Acteur majeur du droit sur le continent Africain, Mayer Brown est particulièrement présent sur les questions minières, énergétiques et de financement de projets. Et qui plus est, avec des compétences de premier ordre en arbitrage. Les trois associés, Alban Dorin, Olivier Mélédo et Alejandro Lopez Ortiz font le bilan d’une année 2023 particulièrement active.

DÉCIDEURS. L’année 2023 vient de se terminer, quels ont été vos dossiers marquants ?

Alban Dorin. Cette année a été assez variée côté financements et nous sommes intervenus sur des opérations de financement particulièrement intéressantes car faisant intervenir de nombreux acteurs, qu’il s’agisse de fonds anglo-saxons, de banques panafricaines ou d’institutions de développement. Cette rencontre d’acteurs diversifiés tend à se généraliser et permet une meilleure allocation du risque et des profits entre les acteurs nationaux ou locaux, qui chacun apportent une vraie valeur ajoutée à l’opération. Nous sommes par exemple intervenus en fin d’année sur le financement syndiqué de 265 millions de dollars mis en place par Coris Bank et Sprott de la mine Kiaka pour West African Resources. D’une manière plus générale, la demande de matières premières (notamment de métaux et minerais critiques) nécessaires à la transition énergétique continue d’exploser et cela se traduit par une appétence au risque plus importante qu’auparavant. On constate ainsi que malgré les multiples instabilités politiques de l’année dernière, au Gabon ou au Niger par exemple, les projets sont rarement longtemps à l’arrêt et toutes les parties recherchent le retour au « business as usual ».

Olivier Mélédo. Tout comme l’an dernier, ce sont les dossiers d’énergie/infra qui m’ont le plus occupé, en particulier – transition énergétique oblige – les projets d’infrastructure autour des énergies renouvelables tels que certains grands projets d’hydrogène vert, qui atteignent à présent le stade de la finalisation de la phase de développement. Une véritable concurrence entre États semble être à présent lancée car tous ne pourront pas accueillir ces projets de la démesure qui se comptent en dizaines de milliards de dollars de Capex. Lorsque nous intervenons du côté des États, notre rôle est de leur donner tous les moyens de leurs ambitions avec ce que nous savons faire : prévoir un cadre attractif et sécurisant pour l’investissement privé et les futurs prêteurs ; tous en protégeant les intérêts légitimes de l’État hôte. C’est ainsi que nous assistons par exemple la Mauritanie dans la mise en place d’un Code de l’hydrogène vert, qui devrait être une première mondiale.

D’une manière plus générale, quelles sont les grandes tendances du moment ?

A. D. Les projets miniers, d’infrastructure et d’énergie restent bien évidemment au cœur des tendances avec une intervention accrue des États qui se sont véritablement emparés des sujets de maîtrise de leurs ressources naturelles et du développement de leurs infrastructures. On remarque aussi un certain désengagement des sociétés françaises (accentué par la défiance française dans certains pays d’Afrique) comme l’illustre la vente de certaines filiales de la Société Générale en Afrique. Et en parallèle, les acteurs panafricains prennent le relais. De leur côté, les États veulent plus que jamais sécuriser leurs chaînes d’approvisionnement dont on a bien vu ces dernières années que celles-ci sont plus critiques et fragiles que jamais.

''La demande de matières premières nécessaires à la transition énergétique continue d’exploser et cela se traduit par une appétence au risque plus importante qu’auparavant'' 

O. M. En même temps, vu les urgences sur tous les fronts de la course au « net zéro », l’argument du « risque pays » que l'on a longtemps associé au continent africain est en train de s’estomper sous la pression, notamment des stakeholders. Pour en revenir à l’hydrogène vert, prenons l’exemple d’une société mondiale et cotée du secteur de l’acier, traditionnellement émettrice de volumes considérables de CO2 : que vous lui proposiez aujourd’hui de réfléchir à localiser une partie de sa production dans des pays autrefois exclus de la stratégie d’entreprise au bénéfice de sources d’énergies abondantes et décarbonées, je vous garantis que les « boards » y réfléchissent à présent très sérieusement ! D’autres exemples tirés de dossiers en cours concernent le secteur des crédits carbone et de leur monétisation qui se structure à grande vitesse. De nombreux pays d’Afrique ont connu – et connaissent encore – des épisodes de déforestation massive pour les besoins de la filière bois : certains investisseurs que nous n’avions pas encore vus s’intéresser aux opportunités sur le continent regardent à présent de très près des projets de reforestation dits « Nature-based Solutions » qui, une fois arrivés à maturité, permettront de générer des certificats de séquestration de CO2 et, partant, de sécuriser des contrats d’achat long terme de crédits carbone : la charge financière des opérations de reforestation est ainsi indirectement portée par les grands émetteurs de carbone recherchant le « net zéro » et, au passage, les investisseurs collectent le TRI recherché et l’État hôte recouvre des forêts reboisées.

Alejandro Lopez Ortiz. Un peu à contre-courant de la vision optimiste d’Olivier, je dirais que l’Afrique reste un marché particulier. Les risques sont toujours très présents, qu’ils soient légaux, sociaux, économiques ou politiques. Et ces risques génèrent des conflits pour lesquels l’arbitrage est souvent le mode de résolution le plus adéquat. Et c’est là où nous intervenons de plus en plus, car le recours à l’arbitrage augmente fortement. Un autre point particulièrement intéressant a été l’arrivée au premier plan des clauses de force majeure. Avant 2020, il s’agissait d’un sujet quelque peu académique, que l’on abordait rarement.Avec la crise sanitaire ou encore la guerre en Ukraine, elles sont devenues plus concrètes et on tend à les utiliser de plus en plus souvent. La situation au Proche- Orient ne fait que renforcer ce point de vue : le monde est moins stable et la pratique du droit évolue en parallèle.

Quelles sont les tendances en matière d'arbitrage ?

A. L. O. L’arbitrage est de plus en plus utilisé en Afrique, et cela se ressent sur le volume et la proportion d’affaires. En 2011, parmi les dossiers administrés par la London Court of International Arbitration (LCIA), 4 % des parties provenaient du continent. En 2021, cette proportion s’élevait à 11 % ! Au sein de la CCI, en 2020, les parties africaines représentaient quant à elles près de 7 % des parties dans les nouvelles affaires. Si les institutions classiques comme la CCI ou la LCIA continuent de représenter le gros des dossiers, on remarque cependant une montée en force des institutions africaines d’arbitrage. Hormis Le Caire qui est déjà une place bien établie, d’autres places du continent telles que Lagos, Nairobi, Maurice ou encore Kigali se développent. De plus, il existe aussi quelques arbitres africains renommés et extrêmement compétents. D’autres institutions plus locales peuvent être, en revanche, un peu plus problématiques du fait de leur manque d’expérience. Il y a un réel besoin de former et de nourrir des talents locaux pour introduire plus de diversité dans le monde de l’arbitrage international.

''L’arbitrage est de plus en plus utilisé en Afrique, et cela se ressent sur le volume et la proportion d’affaires'' 

En parallèle, on remarque aussi un recours de plus en plus important au droit local – au lieu du droit anglais et français qui était plus souvent adopté –, en particulier dans des projets où l’État est impliqué. Cela peut poser des soucis car la jurisprudence locale est moins développée, en particulier sur les sujets les plus complexes. Par ailleurs, les décisions rendues dans le cadre d’arbitrages ne contribuent pas vraiment à faire progresser la jurisprudence locale, puisque celles-ci sont généralement confidentielles. Les pays de l’OHADA ont un avantage certain sur ce point.

Propos recueillis par François Arias

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