Coïncidence, en ce printemps notre rubrique livres se met d’une certaine façon à l’heure italienne : réadaptation de Roméo et Juliette, couple de hipsters transalpins installés à Berlin, clichés sur la Botte, nièces de Mazzarino et Empire romain sont au menu. Bonne lecture.

Chat GPT dans le Colisée

RomeEt si l’Empire romain ne s’était pas effondré ? Voilà une question sur laquelle de nombreux auteurs se sont penchés en faisant voyager toges et légions en Amérique ou sur la Lune. Désormais, un nouvel "auteur" se lance dans l’arène : Chat GPT-3. Interrogé par le jeune historien Raphaël Doan qui interprète les résultats, l’IA part de personnages et de faits réels puis extrapole. Tout commence lors de la généralisation de la machine à vapeur réellement théorisée par Héron d’Alexandrie sous le règne de Néron. Puis viennent l’électricité, le moteur à combustion, l’informatique… Et les évolutions sociales de ce culte du progrès technique. Stoïciens, épicuriens, polythéistes s’adaptent à l’air du temps. Le tout est illustré par l’outil Midjourney. Le résultat est aussi stimulant que déroutant. Au-delà de faire rêver le lecteur, il prouve qu’historien et IA ne sont pas ennemis : ils peuvent travailler ensemble.

Si Rome n’avait pas chuté, de Raphaël Doan (et Chat GPT-3), Passé composé, 207 pages, 20 euros

Les choses sauce hipster

LatronicoTom et Anna ont le profil parfait d’urbains branchés. Ce couple de webdesigners italien vit à Berlin, fraie dans un milieu artistique et cosmopolite et tâche de mener une vie parfaite : appartement soigné, relations sociales intéressantes, engagement humanitaire, voyages. Leur existence est centrée autour de l’accumulation de biens, d’attitudes « dans le vent » et de leur mise en scène sur les réseaux sociaux. Mais est-ce vraiment le bonheur ? Gentrification, rapport à l’écologie, au sexe, au foyer, à l’amitié… Dans ce roman qui se veut un hommage aux Choses de Georges Perec, le romancier italien Vincenzo Latronico décrypte avec une précision d’entomologiste le quotidien d’un couple qui incarne les travers de notre époque.

Les Perfections, de Vincenzo Latronico, Scribes, 176 pages, 20 euros

Incomprensione

Rendez nous la Joconde"Rendez-nous la Joconde!" est une requête qui sommeille plus ou moins sérieusement dans l’esprit des Italiens. Eh oui! Si Léonard de Vinci a bien offert Mona Lisa à François Ier en échange d’une pension annuelle de 700 écus d’or, nombre de Transalpins gardent l’impression que le chef-d’œuvre leur appartient. Ce qui a même conduit à son vol en 1911. Pour autant, quand un Français tente de reproduire la recette des pâtes carbonara en y ajoutant de la crème fraîche (sacrilège!), les réseaux sociaux montent au front: « OK, gardez la Joconde mais ne touchez pas à la carbonara, sinon nous envahissons la Corse. » Dans son essai consacré à ce qui rapproche et différencie les deux territoires, le journaliste et correspondant pour El Corriere della Sera Stefano Montefiori n’a pas la prétention de tordre le cou aux clichés mais d’« ajouter un minuscule caillou au vaste édifice que représente la connaissance mutuelle ». Avec beaucoup d’humour et à travers son parcours, il nous raconte son pays. L’Italie tend à se considérer, un peu, comme le cousin de province vu de haut par les Français. Pourtant, les habitants de l’Hexagone aiment le pays de Dante même s’ils n’ont toujours pas digéré la défaite des Bleus en finale de la coupe du monde de 2006 contre la Squadra Azzura.

Rendez-nous la Joconde ! Et autres malentendus franco-italiens, de Stefano Montefiori, Stock, 250 pages, 19,90 euros

C’est à Vérone

RJC’est le mythe de l’amour par excellence, rendu célèbre dans la pièce de Shakespeare. Dans un nouvel opus de la collection La sagesse des mythes, Glénat aborde l’histoire passionnelle et tragique de Roméo et Juliette. L’ouvrage est agrémenté d’une analyse de Luc Ferry qui contextualise et revient sur le cœur du sujet : les mariages arrangés versus les mariages d’amour. Si les premiers ont prévalu jusqu’au XIXème siècle en Occident, ils ont été remplacés par des unions consenties. Les progressistes regardent d’un mauvais œil les alliances orchestrées par les parents qui dans nombre de pays, privent les femmes de leurs droits les plus fondamentaux. Quand les plus traditionalistes voire intégristes déplorent l’extension du nombre de divorces, qui sont bel et bien la marque de cette liberté encore assez récente. Aujourd’hui, à Vérone, Juliette aurait pu épouser Roméo et même s’en séparer.

Roméo et Juliette, de Clotilde Bruneau et Gianenrico Bonacorsi, Glénat, 56 pages, 14,95 euros

Les "petites" Mancini

LeverSous l’ancien régime quelle solution peut s’offrir à homme peu aisé, arrivé au sommet du pouvoir qui souhaite que son clan garde du pouvoir ? La solution n’est guère féministe. Il s’agit de faire en sorte que les femmes de sa famille épousent des puissants. C’est la stratégie mise en place par Giulio Raimondo Mazzarino, religieux d’origine modeste plus connu sous le nom de Cardinal Mazarin. Celui qui, de 1643 à 1661 a gouverné la France dans l’ombre a fait venir de Rome sept nièces pour servir d’épouses aux grands de ce monde. Si certaines se sont acquittées de leur "mission" d’autres ont choisi un mode de vie soixante-huitard avant l’heure : Jouissons sans entrave. Ce livre retrace leurs destins et permet de montrer à quel point certaines choses ont changé. Mais une constante demeure : la combinaison de la beauté et de l’intelligence permet de réaliser de grandes choses.

Les princesses mazarines, la gloire du Cardinal, d’Evelyne Lever, Tallandier, 352 pages, 23 euros

Olivia Vignaud, Lucas Jakubowicz

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