L’Autorité de la concurrence a infligé une sanction totale de 76 645 000 d’euros à onze entreprises du secteur des produits préfabriqués en béton. En cause, quatre ententes orchestrées par les acteurs économiques depuis au moins sept ans.
Concurrence : le secteur du béton écope d’une amende de plus de 76 millions d’euros
Et de quatre. L’Autorité de la concurrence sanctionne quatre ententes entre onze entreprises dans le domaine des préfabriqués en béton. Le montant total de l’amende s’élève à plus de 76, 6 millions d’euros.
Enquête pénale et demande de clémence
C’est la DGCCRF – par l’intermédiaire de la brigade interrégionale d’enquête concurrence de Lille – qui a mis la puce à l’oreille du gendarme français de la concurrence. Après ce signalement des autorités et dans le cadre d’une procédure pénale, le juge d’instruction a ordonné la mise en place d’écoutes téléphoniques et des perquisitions dans les locaux des entreprises suspectées d’entraver le jeu de la concurrence. “Une perquisition s’est également déroulée à l’Hôtel Mercure de Roissy, interrompant une réunion réunissant sept représentants d’entreprise”, précise le communiqué de l’ADLC.
L’enquête des autorités judiciaires n’a pas laissé de marbre KP1 et Rector – deux des sociétés incriminées – qui ont formulé une demande de clémence auprès de l’ADLC, laquelle s’est autosaisie immédiatement du dossier et a ouvert une instruction pour faire la lumière sur l’existence de potentielles pratiques anticoncurrentielles. Laquelle également a mis à jour, après avoir reçu les éléments de l’enquête pénale transmis par le juge d’instruction et les révélations des demandeurs de clémence, quatre ententes différentes portant sur la fixation commune des prix, la répartition de la clientèle, le partage et l’échange d’informations sensibles.
Téléphone jetable
Selon l’ADLC, ces manœuvres illicites étaient parfois tellement ancrées dans l’organisation du secteur que certains acteurs “[avaient] perdu de vue” le caractère illégal des ententes et qu’ils ne se souvenaient plus du moment où elles avaient commencé. L’autorité estime pour sa part que les entreprises incriminées se sont livrées à ces pratiques pendant une période allant de sept à dix ans. Elle sanctionne donc neuf entreprises (KP1, Rector, SEAC, A2C, FB, IB, SLM, Studal et Soprel) pour s’être accordées sur les prix de vente des produits préfabriqués en béton et sur la répartition de la clientèle lors d’appels d’offres lancés par des constructeurs. Ont d’abord été organisées sur le plan national des “réunions secrètes (…) dans le cadre de différents groupements”, réunions qui ont ensuite gagné les régions et dans lesquelles étaient utilisés “des noms de codes pour dissimuler le caractère illégal [de ces] pratiques”. L’Autorité a également remonté plus d’une centaine d’échanges téléphoniques entre les membres de l’entente du bassin parisien et ceux de ses régions limitrophes.
L’affaire a pris des allures de polars : “Un directeur régional dans le Sud-Ouest communiquait avec ses concurrents via un téléphone jetable. Le concurrent faisait sonner une à deux fois le téléphone professionnel du directeur régional, qui comprenait alors que son téléphone jetable devait être allumé afin de pouvoir correspondre avec son concurrent.”
Autres ententes sanctionnées : celle des sociétés KP1 et Rector qui avaient convenu ensemble d’une hausse des prix à l’égard des constructeurs de maisons individuelles et de négoces, et celles de KP1, Eurobéton France et Strudal qui se sont mutuellement donné des informations sensibles sur les prix lors d’un appel d’offres concernant les chantiers de charpentes en béton.
La quatrième entente vise les accords passés entre KP1 et la société de préfabrication de Landaul (SPL), notamment une clause d’exclusivité des produits de SPL au profit de KP1 ou encore une clause de non-débauchage. Les deux entreprises se réunissaient régulièrement pour s’entendre sur leur prix et la distribution des clients. L’Autorité a découvert un tableau de répartition des clients élaboré par KP1 et SPL mis à jour après chaque réunion ou échange téléphonique.
Fidal hors de cause
Sa coopération avec l’Autorité de la concurrence n’empêche pas Rector d’écoper de l’une des plus grosses sanctions – 25, 45 millions euros – à l’instar de KP1 qui devra verser 19 millions d’euros. Eurobéton France paie, lui, une facture additionnelle d’un montant de 75 000 euros pour avoir transmis une information erronée lors de l’instruction et tardé à la corriger.
Les entreprises n’étaient pas les seuls protagonistes de l’affaire dans le viseur de l’Autorité. D’après les services d’instruction, le cabinet Fidal aurait donné des conseils en vue de dissimuler des pratiques anticoncurrentielles, ce qui lui aurait conféré un rôle de facilitateur d’entente ou d’obstructeur à la détection de pratiques anticoncurrentielles. Le mastodonte du conseil français aurait fauté à l’occasion d’une formation prodiguée aux membres de la Fédération d’Industrie du Béton en 2007. L’insuffisance des éléments pour démontrer que Fidal connaissait l’entente et la prescription décennale a toutefois conduit l’Autorité de la concurrence à prononcer un non-lieu à son égard.
Ilona Petit