Montagne au cinéma, gauche qui devient réac, scandale Matzneff, dernier Pierre Lemaître : voici les ouvrages à ne pas manquer en février.
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Cimes au ciné

Alpiniste de renom et réalisateur, Bernard Germain était sans nul doute la personne la plus pertinente pour s’atteler à la rédaction d’un dictionnaire dédié au rôle de la montagne au cinéma. Un travail mené avec maestria par l’auteur qui nous fait voyager sur tous les continents pour passer au crible 500 œuvres: comédies, drames, documentaires, thrillers… le spécialiste balaie les genres, les époques et les pays sans préjugés, parfois avec impertinence. Un film suisse des années trente est décrypté de la même manière que le travail d’Hitchcock… Qu’elles figurent en arrière-plan ou au centre du scénario, les montagnes s’avèrent dévoreuses d’hommes, propices à l’héroïsme, à la lâcheté, à la performance sportive, aux histoires d’amour. Ou tout simplement objets de contemplation. Cet ouvrage a le mérite de pouvoir se lire d’une traite ou par « picorage ». Il trouvera toute sa place dans la bibliothèque d’un amoureux des sommets comme dans celle d’un amateur de salles obscures.

Dico Vertigo, dictionnaire de la montagne au cinéma, de Bernard Germain, éditions Guérin, 432 pages, 39,50 euros

Quand la gauche devient réac…

C’est dans son ADN, la gauche a toujours défendu l’intérêt général et la pensée des Lumières contre toute forme d’obscurantisme, qu’il soit religieux ou scientifique. Hélas, une partie de ce bord politique semble renier cet héritage, au nom du droit des minorités ou du respect des croyances. C’est ainsi que l’on voit des socialistes encourager le port du voile ou des écologistes s’en prendre aux vaccins. Une situation préoccupante pointée et analysée avec rigueur par Stéphanie Roza, chargée de recherche au CNRS. Petit bémol: l’ouvrage, rédigé dans un style très universitaire, est par moments difficilement déchiffrable pour le grand public.

La gauche contre les Lumières ?,de Stéphanie Roza, Fayard, 208 pages, 18 euros

L’emprise

V. est jeune, très jeune même. Elle se trouve ingrate et manque de confiance en elle. G.est tout l’opposé. Bel homme au charme « magnétique », auteur reconnu entouré d’une aura de mystère et d’érudition, il fascine et séduit. Alors, lorsqu’il s’intéresse à elle, V.est aux anges; elle est celle que le grand homme a choisie, tour à tour sa muse et son « enfant chérie »... Et après tout pourquoi pas? Si ce n’est que G. a près de cinquante ans, V. quatorze à peine, et que l’histoire de leur liaison n’est pas une fiction mais le récit autobiographique de Vanessa Springora qui, trente ans après les faits, a décidé de se délivrer du poids de sa relation avec Gabriel Matzneff. Dans « Le Consentement», un premier roman d’une intensité rare, au style fluide et aux mots crus, elle raconte le contexte propice au processus de séduction dont elle va faire l'objet − « Un père aux abonnés absents (…). Un goût prononcé pour la lecture. Une certaine précocité sexuelle. Et surtout, un immense besoin d’être regardée. Toutes les conditions sont maintenant réunies » −, à la perte de repères puis à l’enfermement. Au passage, elle lève le voile sur la complaisance avec laquelle, il y a quelques décennies encore, l’élite littéraire et médiatique tolérait la pédophilie. Édifiant et nécessaire.

Le Consentement, de Vanessa Springora, Grasset, 206 pages, 18 euros

Drôle de guerre

Paris, printemps 1940. À La Petite Bohème, la brasserie du quartier, on s’impatiente devant cette guerre qui n’en finit pas de commencer. Il y a là M. Jules, le patron « bourru au-delà du raisonnable » qui attend « les boches », Louise, sa jolie serveuse en mal d’enfant et aussi « Le docteur » qui, depuis toujours, s’assoit à la même place pour fixer un appartement, de l’autre côté de la rue. Et puis plus loin, au plus près d’une ligne Maginot où, « en attendant de mourir pour la patrie, on s’emmerdait », on croise Gabriel, rigoureux et discipliné, Raoul, débrouillard et beau parleur ; mais aussi Désiré, escroc de génie tour à tour avocat pénaliste, responsable de propagande gouvernementale et curé engagé… Après « Au revoir là-haut » – Prix Goncourt 2012 – et « Couleurs de l’incendie », c’est sur « Miroir de nos peines » et le portrait saisissant de justesse et souvent de drôlerie que Pierre Lemaitre y dresse de cette France, incrédule d’abord, impuissante ensuite, qui assiste, sidérée, à l’avancée allemande, que l’écrivain achève en beauté sa trilogie de l’entre-deux-guerres. Un régal.

Miroir de nos peines, de Pierre Lemaitre, Albin Michel, 531 pages, 22,90 euros

Caroline Castets, Lucas Jakubowicz

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