S’il n’avait pas opéré un virage à 180 degrés vers le droit pénal et le duo Laffont-Haïk au tout début de sa carrière, François Artuphel ne serait sans doute pas l’associé de Julien Visconti et de Benjamin Grundler. Portrait d’un avocat qui recommande de toujours mettre le pied dans les portes qui se referment.

Dans une vie rêvée, François Artuphel se verrait bien professeur d’apnée. Sa définition du bonheur tient dans trois choses et un lieu : la plongée, une Mythos et du poisson grillé en Grèce. Dans la vie réelle, il est l’un des avocats de droit pénal des affaires les plus prometteurs de sa génération. Celui qui est devenu il y a quelques mois l’associé de Julien Visconti et de Benjamin Grundler n’avait pourtant aucune intention de devenir avocat. Avec des parents très portés sur la lecture et le voyage, et un père officier qui était "libre et anticonformiste pour un officier", ses trois sœurs et lui ont souvent déménagé. De Rome à Lisbonne, en passant par Versailles, Paris, Clichy-sous-Bois ou Bruxelles, où il a passé son bac. Il s’inscrit en droit à Assas – "Je me suis dit que ce serait toujours utile pour la suite" – avec l’objectif de décrocher Sciences Po et de s’ouvrir les portes de la diplomatie.

Cheval en Mongolie

"Je n’étais pas un très bon élève à Assas, loin de là, un peu ric-rac." François Artuphel travaille comme un acharné pour être accepté en maîtrise à la University College of London. Une "année magnifique" à Londres : il n’assiste pas beaucoup au cours et fait beaucoup la fête, "trop peut-être". Le même été, il réalise "l’exploit de valider son année Erasmus aux rattrapages" et obtient à sa grande surprise le sésame pour le master d’affaires internationales de Sciences Po. À l’oral, pourtant, l’attention du jury s’était focalisée sur son voyage à cheval en Mongolie : un mauvais signe, selon lui. La prestigieuse école intégrée, François Artuphel s’aperçoit qu’il n’a aucune envie de devenir fonctionnaire – même du corps diplomatique. C’est plutôt une annonce de stage bien rémunéré chez Gide qui lui fait de l’œil : il a un emprunt sur le dos et, malgré ses petits boulots de serveur dans des discothèques de la capitale, il est "fauché comme les blés". Il a fait du droit et la profession d’avocat répond à ses envies d’indépendance. Gide l’envoie quelques mois à Hong Kong, puis il part chez le tout jeune DLA. Mais le futur avocat, "lecteur compulsif de la presse", raffole des faits divers et des affaires politico-financières en plein essor. "On est un peu avant la création du Parquet national financier", resitue-t-il.

"J’applique aujourd’hui ce que j’ai appris en comparution immédiate à deux heures du matin à Bobigny"

Tiraillé entre ses contraintes économiques et son attrait pour le droit pénal, il hésite à sauter le pas – et à "diviser sa rétrocession par deux". Il se décide finalement à contacter les dix ténors du barreau de Paris… Et se fait rappeler par Jacqueline Laffont, qui lui dépeindra "un métier très difficile et exigeant". Le descriptif lui donne très envie. Tout comme les quatre entretiens reportés par Pierre Haïk pour des gardes à vue ou d’autres urgences de pénaliste. Formé en droit des affaires et en affaires internationales, François Artuphel ne connaissait rien au droit pénal. À son entretien chez Haïk & Associés, il avait seulement dans ses poches un Que-sais-je ? de procédure pénale. Mais parvient à convaincre ses interlocuteurs : il devient, pour les six années à venir, le collaborateur de Jacqueline Laffont et Pierre Haïk. Débarqué des cabinets aux belles moquettes du 8e arrondissement, il prend une claque. Les premières années, il plaide jusqu’à dix fois par semaine et enchaîne les visites au parloir. "Je défendais essentiellement des voyous." Le néophyte doit s’intégrer dans un univers dont il ne sait rien. "C’était la méthode de formation de Haïk et Laffont : on vous lance dans l’arène et on voit si vous tenez le coup." Une bonne école, puisque l’avocat "applique aujourd’hui sur des dossiers de pénal des affaires ce qu’[il] a appris en comparution immédiate à deux heures du matin à Bobigny".

Injustice originelle

Comparutions immédiates, requêtes en nullité, "stup"… Les dossiers s’enchaînent et François Artuphel engrange de l’expérience. Sa fascination pour le droit pénal des affaires reste intacte, nourrie par des affaires comme l’affaire Dassault, l’affaire Pasqua, Pétrole contre nourriture, celles du Médiator celle des emplois fictifs de la mairie de Paris. Séduit par l’intérêt de sa jeune recrue pour la matière pénale, Pierre Haïk le prendra sous son aile. François Artuphel se souvient : "Je plaidais moins, j’étais moins en première ligne mais je suivais ces affaires aux côtés d’un monument." De quoi, peut-être, expliquer sa rapide montée en puissance : "Dans un cabinet d’affaires classique, j’aurais dû attendre dix ans pour plaider. Chez Laffont et Haïk, j’assistais à toutes les réunions et plaidais avec eux tous les dossiers, y compris les plus importants. Tous les deux m’ont permis, très tôt, d’acquérir une forte exposition dans le métier." Il est de ces avocats qui peuvent se targuer d’avoir travaillé sur des affaires emblématiques, comme le dossier Bismuth, où il a participé à la défense de Nicolas Sarkozy. Au bout de six années de collaboration, Jacqueline Laffont et Pierre Haïk acceptent de faire de lui leur associé. Est-ce sa plus grande fierté ? Raté. "Ce sont les premiers mots de mon fils." Père de trois enfants, il assume avec bonheur "ce boulot à plein temps", sa "priorité absolue et numéro 1". Et même s’il appartient à cette génération de pères investis, son épouse magistrate veille au grain pour la répartition des tâches. "Elle semble parfois vouloir corriger une injustice originelle", s’amuse l’avocat.

Commandant Cousteau

La vraie réussite, pour François Artuphel, c’est de "savoir mener de front une vie professionnelle stimulante et exigeante et une vie personnelle enrichissante". Et il sait savourer ses victoires : il se rappelle le pic d’adrénaline déclenché par son premier acquittement en 2012 dans une affaire d’importation de cocaïne – six tonnes, tout de même. "Le client était détenu depuis deux ans et demi. On avait présenté 47 demandes de remise en liberté et récolté 47 refus." Il profite aussi des petits avantages du métier, comme celui d'aller visiter certains de ses clients dans des contrées exotiques. De quoi satisfaire sa fibre internationale.  Avant les audiences, il fait les cent pas, comme le faisait Pierre Haïk, et mord le rabat de sa robe. Il a hérité du duo qui l’a "élevé dans le métier" l’exigence de "défendre avec toujours la même énergie, la même conviction et la même détermination chaque personne qui vous a confié sa défense, quelles que soient sa position, sa puissance, sa place dans la société". Tout comme il a admiré ses mentors, François Artuphel espère que ses collaborateurs et partenaires pourront dire que c’est "chouette" de travailler avec lui. Cet avocat loyal a beaucoup de respect pour les longues histoires. Ce qui tranche avec ce qu’il appelle ses passions éphémères. "Il y a cinq ans c’était le triathlon. J’ai rapidement abandonné. C’est depuis la plongée profonde en apnée, qui exige calme et patience, c’est-à-dire tout l’inverse de ce que je suis dans ma vie professionnelle !" Ce qui reste invariable chez lui, en dehors de son amour pour Le Grand Bleu, la musique brésilienne et le commandant Cousteau, c’est peut-être cette capacité à ne jamais se contenter d’un non. Son cheval de bataille.

Anne-Laure Blouin

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