Jeudi 30 mai, les sénateurs se sont prononcés en faveur de l’interdiction de l’utilisation des polluants éternels dans les produits de la grande consommation. En revanche, à l’instar des députés, ils ont décidé de laisser les ustensiles de cuisine hors du champ d’application de la loi.

Les jeudis ne sont pas des bons jours pour les PFAS. Après les députés le 4 avril, ce sont les sénateurs qui ont entériné la proposition de loi (PPL) du député Nicolas Thierry le 30 mai 2024, à l’unanimité moins une abstention. Les locataires du palais du Luxembourg ont apporté quelques retouches à ce texte qui interdit l’utilisation des polluants éternels dans les produits à destination du public et en limite (en attendant une cessation totale) le rejet dans les eaux. Et qui exclut à partir de 2026 l’utilisation des molécules nocives pour quatre types de produits : les emballages alimentaires, les cosmétiques, les produits de fartage et les textiles.

Échec, mais pas mat

Les sénateurs ont ajouté à la liste les chaussures et les imperméabilisants de vêtements et chaussures destinés aux consommateurs. Ils ont élargi la liste de produits exclus du texte. Aux côtés des vêtements conçus pour la protection, et “la sécurité”, ajoute au passage le Sénat des personnes exerçant des missions de défense nationale ou de sécurité civile, on trouve désormais les chaussures. Quant à la fabrication, l’exportation et la mise sur le marché de ces produits, les sénateurs ont maintenu leur interdiction à partir du 1er janvier 2030, sauf pour les "produits textiles nécessaires à des utilisations essentielles et de ceux contribuant à l’exercice de la souveraineté nationale et pour lesquels il n’existe pas de solution de substitution". Autre nouvelle exception sénatoriale : les produits contenant des PFAS "en concentration inférieure ou égale à une valeur résiduelle définie par décret". Le nombre et le type de produits concernés dépendra donc des limitations imposées par ce décret.

Les ustensiles de cuisine, point épineux du dossier et écartés en première lecture à l’Assemblée nationale, restent exclus du texte. Anne Souyris a relevé l’ironie de la situation : “On interdit les PFAS sur les emballages alimentaires, mais pas sur les ustensiles de cuisine, c’est aberrant !” Les poêles en téflon commercialisées par le groupe SEB avaient été largement défendues par les salariés du groupe qui avaient manifesté leur opposition au texte le 3 avril dernier. Pour le grand public, Tefal a récemment lancé une campagne publicitaire sur la sécurité de ses produits. Une pub qui n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Selon Le Monde, la veille de l’examen de la proposition de loi au Sénat, le député de Gironde Nicolas Thierry, son auteur, a saisi la procureure de la République de Paris. "Les éléments de communication du groupe SEB induisent en erreur les consommateurs en omettant des informations cruciales sur l’ensemble du cycle de vie des produits Tefal", a-t-il asséné.

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Une bataille de remportée

L’heure n’est pourtant pas à la déception. Anne Souyris, la sénatrice écologiste de Paris, se réjouit de pouvoir "couper le robinet et réparer les dégâts de quatre-vingts années de pollution". Pour Bernard Pillefer, sénateur centriste du Loir-et-Cher, la loi française envoie “un signal fort aux institutions européennes à quelques jours des élections pour protéger la santé des citoyens".

Côté ONG, Générations Futures par la voix Yoann Coulmont, son chargé de plaidoyer, affirme que "le Sénat en adoptant cette proposition de loi à l’unanimité a agi en responsabilité", et félicite "l’ensemble des groupes politiques qui ont su se saisir de cette opportunité pour faire valoir l’intérêt général et faire entrer la France dans une voie de sortie des PFAS malgré l’opposition du gouvernement". Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, a toutefois salué un texte qu’il considère comme "opérationnel et concret", rapporte France Info. Il se rallie pourtant à l’avis du gouvernement qui est d’attendre la mise en place d’un cadre européen pour légiférer. “Aller vers 27 réglementations différentes, ce serait aller vers des applications défaillantes.”

Quant aux seuils de PFAS autorisés dans les produits, Nicolas Thierry indique au Monde pouvoir "comprendre l’intention de ne pas vouloir cibler la présence accidentelle de PFAS", mais appelle à la vigilance pour qu’ils ne soient pas "trop élevés". Car, contrairement à l’antienne répétée depuis le XVIe siècle, ce n’est pas la dose qui fait le poison.

Chloé Lassel

Crédit photo : Sénat

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