Retour du droit de timbre dans le débat sur le fonctionnement de la justice. Un amendement à l’article 24 du projet de loi de finances pour 2025 porte une contribution de 50 euros à régler par le demandeur à un procès. Une frange des avocats oppose son traditionnel refus au principe d’une justice payante.

C’est une question qui ne date pas d’hier : faut-il faire payer l’accès à la justice ? Un amendement au projet de la loi de finances pour 2025 déposé le jeudi 21 novembre 2024 par la sénatrice Christine Lavarde (Les Républicains) vise à rétablir une contribution de 50 euros dont les justiciables seront redevables pour ouvrir une instance.

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Ce droit de timbre avait déjà été instauré sous la présidence de Nicolas Sarkozy en 2011 avant d’être supprimé sous le mandat de François Hollande qui débuta en 2014. À l’époque, son montant n’atteignait que 35 euros. Selon les porteurs de l’amendement, le droit de timbre n’avait aucun impact sur le nombre de saisines des juridictions quand il était en vigueur. Puis, selon les derniers rapports de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (Cejep), la justice française est en effet l’une des dernières à soutenir le principe de la gratuité. Chez les partisans de l’amendement, on soutient que seulement 4 pays sur les 27 États membres de l’Union européenne n’ont pas mis en place de contribution pour accéder à la justice, “alors que le coût réel des procédures et notamment des frais de justice a connu une forte augmentation”.

Les arguments en faveur d’une contribution financière au système judiciaire sont multiples : l’isolement de la justice française dans cette voie et la nécessité de conserver la compétitivité, le besoin de responsabiliser les parties dans l’engagement des procédures et l’épuisement des voies de recours, les manques de moyens de l’institution, l’instrumentalisation de la justice par les entreprises…

Obstacle à l’égal accès à la justice pour tous

Certains acteurs du droit maintiennent une ferme opposition à l’instauration d’un droit de timbre. Dans une lettre intersyndicale [Avenir des Barreaux de France (ABF), Avocats, ensemble (ACE), Confédération nationale des avocats (CNA), Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats (FNUJA), Syndicat des avocats de France (SAF)], des membres de la profession des avocats estiment que “cette contribution laisse à penser que la cause de la paralysie actuelle de la justice serait un trop grand nombre de saisines qu’il faudrait réguler par un droit d’entrée, alors qu’elle résulte d’un manque cruel de moyens affectés”. Pour les syndicats, rendre payante la justice engendre un “risque d’éloigner les justiciables de la justice”. .

La présidente du Conseil national des barreaux Julie Couturier a adressé un courrier au garde des Sceaux pour lui rappeler la position du CNB contre ce système qui ferait obstacle à l’égal accès à la justice pour tous.  Une seconde missive a également été déposée dans la boîte aux lettres du ministre du Budget, Laurent Saint-Martin. Additionné à des délais judiciaires toujours plus longs, ce droit de timbre serait de nature à dissuader les citoyens de faire valoir leurs droits. Autre point noir pour Julie Couturier : la contribution ira au budget général de l’État, et non pas spécifiquement au financement de la justice.

Dans certaines circonstances, la contribution proposée par Christine Lavarde ne serait pas due : procédures de surendettement des particuliers ou de redressement et de liquidation judiciaire pour les entreprises, si la partie à l’origine d’une instance bénéficie de l’aide juridictionnelle ou pour les procédures devant la commission d'indemnisation des victimes d'infraction, le juge des enfants, le juge des libertés et de la détention et le juge des tutelles… Bref, des cas où “le versement de la contribution apparaîtrait comme une entrave disproportionnée au droit d’accès à la justice ou ne répondrait pas à l’objectif de solidarité de la contribution”. La proposition précise que le droit de timbre ne serait pas exigible pour les affaires pénales.

Anne-Laure Blouin

Image générée par l'intelligence artificielle

 

 

 

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