Le 10 juillet 2024, l’Arcom a infligé une double sanction financière à la chaîne CNews. Motif : sur les plateaux de deux émissions, aucune contradiction aux déclarations sur l’immigration qui “tue” et l’écologie qui est une forme de “totalitarisme”.
L’Arcom sanctionne CNews pour absence de contradictoire
L’Arcom continue sur sa lancée. Le 10 juillet 2024, elle a annoncé avoir de nouveau sanctionné CNews. La chaîne de Vincent Bolloré écope de deux amendes de 60 000 et 20 000 euros. En cause : des manquements à ses obligations de pluralisme dans les émissions La Matinale Week-End et Punchline Eté au cours de l’année 2023.
Facteur de risque mortifère
Dans l’émission La Matinale Week-End diffusée le 10 décembre 2023, ce sont des propos tenus dans un débat sur le projet de loi immigration qui font tiquer le régulateur. Dans une séquence relative au Rassemblement national, deux invités (l’écrivain Vincent Roy et le directeur de la rédaction de L’Incorrect Arthur de Watrigant, ndlr) affirment que “l’immigration tue”. L’animateur ne réagit pas, pas plus que les autres personnes présentes en plateau. Ce qui caractérise, pour l’Arcom, une violation de l’obligation de ne pas inciter à la haine ni d’encourager des comportements discriminatoires.
Les dires des invités, répétés à deux reprises, sont “de nature à représenter les personnes d’origine immigrée, dans leur ensemble, comme un facteur de risque mortifère”. Et de poursuivre : “Une telle stigmatisation, qui réduit les immigrés au rang de personnes dangereuses et qui n’a suscité aucune réaction de la part des autres personnes présentes en plateau, est susceptible d’inciter à la haine à leur égard en raison de leur race, leur nationalité ou leur origine ethnique et d’encourager à des comportements discriminatoires à leur égard en raison de leur race, leur nationalité ou leur origine.”
“Élisabeth Borne a annoncé qu’on allait dépenser 60 milliards d’euros par an pour lutter contre la... contre ce soi-disant réchauffement, comme ça l’État dit “bah j’peux pas faire d’économies y a le réchauffement”, c’est très pratique et puis ça permet d’intervenir dans l’agenda, dans la vie des gens, l’habitation, le transport, l’industrie, l’agriculture et c’est... pour moi c’est une forme de totalitarisme.”
En août 2023, une partie de l’émission Punchline Eté aborde l’information selon laquelle le mois de juillet 2023 avait été le mois le plus chaud jamais enregistré. Cette fois, c’est la contestation de l’influence anthropique sur le réchauffement climatique par l’économiste Philippe Herlin qui pose problème. L’intervenant soutenait que “le réchauffement climatique anthropique est un mensonge, une escroquerie, à un moment il va falloir poser les choses scientifiquement, c’est pas une loi de la science”. Selon l’invité, “il y a un réchauffement climatique depuis le milieu du XIXe siècle, mais qui suit un mini âge glaciaire [...] donc le climat a toujours évolué, il va continuer de le faire, mais nous expliquer que c’est à cause de l’Homme ça non, ça c’est de l’ordre du complot, et pourquoi ça a autant de poids ?” Avant d’assimiler les réglementations en faveur de la protection de l’environnement à l’émergence d’un régime totalitaire. “Parce que ça justifie l’intervention de l’État dans notre vie, et ça aussi absout l’État de devoir diminuer ses dépenses publiques. Élisabeth Borne a annoncé qu’on allait dépenser 60 milliards d’euros par an pour lutter contre la... contre ce soi-disant réchauffement, comme ça l’État dit : 'bah, j’peux pas faire d’économies y a le réchauffement'. C’est très pratique et puis ça permet d’intervenir dans l’agenda, dans la vie des gens, l’habitation, le transport, l’industrie, l’agriculture et c’est... Pour moi c’est une forme de totalitarisme. Moi qui suis un économiste libéral, c’est une forme de totalitarisme.”
Manquement à l’obligation de présentation honnête de l’actualité
Là encore, l’Arcom s’étonne du manque de réaction sur le plateau. Il a pu relayer “une thèse controversée et non vérifiée par les données acquises de la science” sans qu’une personne aux idées opposées puisse le contredire. CNews n’a pas assuré l’expression de différents points de vue, manquant ainsi à son obligation de présenter honnêtement les questions sujettes à controverse. En juin, l’autorité avait repris Sud Radio pour des déclarations contredisant ou minimisant le consensus scientifique sur le dérèglement climatique.
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C’est la douzième fois que l’Arcom tape sur les doigts de la Cnews à travers des mises en garde, des mises en demeure ou des amendes. L’autorité s’était vu rappeler par le Conseil d’État en février 2024 l’étendue de ses pouvoirs. L’Arcom n’a pas fait la sourde oreille.
Anne-Laure Blouin
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