Avec ses 3200 collaborateurs, dont 950 experts, Stelliant est l’un des mastodontes de l’expertise d’assurance. Présent sur toute la chaîne assurantielle, le groupe fait du risk management l’axe de sa croissance d’ici 2028. Décryptage avec son ancien président Christophe Arrebolle.

 DECIDEURS. Quels événements majeurs ont marqué l’activité du groupe Stelliant en 2023 ?

Christophe Arrebolle. Sur le volet particulier, la sinistralité était plutôt en retrait au début de l’année. Sans être totalement corrélée, l’activité a redémarré à partir des émeutes de juin et juillet. Se sont ensuivis des épisodes climatiques majeurs dès l’automne avec de nombreuses tempêtes dans le Nord mais aussi en Bretagne. Sur une période de cinq mois seulement, plus de 25 000 dossiers ont été traités par les équipes de Stelliant Expertise. Le début de l’année 2024 s’inscrit dans cette même dynamique avec de nouvelles phases d’activité climatique. En témoigne la tempête Louis qui a traversé la France avec des rafales de vent estimées à 140 km/h, laissant derrière elles de nouvelles inondations.

Le second événement majeur, c’est le lancement de Stelliant Relation Client & TPA. Nous avons fait le choix de revenir plus haut dans la chaîne de valeur, jusqu’à la vente en l’occurrence. Nous mettons à disposition de nos clients plus de 600 spécialistes de la relation client, un chatbot et des outils d’intelligence artificielle comme le speech analytics. Autant de capacités qui nous permettent d’intervenir lors d’événements exceptionnels, comme les inondations de fin 2023 par exemple. Si cette activité peut paraître anecdotique par rapport à l’image que l’on se fait de l’expertise, elle est en passe de devenir l’un des poumons de notre activité, une marque à part entière pour faire face aux fluctuations d’activité. Cette place laissée à la relation client ne signe pas le glas de l’expertise pure. Plus l’automatisation sera partie intégrante de notre quotidien, plus les assurés et nos collaborateurs auront besoin d’un accompagnement spécifique.

Enfin, le troisième événement majeur est une bascule concrète du groupe vers un statut d’acteur complet de la gestion de crise avec ce que l’on nomme l’ingénierie opérationnelle. C’est l’aboutissement de ce que nous entreprenons depuis 2021 avec des acquisitions successives, toutes connexes et complémentaires de l’expertise, notre cœur de métier.

"Plus l’automatisation sera partie intégrante de notre quotidien, plus les assurés et nos collaborateurs auront besoin d’un accompagnement spécifique."

Vous faites de l’ingénierie opérationnelle le nouveau cœur de votre activité. De quoi s’agit-il ?

Prenons l’exemple d’un épisode de grêle d’une rare intensité qui s’est abattu sur l’agglomération de Vichy, dans l’Allier. Semblables à des balles de golf, les grêlons brisent des vitres, cabossent des voitures et éventrent le toit d’une usine du leader mondial de la cosmétique. L’ensemble de l’appareil de production est à l’arrêt. Les premiers chiffrages font état d’une centaine de millions d’euros de dommages. Face à un événement d’une telle intensité, nos équipes d’ingénierie vont travailler autour d’un redémarrage rapide de l’activité. Cela implique une sécurisation du site avec la mise en place de mesures conservatoires, de la décontamination et du désamiantage. Mais ce n’est pas tout. Notre objectif reste de minimiser la perte d’exploitation. Là réside l’intérêt de l’assuré et de son assureur. Trois mois plus tard, l’activité reprenait progressivement, avec des dizaines de millions d’euros d’économies à la clé.

Face à des risques difficiles à assurer, la prévention devient une véritable tendance de fond sur le marché du risque. En témoigne le développement des captives. Si nos interlocuteurs restent majoritairement les assureurs, nous travaillons désormais avec ces nouvelles structures. C’est le cas avec Michelin par exemple. Sur ces sujets, l’assureur agit alors comme un réassureur, laissant les sinistres de fréquence à la captive pour ne se concentrer que sur les dossiers à fort enjeu.

Selon vous, quels sont les nouveaux risques émergents ?

À défaut de risques naissants, on observe un phénomène d’amplification sur certaines typologies de sinistres. C’est le cas du cyber et des catastrophes naturelles. Sur la base du nombre de dossiers déposés par les communes et des arrêtés prononcés au Journal officiel 2022, 2023 était également une année très chargée en termes de sécheresse par exemple. Raison pour laquelle nous avons fait le choix de recruter et de former de jeunes collaborateurs aux spécificités techniques de ce type de sinistre complexe. La sécheresse implique des outils algorithmiques pointus pour affirmer ou infirmer les cas suspects.

Nous surveillons aussi de près les sujets liés aux problématiques de construction marqués par un nombre croissant de défaillances dans le secteur. Les carnets de commandes sont en baisse. Le prix des matières premières à la hausse, l’augmentation des taux d’intérêt et le resserrement des conditions d’octroi sont autant de variables dans une équation macro-économique et prudentielle de plus en plus complexe. C’est un problème systémique à l’échelle du secteur de la construction malgré les quelques garanties contractuelles existantes.

Un risque qui ne cesse de s’amplifier : le cyber. Après une accalmie au début du conflit russo-ukrainien, les attaques ont repris. Cependant, leur nature évolue. Les hackers ne se limitent plus aux ransomwares. Ils visent désormais une monétisation différente des données. Plus rapide, sans rapport de force ni négociation… Cela s’apparente simplement à du vol et du « recel » vers des tiers de leur écosystème. Et dans des organisations de plus en plus tendues, c’est l’ensemble de la chaîne de valeur qui est vulnérable. Notre option reste alors de minimiser le risque de pénétration sans se voiler la face : si un hacker veut entrer dans votre système d’information, il entrera. Les assureurs le savent dorénavant. Ce qui justifie ce mouvement de repli avec une réévaluation de leurs contrats après la première vague de litiges. Les conditions et les obligations de sécurité pour souscrire à un contrat d’assurance sont aujourd’hui très coercitives. Si les entreprises du CAC40 sont majoritairement couvertes, on estime à 6 % ou 7 % le nombre de PME et d’ETI efficacement assurées. C’est tout le paradoxe du cyber. Tout le monde connaît ce risque. C’est presque une évidence. Comment expliquer dès lors une si faible couverture chez les PME et les ETI ?

"Notre option reste alors de minimiser le risque de pénétration sans se voiler la face : si un hacker veut entrer dans votre système d’information, il entrera."

De la prévention à la réparation après sinistres, de l’assureur à l’assuré, vous êtes présent sur l’ensemble de la chaîne assurantielle. Quelle place laisser aux nouvelles technologies dans le groupe Stelliant en 2024 ?

À l’instar de l’intelligence artificielle dans le traitement des gros volumes de dossiers, j’aimerais illustrer une autre des applications potentielles de la technologie sur laquelle nous travaillons : les jumeaux numériques. C’est un outil de conceptualisation avec plus ou moins de granularité, capable de simuler un sinistre avec différentes parties prenantes. Prenons l’exemple d’un port traversé par une ligne ferroviaire dont l’un des flans est occupé par une usine. En plus de la modélisation, les jumeaux numériques nous permettent l’ajout d’inputs et d’outputs. Nous avons ainsi la possibilité de modéliser l’ensemble des maillons qui composent notre complexe industriel : arrivée de train, sortie de marchandises, mouvement de matériaux… Une fois cette simulation réalisée, nous pouvons reconstituer le sinistre et son origine. Nous créons des scénarios à des fins de conseil et de prévention sur une grande variété de sinistres industriels probables à l’avenir. C’est l’un des axes majeurs de développement du groupe Stelliant à horizon 2028.

NDLR : Christophe Arrebolle, président directeur général de Stelliant depuis plus de dix ans, a décidé de passer la main dans le cadre d’une transition progressive. Benjamin Bouffard est le nouveau président du groupe depuis le 10 juin 2024.

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