Roy Bean vu par Xavier P. Vuitton, « un entrepreneur sans limite »

Bienvenue au Far West. Et par là, on entend l’ouest du Texas durant la seconde moitié du XIX^e siècle où nous emmène Xavier P. Vuitton, avocat chez De Gaulle Fleurance et biographe à ses heures perdues, avec Roy Bean, la loi à l’ouest du Pecos, paru en octobre 2024 chez LexisNexis. Avant cela, le juge Roy Bean n’avait jamais été l’objet d’une "vraie" biographie dans le paysage littéraire francophone, excepté l’album n° 13 de Lucky Luke, Le Juge, paru en 1959, si tant est qu’il puisse être considéré comme tel.

C’est désormais chose faite. L’ouvrage entraîne le lecteur dans la vie d’un des célèbres personnages de l’ouest américain du XIX^e siècle, à l’instar de Buffalo Bill, Billy the Kid ou encore Calamity Jane. Ce qui n’échappe pas à l’auteur qui profite du format de sa biographie pour y intégrer les « mini-bios » de ces grands noms de la légende de l’Ouest façon avis de recherche. "C’est aussi pour montrer ce qu’est Roy Bean par rapport aux autres", précise Xavier Vuitton. Car celui qui s’était autoproclamé "La loi à l’ouest du Pecos" se distingue de ses contemporains.

Sont relatées ses méthodes peu orthodoxes utilisées tout au long de sa vie pour contrer la concurrence (un autre saloon que le sien n’aurait pas pu s’implanter là où Roy Bean s’était installé, soyons clairs), obtenir des terres ou du bétail. "Dès qu’il y avait une occasion de faire de l’argent, il la saisissait. C’est un entrepreneur sans limite", analyse Xavier Vuitton. Et lorsqu’il s’attelle à devenir et rester juge, le déroulement « original » des élections pour ce faire est raconté dans les moindres détails. Sans oublier sa façon d’officier, une fois en poste, pour le moins inhabituelle entre menaces, chantages et invention de lois le tout armé… d’un pistolet, exit le marteau de juge. À travers un récit captivant, l’auteur s’interroge aussi sur la signification que l’on doit attribuer à la renommée de ce personnage sulfureux et à l’approbation quasi générale qu’il a recueillie au cours de son existence.

Biographie pas comme les autres, Roy Bean, la loi à l’ouest du Pecos est illustré par de nombreuses cases du tome 13 de Lucky Luke, des photographies et des cartes d’époque et d’aujourd’hui, se lit de la même manière qu’un roman ou une bande dessinée dont plusieurs des codes sont repris. Il faut dire que la vie de Roy Bean s’y prête particulièrement, puisqu’elle a tout d’un scénario de fiction. Or, rien n’est inventé, tout est extrait, dans la mesure du possible, des archives du Texas et du musée Roy Bean.

Gardez cependant en tête que Roy Bean a construit sa légende de son vivant. L’auteur le rappelle, le juge mentait allègrement et arrangeait la vérité à sa convenance : "C’est pour cela que je précise bien au début de l’ouvrage 'sous toutes réserves'." Qu’importe, la lecture de cette histoire n’en sera que plus passionnante et intrigante. Qui croire sur la façon dont le nom de la ville de Roy Bean fut arrêté – attention sujet sensible – ? Que s’est-il réellement passé lorsqu’il a été interdit de territoire au Mexique ? Mettait-il vraiment ses menaces à exécution ? Certaines questions trouveront réponse, d’autres non, mais n’est-ce pas le principe d’un mythe ?

Édité par LexisNexis, Roy Bean, la loi à l’ouest du Pecos ne s’adresse pas qu’aux juristes. Loin de là. Avec son écriture fluide, envolée, ironique parfois et un ton oscillant entre sérieux, humour et affection, cette biographie invite tous les curieux à apprécier le genre. Et le personnage.

N’hésitez pas non plus à (re)lire le volume 13 de Lucky Luke. Et Xavier Vuitton de nous faire remarquer : "D'ailleurs la BD est assez fidèle, Morris et Goscinny ont en particulier très bien traduit ce que devait être la personnalité de Roy Bean."

 

Roy Bean, la loi à l’ouest du Pecos, Xavier P. Vuitton, LexisNexis, 240 pages, 35 euros

Chloé Lassel