Le Greco alerte les gouvernements sur la nécessité d’adopter des réglementations plus sévères pour lutter contre la corruption et encourager l’intégrité dans les hautes sphères des États. Le manque d’indépendance des juges et des procureurs de certains systèmes judiciaires est pointé du doigt.

Renforcer les dispositifs de lutte contre la corruption dans les hautes instances et fonctions des gouvernements. Depuis vingt-cinq ans, le Groupe d’États contre la corruption (Greco) pousse inlassablement les gouvernements à affiner leur politique en la matière. Cette année, dans son rapport Tendances, défis et bonnes pratiques en matière de lutte contre la corruption en Europe et aux États-Unis d’Amérique, il met l’accent sur l’opacité qui entoure le lobbying, le manque d’intégrité des parlementaires et la non-indépendance des juges dans plusieurs systèmes judiciaires. “Lorsque les autorités investies du pouvoir de décision (qu’il s’agisse du pouvoir exécutif, législatif ou judiciaire, exercé au niveau national ou local) ne sont plus guidées par l’intérêt public, mais par des intérêts privés, on assiste à un usage arbitraire du pouvoir”, affirme le président croate du Greco, Marin Mrčela. Si les enjeux restent inchangés – préserver le fonctionnement sain des institutions –, ils prennent une autre dimension dans un contexte de guerre russo-ukrainienne, d’inflation et d’extension des réseaux criminels à travers le monde. En cette fin de mai, le Greco rappelle les États à leurs devoirs.

“Les promotions fondées sur des critères opaques, les mutations arbitraires et l’influence de l’exécutif dans les procédures disciplinaires restent monnaie courante”

Le Greco exhorte les États à faire mieux en matière de lobbying, “un phénomène brûlant et qui s’amplifie”. Même si certains d’entre eux mettent en place certaines lois pour imposer des obligations d’enregistrement et de déclaration aux lobbyistes, ils peinent à mettre en œuvre et à contrôler tous ces dispositifs. Les parlementaires, “l’autre partie de l’équation du lobbying”, doivent recevoir “des directives claires sur la gestion des relations avec les lobbyistes et sur la conduite à tenir en leur présence”.

Du côté des magistrats, le Greco déplore que seuls quelques États aient établi des critères objectifs qui évitent toute ingérence politique dans l’élection des juges et des membres non-juges des conseils de la magistrature. Dans certains cas, les parlements et/ou les gouvernements ont la main sur le processus de présélection des candidats, voire les élisent directement. Même constat négatif pour le recrutement et l’avancement des juges et des procureurs. “La mise en œuvre de critères transparents et objectifs (…) se fait encore attendre.”  Le rapport indique que “les promotions fondées sur des critères opaques, les mutations arbitraires et l’influence de l’exécutif dans les procédures disciplinaires restent monnaie courante”.

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Bureau des menaces internes

Sur les 21 pays autopsiés, certains se sont fait remarquer par la mise en place de dispositifs prometteurs. Le Portugal par exemple, avec la publication depuis 2022 sur le site de l’Inspection générale des affaires intérieures des décisions rendues dans les affaires disciplinaires concernant des agents des services répressifs. De quoi permettre aux agents publics et aux citoyens portugais de se faire une idée de ce qu’est un comportement intègre. Autre bon élève : les États-Unis avec les vérifications des antécédents des personnes recrutées au Bureau d’enquête fédéral (FBI). Pour délivrer l’habilitation de sécurité de niveau “secret absolu”, le service de renseignement intérieur multiplie les vérifications sur les candidats : examen polygraphique, test de dépistage de drogues, vérification des antécédents et de la solvabilité… Il va même jusqu’à s’entretenir avec les collègues, les voisins, les amis et les professeurs – anciens et actuels – du sondé. Des vérifications très poussées qui se répètent tous les ans pour conserver l’habilitation. Tout est scruté : les voyages pour le travail ou les vacances, les contacts avec l’étranger, les déclarations de situation financière à fournir. Le FBI a son Bureau des menaces internes qui traquent les risques de conflits d’intérêts.

S’assurer de l’intégrité de son personnel demande donc de gros moyens. Pour Christophe Demmke, professeur de gestion publique à l'université de Vaasa en Finlande, c’est le point noir de la lutte contre la corruption. “Malgré les tendances à l’institutionnalisation, voire à la bureaucratisation des politiques d’intégrité, à l’heure actuelle, presque aucun pays n’est doté des capacités et des ressources nécessaires pour gérer, contrôler et appliquer efficacement les politiques d’intégrité.”

Anne-Laure Blouin

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