Le 11 décembre 2023, lors d’un procès fictif organisé par le barreau de Paris dans le métavers, un certain Elin Mask (alias @Dieu01) comparaissait pour vol d’un tableau en NFT, outrage sexiste et atteinte à la liberté d'expression sur le réseau “Qwitter”. L’occasion de revenir sur la place de l’IA dans le procès pénal.  

Lundi dernier, le 11 décembre 2023, l’auditorium de la maison du barreau de Paris s’est mué en une cour d’appel virtuelle pour juger un personnage tout droit sorti de l’univers des Sims: Elin Mask. Un entrepreneur à succès de MelonVille, monde virtuel, condamné en juin 2023 par des juges fictifs à payer 2 000 meloncoins (la monnaie locale) et à deux mois de bannissement du métavers pour des faits d’outrage sexuel et d’atteinte à la liberté d’expression, le vol n’ayant pas été retenu contre lui en première instance. En face du prévenu, qui niera en bloc les allégations formulées contre lui, il y a Sandra79, la victime, et un témoin nommé Vince. Et, procédure oblige, le procureur et neuf avocats. Au cœur des débats, une question centrale : une violation de droit dans le métavers peut-elle être assimilée à une infraction dans la réalité ? Ce procès fictif est aussi un lieu d’expérimentation : celle de l’utilisation de l’IA par les avocats et le procureur pour pour élaborer leurs plaidoiries et réquisitoires. À charge pour le public de démasquer, en votant, ceux qui y ont eu recours.

Cybermannoir, Quouiker, Mediaport

Le procès démarre par un teasing du premier épisode de la “saga virtuelle”. Tout commence à Mélonville, un “jardin virtuel”, un “paradis artificiel” imaginé par Elin Mask, le “tout puissant actionnaire de cette enclave numérique”. Ce dernier aurait arrêté une jeune femme alias Sandra79 le soir de la Saint-Valentin, dans des rues virtuelles, et lui aurait dit : “Wesh, t’es bonne !” Puis, il aurait sauté de cyberbuisson en cyberbuisson pour se rendre dans son cybermanoir et lui dérober un tableau de grande valeur. Sandra79 se sentant “outragée”, “muselée” et “empêchée d’être entendue” par le biais d’une “justice médiatique” porte plainte contre le CEO de Qwitterqui aurait suspendu son compte sur le réseau social et interdit la parution d’un article traitant de son agression dans le journal Mediaport. À l’issue de cette introduction pixelisée aux airs de jeu vidéo interactif, la cour fait son entrée avec un “vrai” juge et de vrais avocats. Parmi eux : le magistrat instructeur Pascal Gastineau, des secrétaires de conférence comme Ambroise Vienet-Legué, Jean-Baptiste Riolacci et Pierre-Henri Baert, et Héléna Christidis, membre du Conseil de l’Ordre.

“Juger vivant, présent et en humanité”

 “J’aurais pu présenter une plaidoirie sortie de ChatGPT avec des erreurs et de jolies formules”, déclare l’avocat de la partie civile incarné par Amaury Sonet. Mais je n’aurais pas rempli mon rôle d’avocat de la partie civile.” Un rôle qui consiste à dépeindre “comment était [sa] cliente avant et comment elle est aujourd’hui” en mettant l’accent sur l’émotion et l’empathie. Persuadé que l’IA ne peut se substituer à l’intelligence humaine, l’avocat conclut son plaidoyer en appelant les magistrats à “juger vivant, présent et en humanité”

Des enjeux juridiques réels dans un monde virtuel  

Le métavers, une zone de non-droit ? Pas pour le procureur de la République. Dans son réquisitoire, Pierre Henri Baert plaide pour une application de la loi aux affaires virtuelles. “Le métavers n’est pas le Far West, les actes commis dans cet espace doivent être considérés et traités avec des peines réelles.” Pour lui, le retrait du tableau virtuel de NFT par Elin Mask, tableau qu’il qualifie d’objet physique, s’apparente à un vol de données informatiques. Et les propos à connotations sexuelles qu’il prononce devant des “viewers” entrent dans la qualification pénale de l’outrage sexiste.

Cyberharcèlement, NFT

Pour les accusations de vol du tableau dans le métavers, l’avocat se fonde sur le caractère fongible du NFT pour écarter toute infraction. Le vol de NFT est “structurellement impossible et c’est justement sa fonction”. Le NFT n’est pas un objet physique : “Il ne s’agit que d’une ligne de code dans un registre.” Pour lui, Elin Mask a au pire “modifié l’emplacement d’une image”. Cela “fait partie du jeu” et Sandra79 reste propriétaire de l’œuvre. “C’est comme si on m’accusait de voler un nuage ou une idée”, rétorque l’avocat.

Acquittement virtuel et QR Code interactif

Après un délibéré élaboré grâce à l’IA, la sentence tombe : c’est l’acquittement total pour Elin Mask faute de preuves concrètes et en raison du caractère complexe de l’affaire. Et quid du rôle de l’IA dans ce procès ? Un QR Code projeté sur l’écran blanc permet aux spectateurs de voter pour désigner les personnes susceptibles d’y avoir eu recours. Le résultat du scrutin est nettement en deçà de la réalité : sur les 9 avocats et le magistrat présents, six ont en fait eu recours à l'IA dans la préparation de leurs interventions. De quoi inquiéter ceux qui souhaitent, comme Amaury Sonet, “que la machine ne soit pas l’avenir” afin de conserver une once d’humanité dans la justice.

Nora Benhamla

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