Avec ses 136 avocats, Jeantet, qui fêtera en grande pompe ses 100 ans au mois de mai, fait partie des grands cabinets de la place parisienne. Cette véritable institution, incontournable notamment en corporate et en M&A, se prépare à construire sa prochaine décennie.
Jeantet : l’institution française du droit des affaires fête ses 100 ans
Crises économiques, transformation de la profession d’avocat, complexification des normes, concurrence accrue…Depuis sa création, Jeantet a dû affronter de nombreux bouleversements. Mais comme Gide, autre mastodonte centenaire du droit des affaires, le géant français a su faire face. Sa stratégie consistant depuis les années 1990 à centrer son activité sur les fusions-acquisitions, le corporate et les opérations de haut de bilan semble avoir payé.
Le cabinet, qui a vu sa taille doubler en quinze ans – en 2007, il était composé de 70 avocats et de 22 associés –, compte aujourd’hui 35 associés, dont 25 % de femmes. Et “vise la taille critique de 200 avocats”, annonce Catherine Saint Geniest, co-managing partner depuis 2019. Il entend également recentrer son activité – pour ces clients français comme pour ses clients étrangers – sur le territoire hexagonal après une phase intense de développement, précise l’avocate chargée de la pratique de droit immobilier. Un positionnement loin d’être anodin pour Jeantet, fondé dans les années 1920 par deux avocats américanophiles. Pierre Lepaulle, premier Français à obtenir, en 1922, le Scientiae Juridicae Doctoris à Harvard. Et Fernand-Charles Jeantet, professeur à la prestigieuse Harvard Law School.
C’est en 1948, avec le Plan Marshall, que le cabinet connaît un essor hors norme en devenant le conseil privilégié d’entreprises américaines comme Kodak et Coca-Cola désireuses de s’implanter en France et en Europe. Cent ans plus tard, il peut se prévaloir d’être présent France, en Europe de l’Ouest, en Europe centrale et orientale, en Afrique et en Asie.
Gouvernance d’équilibre
“Nous sommes très soudés chez Jeantet.” Pour Catherine Saint Geniest, la firme doit son succès au fait d’avoir choisi une gouvernance à deux têtes. Même si les fonctions de la managing partner l’amènent à trancher les questions du “day to day”, certaines décisions sont prises collectivement. C’est le cas de la politique de rémunération des associés refondue en 2016 et décidée chaque année par le conseil des associés. Cette gouvernance bicéphale renouvelée tous les trois ans à bulletin secret est aussi gage de paix sociale. Catherine Saint Geniest en est à son deuxième mandat.
L’IA en ligne de mire
Selon l’avocate, le grand défi des cabinets d’affaires réside dans l’intelligence artificielle (IA). Les collaborateurs juniors et les fonctions support devraient être les premiers à voir leurs postes évoluer sous le coup de cette technologie de rupture que Jeantet utilise déjà pour les questions de gestion ou les mémos de visioconférence. S’approprier l’IA – un chantier indispensable – a conduit le cabinet à se doter d’une équipe mêlant des avocats, des informaticiens, des conseils externes et une personne attelée à ce seul sujet. Il faut cependant veiller à sa bonne utilisation, confidentialité oblige. La charte d’accueil de la prestigieuse maison interdit de ce fait à ses collaborateurs de solliciter ChatGPT. L’innovation oui, mais sous contrôle. Il y a fort à parier qu’avec son expérience centenaire, Jeantet relèvera les défis numériques de demain.
Mathilde Aymami