Il est de ces avocats dont on se dit qu’on doit absolument les voir plaider. Félix de Belloy est un pénaliste-né qui, en vingt ans de robe et de relaxes remarquées, a aussi trouvé le temps de se consacrer à l’associatif et de s'inviter dans les bibliothèques.
Félix de Belloy, et tout paraît plus simple
Il aurait été facile d’écrire qu’il est un ténor parmi les ténors. Mais il y avait davantage à dire sur celui qui, enfant, s’imaginait pourtant comédien. Félix de Belloy, "pas franchement scolaire, mais issu d’une bonne famille de l’Ouest parisien”, fréquentera plutôt les bancs de la fac de droit. C’est assez loin du rêve candide, sur le papier. L'associé en contentieux et pénal des affaires chez Hughes Hubbard & Reed se laisse finalement séduire par l’enseignement reçu à Assas. Il s’intéresse au droit constitutionnel, est intrigué par le droit administratif, obtient un DEA de droit public et se penche sur les constitutions de l’Afrique noire francophone. Il réussit l’examen d’entrée à l’école du barreau "sans vocation particulière", s’envole pour un service militaire d’un an au Sénégal, revient en France, entre à l’école d’avocats. Son stage chez Gide en droit public ne le passionne pas particulièrement. La vie de ses copains en droit pénal des affaires davantage : "Ils ont l’air de s’amuser." Il ira s’amuser chez Olivier Metzner pour un dernier stage, avant de s’installer une année à Atlanta – sans grande maîtrise de la langue de Shakespeare – et de se faire embaucher, à son retour, par un spécialiste du droit pénal des affaires. Félix de Belloy passe cinq ans chez Michel Beaussier. "C’est la liberté avec beaucoup de dossiers, passionnants, et beaucoup de plaidoiries."
Guantanamo et Karachi
Et ça, ça plaît forcément au pénaliste, fin rhétoricien et premier secrétaire de la Conférence du stage promotion 2004. Les années passent, les enjeux dans les dossiers qu’il obtient grandissent. Félix de Belloy attire une clientèle de personnes "dont la place est de plus en plus importante dans la société". En vingt ans de prétoire, son nom a été associé à de belles victoires. Les relaxes d’Édouard Balladur et d’un Français détenu trois ans à Guantanamo, c’était lui. La condamnation de l’État pour des contrôles au faciès, encore lui. L’avocat est attaché aux dossiers de libertés fondamentales. Félix de Belloy aime les affaires "compliquées", parce qu’il "aime les rendre faciles". Dans ses conclusions, toujours des axes simples de défense. Lesquels n’ont, eux, rien de simple à identifier : "C’est toujours beaucoup de travail", reconnaît l’avocat.
"Les années d'expérience n'ont en rien chassé la peur, qu'[il] ressent encore à toutes les audiences"
Travail qu’il fournit aussi assidûment dans un autre volet-clé de sa vie : celui de l’associatif. Au moment d’enfiler la robe, en 2002, Félix de Belloy a "monté à partir de zéro" l’association de soutien scolaire Proxité, qui compte aujourd’hui une cinquantaine de salariés et plus de 2000 bénévoles. L’avocat le savait avant même de rejoindre la barre : il voulait pouvoir faire quelque chose pour les enfants issus de quartiers défavorisés. Son engagement ne faiblit pas lorsqu'avec Raphaël Gauvain et Antoine Beauquier, rencontrés chez Michel Beaussier, il fait le choix de l’indépendance et cofonde en 2009 Beauquier Belloy Gauvain, devenu Boken. Là encore, "les affaires sont passionnantes, avec beaucoup de droit pénal des affaires". Boken songe à ouvrir une antenne à Londres, Félix de Belloy assure la succession pour la présidence de Proxité et traverse la Manche en 2016. Ce père de quatre enfants rentrera à Paris deux ans plus tard. Le moment, pour lui, de rejoindre Hughes Hubbard & Reed et de retrouver la vie associative avec la présidence de l’Ilot, qui accueille et accompagne d’anciens détenus vers la réinsertion.
Alacrité
S’il reconnaît avoir une fois, sur une affaire peu sensible, fait l’erreur d’arriver "trop en confiance", Félix de Belloy est un "belliqueux dans [ses] dossiers". Celui qui a pu "être surpris par sa capacité à être méchant avec les adversaires" a appris, avec l’âge, à être plus prudent. Les années d’expérience n’ont en rien chassé la peur, qu’il ressent encore "à toutes les audiences". Mais pas au point de le faire douter de son choix de carrière : Félix de Belloy "ne se voit absolument pas dans un autre métier". S’il n’était pas avocat, ce féru de ski de randonnée irait probablement respirer l’air alpin quelques mois, avec des copains – le remake de Sylvain Tesson en solo dans les forêts de Sibérie ne devrait pas être signé de Belloy. Des livres, lui en a signé d’autres, parus entre 2003 et 2019 : La Gifle au bon Dieu, Divines Surprises et Le Soleil est une femme – celui-ci est "un mélange de ce que [il a] aperçu en cour d’assises et dans l’association". Si vous êtes chanceux, Félix de Belloy vous parlera peut-être du jour où il a été l’infortuné destinataire d’une oreille appartenant à un client, mutilée par le client en personne. Un public plus cinéphile ou amateur d’Histoire préférera peut-être se tourner vers la série qu’il a écrite, La Folle Histoire des lois, sorte de machine à remonter le temps, jusqu’à l’Antiquité, pour tout savoir de l’évolution du droit. Et si, pour l’heure, le romancier est en sommeil, l’esprit vif – et délicatement espiègle – de l’avocat est toujours là. Son défi, pour les prochaines années de barre, sera de "réussir à conserver [son] alacrité". Rendez-vous est pris dans vingt ans.
Olivia Fuentes