Constitué sous forme de Scop depuis sa création, CPA Experts fête ses 40 ans avec une nouvelle gouvernance bicéphale. Retour sur cette étape clé avec Pierre Lebrun, son nouveau président, Samuel Chauvin, directeur général, et Anne-Lise Gillet, responsable juridique et relation client.
Pierre Lebrun, Samuel Chauvin et Anne-Lise Gillet (CPA Experts) : “Gouvernance partagée et expérience collaborative sont les clés de notre longévité“
Décideurs. CPA Experts est une société coopérative et participative avec une gouvernance bicéphale. Pourquoi avoir faire le choix de ce modèle peu commun dans le monde de l’expertise ? Qu’est-ce qui le caractérise ?
Pierre Lebrun. Nous avons posé cette même question à Jean Puyo, notre fondateur qui a fêté ses 93 ans cette année. La raison se base avant tout sur une conviction sociale, celle de partager les fruits du travail de chacun. Certains cabinets appartiennent déjà à leurs experts. CPA va plus loin puisque nous redistribuons les bénéfices à l’ensemble des salariés, expert·e·s, assistant·e·s et fonctions support. Pendant 40 ans, les salariés de CPA Experts se sont relayés à la direction du cabinet, d’abord en tant que gérant avec Jean Puyo puis Yves Peytavin. Ensuite en tant que PDG quand nous avons adossé notre statut de Scop à celui de SA, avec Daniel Faisantieu, Samuel Cohen et enfin Bruno Perrot. Au fur et à mesure, cette fonction de PDG s’est avérée une charge de travail de plus en plus lourde. C’est ce qui nous a motivés, en janvier 2023 à présenter un projet basé sur cette gouvernance bicéphale.
Samuel Chauvin. Pierre et moi sommes encore jeunes et cette élection de quatre ans ne doit pas nous empêcher d’exercer en tant qu’experts. Cette méthode de gouvernance implique cependant du formalisme et des bases à poser. D’une culture très verbale, nous travaillons aujourd’hui sur des procédures écrites et des notes internes pour formaliser, sans contraindre ni restreindre nos salariés associés.
Comment ce modèle vit-il au quotidien ?
S. C. Le fond reste inchangé depuis 1983. Nos 50 salariés sont tous les actionnaires et « les chefs d’entreprise » du cabinet. Tout le monde a le droit à la parole pour exprimer son point de vue. C’est sur la forme que nous devons être attentifs. Nous restons à l’écoute des attentes, des besoins, des envies et des souhaits de nos associés. L’entreprise traditionnelle est unilatérale et bien souvent descendante. Chez CPA Experts, il apparaît indispensable que tous nagent dans le même sens afin d’éviter les problèmes de productivité, de rendement et de rendu. Ce n’est pas que financier. Il s’agit d’un intérêt commun, aussi bien social que sociétal.
P. L. Sur le plan opérationnel, un conseil d’administration est élu et vote tout ce qui est stratégique pour l’entreprise. Pour la démocratie du quotidien, des réunions mensuelles sont organisées durant lesquelles sont encouragées la prise de parole et la pensée critique. Aucune information n’est dissimulée. Notre objectif reste de fournir aux salariés un état objectif de l’avancement de nos projets. À côté de ça, nous mettons en place des réunions métier pour traiter des problématiques spécifiques et coconstruire de nouveaux process. Gouvernance partagée et expérience collaborative sont les clés de notre longévité.
Anne-Lise Gillet. Le sens du service est prédominant. Les dirigeants sont au service de l’ensemble des associés. Cela s’inscrit dans une démarche RSE globale et consubstantielle au modèle Scop. Nous avons calculé notre bilan carbone puis des actions ont ensuite été entreprises pour savoir où intervenir afin de ne pas brider les déplacements indispensables de nos experts. Nous privilégions désormais le train ou le covoiturage. L’ensemble des associés sont animés par ces initiatives de bon sens et de responsabilité. Le bien-être social fait partie de l’ADN du cabinet.
CPA Experts a fêté ses 40 ans en 2023. Que signifie pour vous cette étape ?
P. L. Nous fêtons notre anniversaire tous les cinq ans. Pour nos 40 ans, plus de 700 personnes nous ont rejoints dans la grande galerie de l’Évolution du Muséum national d’histoire naturelle à Paris. L’occasion pour nous de réaffirmer à l’ensemble de nos invités à quel point l’indépendance nous était chevillée au corps depuis 1983. Nous sommes les seuls actionnaires du cabinet et notre statut Scop nous empêche d’être rachetés. Cette indépendance demeure aussi un fil rouge dans le choix de nos prestataires, comme les entreprises de réparation par exemple, et ce toujours dans l’intérêt de nos clients.
S. C. En outre, le fait d’être indépendant vis-à-vis des grands réseaux d’experts nous permet d’intervenir à leurs côtés en qualité de sapiteurs. La sapitation est une part essentielle de notre activité et elle ne peut s’exercer si nous apparaissons comme affiliés à l’un de leurs concurrents.
"Il s’agit d’une spécificité de l’expertise à la française que d’analyser les circonstances et les causes du sinistre avant d’en évaluer son préjudice."
Vous êtes partenaires d’Advanta Global Services à l’international. Comment affirmez-vous votre identité propre dans ce contexte de collaboration aux quatre coins du monde ?
S. C. Sur les 1 300 dossiers reçus par an, une centaine de missions nous sont confiées par Advanta Global Services. La majorité d’entre elles sont en Europe. Nous avons également quelques dossiers sur des sériels avec des problèmes de production en Chine. Nous ne choisissons jamais la destination car les entreprises clientes travaillent dans le monde entier. Or, nous gardons toujours la main sur la qualité du rapport d’expertise. C’est là un gage de notre indépendance vis-à-vis d’Advanta. Déterminer la cause et valoriser les dommages, c’est ce qu’attendent nos clients. Il s’agit d’une spécificité de l’expertise à la française que d’analyser les circonstances et les causes du sinistre avant d’en évaluer son préjudice. C’est toute la différence avec le loss adjustment anglo-saxon qui se concentre sur l’application contractuelle, parfois même à des fins protocolaires. Le loss adjustment, c’est bien mais ce n’est pas suffisant dans un contexte français.
A.-L. G. Advanta Global Services est surtout un facilitateur puisque nous restons redevables envers nos clients de notre propre qualité de service. Si nos mandants nous le demandent, nous sommes tout à fait capables d’assumer des interventions à l’étranger. La seule différence est que ce relais nous permet d’éviter les déplacements inutiles mais aussi de disposer d’un point d’ancrage local que nous n’avons pas forcément. Advanta Global Services dispose aujourd’hui d’un réseau structuré partout dans le monde, sous forme de régions animées chacune par un directeur. L’ensemble est régi depuis Londres.
"Quand nos clients nous mandatent, notre objectif est de maitriser le litige."
Vous intervenez en dommages et en responsabilité civile sur des dossiers à forte intensité. Quelles sont les tendances observées en matière d’expertise de spécialité cette année ? Quel est le petit plus de CPA Experts pour rester dans le coup des évolutions du secteur ?
P. L. Même si nous ne traitons pas les dossiers de masse lié au RGA (retrait-gonflement des sols argileux), la recrudescence du phénomène entraîne de plus de plus de sinistres complexes ou de seconde génération. Les deux tiers du pays sont recouverts de sols argileux. Ce sont des milliers de communes concernées avec des conséquences profondes sur le bâti et des solutions de réparation ou de stabilisation coûteuses. À défaut de la maison du particulier, nos experts en géotechnique vont intervenir sur les phénomènes de grande ampleur comme les glissements de terrain ou les éboulements.
A.-L. G. Sur le volet de la construction, nous observons également une recrudescence de sinistres sur tous les éléments rapportés en façade comme les brise-soleils ou les volets coulissants. Parmi les autres tendances à ne pas oublier : les PFAS, aussi appelées polluants éternels. Présentes un peu partout, dans les vêtements comme dans les emballages, ces substances ne se dégradent pas. Les dossiers commencent à se multiplier sur lesquels interviennent nos pôles d’experts en chimie, en environnement et problématiques sanitaires.
S. C. Nous sommes de plus en plus missionnés sur des problématiques politiques et géographiques. CPA Experts est appelé comme apporteur de solutions, même lorsque deux États ou deux collectivités s’opposent. Dans de telles situations, il faut faire preuve de beaucoup de discrétion, de patience et d’une grande capacité de dialogue pour se mettre au niveau de tous les interlocuteurs autour de la table. C’est un véritable exercice d’intelligence situationnelle.
P. L. C’est sans doute l’un des deux petits plus de CPA Experts. Nous sommes perçus comme des experts capables de solutionner les dossiers avant la dérive judiciaire. Quand nos clients nous mandatent, notre objectif est de maitriser le litige. Le second petit plus est un hommage à notre service qualité qui ne se contente pas de faire des statistiques. Nos équipes lisent les rapports, émettent des commentaires sur la stratégie du dossier, ses spécificités assurantielles et juridiques.