Dans un contexte où les entreprises sont en quête de diversification de leurs sources de financement, notamment par un processus de désintermédiation bancaire, de nouvelles solutions émergent. Le foisonnement du crowdfunding aux côtés d’autres alternatives permet de rassembler une multitude d’investisseurs individuels et traduit d’une part l’incapacité des prêteurs traditionnels à suivre certains projets et aussi d’autre part l’intérêt croissant des particuliers pour ce type d’investissement.
De l’intérêt, tant pour le prêteur que l’emprunteur, d’assortir la dette obligataire d’une fiducie sureté.
Le marché obligataire s’est donc imposé comme un véritable levier alternatif. Les prêts obligataires se définissent comme des mécanismes financiers qui permettent aux entreprises de lever des fonds en émettant des obligations, achetées par des investisseurs qui bénéficient alors de coupons périodiques représentant le paiement d’intérêts et le remboursement du capital investi à une certaine échéance.
Néanmoins, la dette obligataire est assortie au risque de défaillance de la société émettrice, à l’absence de garanties effectives et à la volatilité du taux d’intérêt ou encore la dilution de la valeur lors de la conversion. Ces incertitudes conduisent alors malheureusement à une certaine frilosité voire méfiance de la part des investisseurs, voir à certaines craintes justifiées des investisseurs qui semblent découvrir ce risque a posteriori ( « « Je vais peut-être perdre mes 20.000 euros » : les naufragés du crowdfunding immobilier ne sont pas au bout de leurs peines » Le Figaro, 30 octobre 2024).
Face à ces enjeux, il devient crucial pour les entreprises en quête de fonds, qui rencontrent des difficultés à séduire les potentiels investisseurs privés, de proposer des garanties solides visant à rassurer les financeurs.
La « reine des sûretés »
Prévue par les articles 2011 et suivants du Code Civil, la fiducie est le contrat par lequel un « constituant » transfère la propriété de biens ou de droits dans un patrimoine fiduciaire géré par un « fiduciaire », séparément de son patrimoine propre, au profit d’un « bénéficiaire ». Surnommée la « reine des sûretés », la fiducie, en ce qu’elle entraine un transfert de propriété dans un patrimoine fiduciaire, peut avoir pour but de garantir une créance ou une obligation. Dans ce cas, dans l’hypothèse d’une défaillance du débiteur de l’obligation, le fiduciaire est alors en droit de vendre ou d’utiliser les biens mis en fiducie pour rembourser le créancier.
La fiducie sur titre permet au porteur de projet d’obtenir un meilleur accès au financement, de la sérénité dans l’exécution et des conditions de réalisation amiables rapides et confidentielles dans l’hypothèse d’un défaut.
En matière d’emprunt obligataire, la fiducie-sûreté prend plus précisément la forme d’une fiducie sur titres. Ce modèle permet à l’emprunteur de placer en garantie de son financement les titres d’une société détenant un ou plusieurs actifs sous-jacents, présents ou à acquérir, dans le cadre de son opération.
Un mécanisme clair
Selon le schéma, la société émettrice des obligations ou sa société holding transfère à un tiers fiduciaire une partie ou l’intégralité de ses titres dans un patrimoine fiduciaire, en guise de garantie. Ce fiduciaire en devient temporairement le propriétaire.Ce fiduciaire a alors, aux termes de sa mission, la responsabilité et le devoir de gérer ces titres et de s'assurer que leur valeur reste suffisante pour couvrir l'obligation. Si l’emprunt obligataire n’est pas remboursé : le fiduciaire opère le transfert de propriété des titres mis en fiducie aux obligataires. Si l’emprunt obligataire est remboursé : le fiduciaire restitue alors les titres à la société émettrice.
Dans un tel schéma, la fiducie assure à l’investisseur une protection optimale contre le risque de non-remboursement. En amont, ce dernier est assuré que les titres mis en fiducie sont gérés dans l’intérêt favorable de la communauté des obligataires, en vue d’un recouvrement. En aval et le cas échéant, l’investisseur est assuré du transfert de propriété dans son propre patrimoine des titres mis en fiducie par le fiduciaire, qui est y est tenu contractuellement.
Plus encore, le financeur est même protégé en cas d’ouverture d’une procédure collective. En effet, les titres ayant été transférés dans le patrimoine fiduciaire, ils ne peuvent être saisis par d’autres créanciers en cas de liquidation ou redressement judiciaires. L’investisseur jouit alors d’un accès prioritaire à la récupération de sa créance.
De façon plus pratique, la fiducie permet une rationalisation de la documentation par la centralisation des différents droits dans le cadre d’une sûreté unique, avec un contrat unique.
Transfert de patrimoine
Pour parfaire cette garantie et amoindrir les différents aléas en présence, il est également possible de transférer dans le patrimoine fiduciaire les titres de la holding qui détient elle-même les parts de la société opérationnelle. Ainsi, les obligataires sont protégés des risques spécifiques liés à la société opérationnelle tout en pouvant accéder par cette entité aux actifs sous-jacents de la première. Les investisseurs accèdent en réalité à l’ensemble des actifs valorisables de la holding, ce qui augmente les chances de remboursement des obligataires, lesquelles sont renforcées par la présence d’actifs autres que ceux de la société opérationnelle potentiellement défaillante.
Ainsi, assortir le contrat de prêt d’une fiducie s’avère être l’une des solutions les plus efficaces dans la protection des intérêts des obligataires. En particulier, la fiducie sur titres s’inscrit comme une solution novatrice et puissante pour les prêteurs particuliers. Ce mécanisme permet alors de garantir un contrôle favorable des actifs mis en sûreté, tout en assurant une protection maximale en cas de défaillance de l’émetteur, si bien que la fiducie s’impose comme une stratégie incontournable et attractive pour tout investisseur cherchant à sécuriser ses capitaux.
Cédric DUBUCQ, Mathieu COUVÉ, Jade FLÉCHON