SG a cofondé un mastère office manager/secrétaire général avec l’École des hautes études appliquées du droit (HEAD), dont l’associé fondateur est le managing director de Mayer Brown Jean-Philippe Lambert. Finance, droit social, management, communication, marketing, nouvelles technologies et gestion des données, gestion de projets, gestion des contrats de prestataires… Le diplôme permet d’approfondir les connaissances indispensables à ce métier, de sorte que les office managers et les secrétaires généraux puissent accompagner au mieux le développement des cabinets d’avocats et des entreprises dans lesquelles ils exercent. Prochaine étape : la reconnaissance du diplôme par le répertoire national des certifications professionnelles.
“Muses et gardiens”
Depuis 2006, COM’SG multiplie les projets. L’association s’est notamment impliquée dans la loi du 10 juillet 2014 réformant les stages et visant à instaurer un quota de stagiaires par entreprise et par tuteur. Le texte s’appliquait à l’origine à toutes les structures commerciales. COM’SG a été reçu par l’École de formation du barreau de Paris (EFB) pour la rédaction d’un courrier au ministre du Travail en place à l’époque, François Rebsamen, et a obtenu l’exclusion des cabinets d’avocats du cadre de ce texte. Emmenés par un bureau composé d’Angela Trivisonno, Thierry Carlier (secrétaire général de DS Avocats), Idriss Saada (secrétaire général de Franklin), Karima Ben Saïd (responsable administrative de Gide Loyrette Nouel), Mireya Berteau (head of administration de Shearman & Sterling), Andrée Figueira Franca (director of administration de K&L Gates), Guillaume Limouzi (directeur général adjoint de Lamy Lexel) et Sonia Mohcini (office manager de D4 Avocats), les membres du cercle se réunissent tous les mois pour discuter gouvernance des cabinets, gestion du Covid, mise en place du télétravail, déménagement des cabinets, cybersécurité, politique RSE, business development. Angela Trivisonno a également été nommée responsable pédagogique de la formation au management des cabinets d’avocats à l’École de formation du barreau de Paris en 2012-2013. Plusieurs membres du Cercle COM’SG sont intervenus dans des formations en finance, ressources humaines et marketing.
En dix-sept ans d’existence, COM’SG s’est imposé comme un partenaire-clé des avocats et des barreaux. Celui de Paris ne fait pas exception. Présent à la soirée d’anniversaire de l’association organisée fin 2022, Vincent Nioré, vice-bâtonnier, s’est dit “très impressionné” par le travail accompli par le cercle depuis sa création : “Mesdames les secrétaires générales, vous êtes les muses des cabinets d’avocats. Messieurs les secrétaires généraux, vous en êtes les gardiens.” Le pénaliste a salué l’accompagnement proposé par ces postes-clés dans “des moments d’activité intense, de joie, et dans tous les autres plus compliqués qu’amène la gestion quotidienne d’un cabinet”. Les secrétaires généraux ont “permis [aux avocats] d’éviter un certain nombre d’erreurs”. Les voilà, les “partenaires loyaux et fidèles” de leur exercice quotidien.
Angela Trivisonno, présidente et fondatrice de COM'SG
Olivia Fuentes
Crédit photo : Rafael Rex Felisilda sur Unsplash