Essai, cuisine, enquête et BD, voici les sorties récentes sélectionnées par la Rédaction pour ce cru de novembre.

La nouvelle France

Fourquet

Jérôme Fourquet, directeur du pôle Opinion de l’Ifop, est sûrement le "Français qui connaît le mieux les Français". Pour les dirigeants politiques, les publicitaires et le grand public, il fait figure d’oracle. Lui seul peut lire dans les entrailles du pays, comprendre le présent et prévoir le futur. Son arme secrète ? Analyser le comportement et le vote des habitants de l’Hexagone en se basant sur des variables insolites telles que l’implantation de clubs de danse country, l’altitude, la distance d’une gare, le taux d’équipement en machine à café ou en véhicules utilitaires… De manière rigoureuse et audacieuse, il dresse le tableau d’une France qui n’a rien à voir avec ce qu’elle était il y a vingt ans : banalisation du populisme, déclin des classes moyennes, ancrage de l’insécurité, de l’islam et de l’american way of life. Le tout avec de la distance et sans aucune prise de position propre à altérer le diagnostic. Par rapport à ses deux précédents opus, L’Archipel français et La France sous nos yeux (coécrit avec Jean-Laurent Cassely), le sondeur adopte un ton moins sociologique mais plus politique puisqu’il se fonde sur les résultats de la présidentielle et des législatives de 2022. Son travail sur la tripartition du pays est brillant et mérite à lui seul l’achat de l’ouvrage.

La France d’après - Tableau politique, de Jérôme Fourquet, Seuil, 545 pages, 24,90 euros

Le mystère Bolloré

Bolloré

Vincent Bolloré ne cesse de faire couler de l’encre. Dernier fait d’armes en date : l’arrivée de Geoffroy Lejeune à la tête du Journal du dimanche contre l’avis quasi unanime de la rédaction. Si le magnat des médias français a laissé sa place à la tête du groupe qui porte son nom, nul doute qu’il continue de tirer les ficelles du haut de son hôtel particulier du boulevard de Montmorency. Bien que la quatorzième fortune française se montre aussi lisible qu’un joueur de poker, certaines de ses particularités permettent de lever le voile sur sa personnalité. Dans son enquête consacrée à l’homme d’affaires, le journaliste Vincent Beaufils esquisse le visage de cet homme public que personne ne connaît vraiment : des origines bourgeoises, une volonté de transmettre son patrimoine à la septième génération, un catholicisme traditionnel et un goût marqué pour la transgression. Le lecteur le découvre pas si à droite que cela, parfois abordable mais souvent redoutable. Un personnage de roman en somme pour un essai réussi.

Bolloré, l’homme qui inquiète, de Vincent Beaufils, Alpha, 247 pages, 7,50 euros

Savoureuse littérature 

"Il faut manger pour vivre et non vivre pour manger." Molière fit sien cet aphorisme de Socrate en le mettant dans la bouche de Valère, futur gendre d’Harpagon. Mais les Français ne semblent pas toujours l’avoir bien en tête ! Sous Louis XIV, les festins faisaient pleinement partie des cérémonies organisées à Versailles et le roi Soleil se plaisait à inviter les écrivains de son temps, tels Racine, Boileau ou encore Molière. Dans Guy Savoy cuisine les écrivains – XVIIe siècle, le chef cuisinier mais aussi son adjoint Gilles Chesneau et l’auteure Anne Martinetti reviennent sur les recettes inventives qui parcourent les chefs-d’œuvre littéraires de cette époque. Découvrez le filet de bœuf de Boileau, les harengs de Molière ou la charlotte aux fraises de Racine. Le tout assaisonné d’une pointe de modernité !

Guy Savoy cuisine les écrivains – XVIIe siècle, de Guy Savoy, Anne Martinetti et Gilles Chesneau, Herscher, 256 pages, 28 euros

Astérix, le retour en grâce

Iris

Comme de nombreux cadres d’aujourd’hui, les légionnaires romains n’ont plus le moral. Ils désertent en masse faute de trouver du sens à leur travail. Pour les remotiver, César fait confiance au médecin Vicévertus qui propose une méthode de coaching innovante : l’Iris blanc. Le camp romain de Babaorum jouxtant le "village gaulois qui résiste encore et toujours à l’envahisseur" servira de laboratoire. Les légionnaires puis les Gaulois se convertissent à la "pensée positive", mangent des graines, dissertent sur l’écoute, la bienveillance et l’empathie. L’Iris blanc est de loin le meilleur album depuis la fin du duo Goscinny-Uderzo. Les élèves se hissent au niveau des maîtres sans tomber dans l’imitation. On retrouve la satire de la société contemporaine (ici le développement des coachs escrocs surfant sur la quête d’épanouissement, de bienveillance et d’inclusion), des jeux de mots fins, un scénario léché. Et quelques nouveautés : Ordralfabétix et Cétautomatix règlent leurs différends de façon pacifique, Assurancetourix, jugé "différent", est choyé, les sangliers voient leur espérance de vie s’allonger. Mention spéciale aux bobos gaulois d’un Lutèce hilarant. Le jour et la nuit par rapport aux décevantes dernières aventures des célèbres Gaulois. Une recension plus complète est à retrouver en cliquant sur ce lien.

L’Iris blanc, de Fabcaro et Didier Conrad, Hachette, 48 pages, 10,50 euros

Lucas Jakubowicz, Olivia Vignaud

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