Tout juste bachelier, Fabrice Fages s’éprend d’un ouvrage d’introduction au droit. Depuis, il continue d’explorer la matière juridique. Sous toutes ses formes : l’associé en litigation & trial chez Latham & Watkins a été doctorant, enseignant, assistant parlementaire et conserve un mandat d’élu dans sa commune.
Fabrice Fages, une histoire de coups de foudre
Fabrice Fages est de ceux qui ont tiré quelque chose des forums d’orientation organisés pour les lycéens. Lui qui ne venait pas d’une famille de juristes a rencontré des étudiants en droit et s’est laissé tenter par un concours d’entrée à un double cursus droit et allemand. Sa lecture phare de l’été du baccalauréat sera un ouvrage de droit civil : Introduction au droit de Jean-Luc Aubert. C’est un "coup de foudre intellectuel". Il dévore le livre comme s’il était "plongé dans le Seigneur des anneaux". Il arrête l’allemand assez vite, mais pas le droit. Celui qui deviendra associé en litigation & trial chez Latham & Watkins s’intéresse au droit appliqué aux activités économiques et obtient un magistère en droit des affaires puis un DEA spécialisé en droit international privé. "Nouveau coup de foudre." Le voilà enseignant-chercheur à la fin des années quatre-vingt-dix, toujours installé entre les étagères de Cujas. "J’étais un rat de bibliothèque." Il faut dire qu’il avait un objectif à atteindre : la soutenance de sa thèse sur la théorie de l’équivalence et les conflits de lois. Elle deviendra une sorte de roman-fleuve dans sa vie, puisqu’il mettra dix-sept ans à l’achever.
Plaider en chambre d’hôpital
Fabrice Fages vivra le passage à l’an 2000 au parlement. À l’époque, le droit l’intéressait pour "faire évoluer les choses". Il travaille sur des textes de loi pour le rapporteur du budget. Mais réalise que participer à la création du droit ne le satisfait pas pleinement : il est attiré par le métier d’avocat. Dans l’avocature, il aime la diversité. "La possibilité de regarder le droit sous un angle différent. Ce n’est pas la fabrique directe de la loi, mais la mise en œuvre de la règle. Laquelle peut donner naissance à des moyens et des jurisprudences qui peuvent permettre de préciser la loi et finalement de la faire évoluer." En 2003, c’est chez Latham & Watkins que Fabrice Fages devient avocat. D’abord en arbitrage commercial, "une matière passionnante qui donne envie de s’y plonger", puis en contentieux et compliance. Il obtient également le barreau de Bruxelles. La robe sied à son esprit stratège : "J’aime l’inventivité dont il faut faire preuve pour rendre intelligibles des situations compliquées et utiliser les règles du droit. Plus le dossier est technique, plus il est intéressant." L’avocat aime convaincre et explorer des domaines peu connus. Un dossier récupéré alors qu’il faisait de la permanence pénale – il en a fait dix ans – lui a donné l’occasion de plaider dans une chambre d’hôpital-prison. "Une expérience déstabilisante, au cœur de l’humain."
"L'erreur, c'est de penser qu'un raisonnement est évident donc qu'il s'immisce chez tous"
Pour ses clients, dont beaucoup sont des Big Four, Fabrice Fages a "toujours envie de se dépasser, quel que soit le dossier, quels que soient les enjeux". C’est d’ailleurs ce qu’il a fait dans un dossier marquant de sa carrière. Pour un client en détention provisoire, l’avocat a interjeté appel d’une décision qui venait de repousser la date du jugement à la suite du déport d’un juge. Il aurait pu ne pas s’opposer à cette banale modification de calendrier. À la place, il a obtenu la libération immédiate de son client. À la fin, "les plus beaux moments sont ceux où l’on arrive à faire valoir les droits du client, où l’on est compris". S’il se dit parfois "qu’il aurait pu faire les choses différemment" et se demande dans certains dossiers "s’il fallait transiger", Fabrices Fages n’a pas vraiment de regrets. Sauf, éventuellement, celui de "ne pas avoir été l’avocat qui a défendu la question prioritaire de constitutionnalité de juillet 2018 ayant conduit le Conseil constitutionnel à consacrer la valeur constitutionnelle du principe de fraternité, car c’est un bel exemple d’une avancée notable grâce au contentieux".
Grande échelle
De sa carrière d’universitaire devenu avocat, il a appris qu’il fallait toujours expliquer son point de vue : "L’erreur, c’est de penser qu’un raisonnement est évident donc qu’il s’immisce chez tous." Qu’il devait être tenace et attentif, aussi. Fabrice Fages sait qu’il a "besoin de beaucoup travailler, et de bien faire son travail". Sans pour autant rompre l’équilibre avec sa vie personnelle. Ce père de cinq enfants, qui n’a "jamais manqué une réunion parents-professeurs", profite pleinement des avantages du télétravail et s’est installé un bureau "comme au cabinet" chez lui. S’il dit avoir changé depuis ses débuts ? "Forcément… Mais peut-être pas tant que ça." Fabrice Fages enseigne toujours le contentieux et l’arbitrage à La Sorbonne et à Assas. Il se rend souvent à l’Assemblée et mesure le rôle que jouent les avocats dans la société. Il a gardé l’envie de "s’engager à une échelle plus grande". L’avocat s’implique au sein du Club des juristes et est élu chez lui, à Vaucresson. Il se dit chanceux de "faire des choses auxquelles il croit". S’il devait retourner à l’été 1989, il choisirait de nouveau la faculté de droit. S’il ne fréquentait pas les prétoires, Fabrice Fages serait professeur de droit à plein temps. Sur sa liste de choses qu’il veut encore apprendre et pratiquer, il y a la plongée sous-marine, et il y a le droit. Dans son temps libre, il lit le Journal de Maurice Garçon, récit de la vie d’un avocat entre 1939 et 1945. Preuve, s’il en fallait, que son coup de foudre pour le droit n’a jamais fané.