Justine Bain-Thouverez n’aime pas beaucoup parler d’elle. Une pudeur qui s’estompe sans jamais toutefois disparaître, quand il s’agit d’évoquer son activité professionnelle. C’est donc dans ce récit qu’il vous faudra, cher lecteur, tenter de deviner entre les lignes ce qui fait la substance de Justine.

"Je n’ai pas toujours su que je souhaitais devenir avocate. Je n’ai d’ailleurs pas eu un parcours très linéaire", introduit Justine Bain-Thouverez. Un fort intérêt pour les sciences humaines lui fait intégrer une prépa hypokhâgne. Mais faute d’y voir un prolongement professionnel, elle se tourne vers le juridique, d’abord à la Sorbonne, avec un parcours mixte droit public/droit privé, puis à Sciences Po dans le cadre d’un master en droit public économique qu’elle parachève par un doctorat en droit de l’environnement et de la concurrence. Elle découvre alors le métier d’avocat qu’elle n’avait "pas du tout imaginé comme ça, bien plus transversal, avec une vraie dimension technique, financière et opérationnelle". Une pratique qu’elle a eu la chance, ou peut-être le culot, de développer à son image.

Self-made partner

En effet, ayant passé l’essentiel de sa jeune carrière chez LLC & Associés Avocats qu’elle décrit comme "un cabinet à taille humaine", on lui laisse la chance de développer sa propre clientèle, même en tant que simple collaboratrice. Rapidement, elle se rend compte que, pour accéder au rang d’associée, il faut qu’elle se démarque, qu’elle trace sa propre voie : "Trouver un sujet de niche, tout en valorisant mes compétences", résume-t-elle. Elle rencontre des gens, suit des conférences, des formations. Ce sera le droit de l’énergie associé au droit des affaires pour bâtir, aux côtés des entreprises, une offre d’accompagnement global mais surtout une véritable stratégie de transition énergétique. Au départ, elle conseille une clientèle essentiellement constituée d’opérateurs énergétiques, développeurs, investisseurs et banques, sans compter tout le mille-feuille des personnes publiques et des sociétés d’économie mixte. Elle s’élargit ensuite naturellement à tous consommateurs d’énergie qui ont besoin de décarboner leurs parcs, leurs infrastructures, leurs actifs, puis plus spécifiquement aux foncières, asset manager et opérateurs immobiliers. "Aujourd’hui, treize ou quatorze ans après la création de ce pôle, nous sommes parvenus à nous constituer une clientèle composée de sociétés de toutes tailles, du grand compte à la plus petite entreprise, qui nous accorde sa confiance pour être les partenaires de leurs transitions, et avec qui les liens n’ont fait que se resserrer à l’aune de cette crise énergétique qui a constitué pour eux comme pour nous, autant un défi qu’une formidable opportunité d’accélérer et d’innover." Mais au-delà de cette réussite professionnelle, Justine Bain-Thouverez retient surtout l’aventure collective qui l’a rendue possible, matérialisée notamment par la nomination de son ancien collaborateur Benoît Denis, à la direction du pôle. Elle met également en exergue une rencontre, celle d’André Joffre, président de la Fédération nationale des banques populaires et fondateur d’Enerplan qui lui a très vite accordé sa confiance et permis de codévelopper des sujets en matière d’énergie solaire : "Nous partageons une histoire commune qui m’a permis de grandir professionnellement", confie-t-elle.

La jeune avocate ne cache pas son souhait, un jour, d'influer sur les orientations du législateur pour contribuer à mettre de l’huile dans les rouages, du pratique dans le théorique 

Développement durable

À l’éco-anxiété ambiante et parfois partagée, Justine Bain-Thouverez oppose une énergie débordante au service d’une transition qu’elle voit se déployer sous ses yeux : "Il y a encore peu, toutes les obligations réglementaires étaient ressenties comme des contraintes. Le cadre juridique français et européen, bien qu’exigeant, trace aujourd’hui une ligne plus claire qui pousse les entreprises dans des démarches plus écosystémiques et vertueuses. C’est la fin des faux-semblants, des 'one-shot' et c’est tant mieux, tant les opportunités en face sont chaque jour plus attractives. Pour mes clients, mais aussi pour l’avocate que je suis." Comment fait-on, quel modèle d’affaires alternatif construire, quelle architecture financière et énergétique pour le soutenir… Voilà ce qui fait le sel de la mission que s’est donné Justine Bain-Thouverez. Pour cela, elle n’hésite pas à mobiliser les compétences au-delà de son cabinet. Pour preuve : le projet CirculEnergie, porté en partenariat avec des sociétés de conseil et des bureaux d’étude, qui a pour ambition de transformer les parcs d’activités existants en zones neutres en carbone et en énergie, avec le soutien financier de l’Union européenne. Une démarche proactive, à l’image de la jeune avocate qui ne cache pas son souhait, un jour, d'influer d’une manière ou d’une autre sur les orientations du législateur pour contribuer à mettre de l’huile dans les rouages, du pratique dans le théorique, afin d’accélérer le mouvement.  

Quand on lui demande quel est actuellement son livre de chevet, elle répond, gênée : "Un livre sur le développement personnel et la science holistique, mais je ne peux pas dire ça..." Comme si cela enlevait quelque chose à son énergie ou à sa volonté. L’auteur de ce portrait choisit d’y voir plutôt la marque d’une ambition sans cesse renouvelée, d’un train qui ne compte pas s’arrêter, d’une femme perfectionniste, dont la carrière ne fait au fond que commencer.

Antoine Morlighem

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