Le 9 février 2023, l’Arcom a infligé une sanction de 3,5 millions d’euros à la chaîne C8 pour des dérapages lors de l’émission “Touche pas à mon poste” avec l’invité Louis Boyard. La Cour européenne des droits de l’homme a rendu elle aussi sa décision de confirmation des sanctions prononcées en 2016 par le CSA.
C8 : double peine pour l’émission Touche pas à mon poste
Les deux font la paire. Deux décisions sont tombées le même jour, le 9 février 2023, à l’encontre de la chaîne de Vincent Bolloré C8. Elles sanctionnent certains propos et comportements tenus lors de l’émission Touche pas à mon poste. L’Autorité française de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) condamne C8 à une amende de 3,5 millions d’euros. Cette décision est l’issue de la procédure visant la chaîne pour les propos tenus sur son plateau à l’encontre de Louis Boyard en novembre dernier. “Abruti”, “tocard”, “bouffonׅ”, “merde” et “mange-merde”. Une salve d’injures proférées par Cyril Hanouna pour défendre son employeur et propriétaire de la chaîne, Vincent Bolloré, face aux propos du jeune député qui avait souhaité insister sur les conséquences des activités économiques de Vincent Bolloré sur le continent africain. En 2017, l’Arcom a déjà prononcé une amende de 3 millions d’euros à l’occasion d’un canular jugé homophobe dans l'émission TPMP Radio Baba animée par Cyril Hanouna.
Absence d’indépendance de l’information
Le gendarme des médias juge “ces propos ont porté atteinte aux droits de l’invité, au respect de son honneur et de sa réputation”. Selon lui, l’éditeur a méconnu son obligation de maîtrise de son antenne. Dans une seconde décision, l’Arcom a mis en demeure C8 de se conformer aux obligations d’honnêteté et d’indépendance de l’information et de ses programmes. Ceci au motif que “l’invité avait été explicitement empêché d’exprimer en plateau un point de vue critique à l’égard d’un actionnaire du Groupe Canal +, auquel appartient le service de télévision C8”. Pour l’Arcom l’émission ne réunissait pas les conditions garantissant l’indépendance de l’information.
Manquements déontologiques à répétition
Le même jour, sur le plan européen, la CEDH a débouté la chaîne de ses recours contre des condamnations des autorités françaises. Là encore, C8 était rappelée à l’ordre à cause de séquences litigieuses de 2016 et 2017. La première concernait la diffusion d’un moment hors antenne pendant lequel Cyril Hanouna fait toucher son sexe à une chroniqueuse aux yeux bandés. Dans la seconde Cyril Hanouna et ses chroniqueurs se moquent des personnes homosexuelles pour l’autre. Selon la juridiction européenne “les séquences litigieuses n’étant porteuses d’aucune information, opinion ou idée (…) n’ayant en aucune manière contribué à un débat d’intérêt général, et étant attentatoires à l’image des femmes, pour l’une, et de nature à stigmatiser les personnes homosexuelles et à porter atteinte à la vie privée, pour l’autre”. Les sanctions de l’autorité française ne portent pas atteinte à la liberté d’expression de la chaîne, dont les séquences ont “impact, en particulier auprès d’un jeune public”. La Cour soulève aussi les manquements déontologiques à répétition de C8. L’émission regardée par un million de téléspectateurs, voire deux millions pour certaines soirées de l’automne 2022, est régulièrement mise en cause par l’Arcom pour les propos tenus par son présentateur. Le jour du rendu des décisions, Cyril Hanouna a réagi sur le plateau de Touche pas à mon poste : “Maintenant qu’on a pris 3,5 millions d’amende, on fera des happenings à petit budget.”
Anne-Laure Blouin