Proetic soufflera bientôt ses cinq ­bougies. Quelques mois avant son ­anniversaire, sa fondatrice, Sophie Musso, revient sur les évolutions du cabinet de conseil en compliance et les défis auxquels il doit faire face. L’occasion de raconter le développement de son activité bien en phase avec les enjeux actuels des entreprises. 

Décideurs. Vous accompagnez les acteurs économiques sur leurs problématiques de conformité, éthiques et celles ayant trait aux droits humains, quelles évolutions en la matière avez-vous constatées ces derniers mois ?

Sophie Musso. L’augmentation notoire des demandes de mission des entreprises sur les sujets touchant aux droits humains. La cartographie des risques fait en particulier partie des exercices de plus en plus mis en œuvre. Le pôle cartographie de Proetic, piloté par Pierre de Montera, continue de réaliser des cartographies des risques de corruption et a développé ces derniers temps une expertise de cartographie devoir de vigilance d’une part et droit humains d’autre part. Nous faisons le constat que c’est un outil qui s’impose dans les entreprises de manière de plus en plus systématique, et plus seulement au titre de la législation dite ­Sapin 2 sur la prévention de la corruption. C’est également le cas pour les audits. Ambre Steyer, associée du cabinet chargée du pôle audits et contrôles, ne traite plus seulement des audits anticorruption mais réalise aussi des audits sur les fournisseurs pour des clients soucieux de savoir comment travaillent leurs relations commerciales, en particulier au regard de leurs valeurs en matière de droits humains et d’environnement. Et pas seulement dans les grands groupes. Certaines entreprises de taille intermédiaire (ETI) non soumises au devoir de vigilance s’y mettent aussi.

Il n’en demeure pas moins que les deux tiers de l’activité de Proetic portent encore sur l’anticorruption, sur le dispositif Sapin 2. Nous accompagnons toujours de plus en plus de groupes à l’occasion d’un contrôle de l’Agence française anticorruption (AFA). Ils requièrent nos services pour accélérer le déploiement du programme pendant le contrôle. Nos consultants interviennent comme des project managers à l’appui de différentes entités et fonctions des entreprises – comptable et RH par exemple. Ils conseillent en interne, indiquent quels processus mettre en place. Ils les ­assistent ensuite dans l’exécution des contrôles et testent les process instaurés. Enfin, nous surveillons de très près la directive CRSD. Nous regardons avec une attention particulière les travaux sur les normes d’application de ce texte qui vont guider les entreprises pour définir les méthodes et les critères de reporting extrafinancier et qui vont conduire un grand nombre de nouvelles sociétés à devoir communiquer. Rappelons que cette directive a pour objectif d’harmoniser le reporting de durabilité des entreprises et d’améliorer la disponibilité et la qualité des données ESG publiées.

En répondant à ces nouveaux besoins, ­est-ce que vous devez rassembler de nouveaux moyens, ou recruter de nouveaux talents ?

De nouveaux profils spécialisés en droits humains nous ont rejoints et certaines collaboratrices, qui avaient une formation portant aussi sur ces problématiques, développent progressivement leur expertise. Proetic reste une petite structure, une boutique qui emploie des personnes ultraspécialisées. À l’origine, le juriste spécialisé en conformité était le profil type de Proetic. Aujourd’hui, le cabinet compte également des auditeurs, des communicants, des ­financiers. Des profils plus diversifiés en somme qui reflètent les enjeux et la gouvernance de nos clients sur ces sujets.

Quel bilan faites-vous de l’an passé ?

On s’autocongratule (rires). Plus sérieusement, notre fierté en 2022 c’est de voir que nos clients sont toujours là pour de nouvelles missions et que de nouveaux viennent nous solliciter. Nous bénéficions d’un taux de renouvellement de mission vraiment élevé, preuve que nos clients sont satisfaits. Nous les fidélisons. Nous nous attelons à leur présenter des services pour lesquels ils ne nous ont pas encore consultés. Il s’agira par exemple de leur proposer d’établir une cartographie des risques liés aux droits humains après avoir travaillé sur leur cartographie en matière de corruption. Nous sommes un cabinet de niche, nos clients n’ont pas toujours une vision précise de la pluralité des conseils que nous avons la capacité de leur fournir. Il faut réussir à trouver le temps pour leur présenter l’ensemble de nos domaines d’intervention, que ce soit en matière de vigilance ou encore d’investigations que nous avons développées depuis le début d’année avec le renfort de Sandra Laham, ancienne CCO de Carrefour, qui nous a apporté son expertise en la matière.

Comment le cabinet se démarque-t-il dans un marché de plus en plus concurrentiel ?

Les grands acteurs du marché étaient déjà là lors de notre création et le sont encore. Proetic leur fait souvent face souvent à l’occasion d’appels d’offres. La nouveauté du marché réside plutôt dans l’émergence d’une pléthore de consultants qui travaillent de manière solitaire. Ils ne représentent pas une concurrence féroce dans la mesure où ces acteurs sont limités quant au volume des missions qu’ils peuvent prendre en charge. Les cabinets de risk qui développent une activité en conformité pourraient davantage nous préoccuper. Ce phénomène n’existait pas il y a cinq ans, lorsque Proetic a été fondé. Le marché continue de se développer. Les acteurs économiques ont de plus en plus de pressions, venant de la réglementation, des autorités de contrôle, de leurs investisseurs et de la société civile pour progresser sur ces problématiques liées aux risques de conformité. Le challenge est de constituer le vivier de ressources permettant de garantir la qualité de nos services dans la durée.

Le devoir de vigilance nourrit-il des ­inquiétudes chez vos clients ?

Le devoir de vigilance demeure un sujet qui vise directement une minorité d’acteurs économiques, que sont les grands groupes. C’est pour eux un enjeu, plus ou moins fort selon le secteur, la culture et la maturité. Il exige dans tous les cas un renforcement des moyens. Pour encore trop d’acteurs soumis au plan de vigilance, ce dernier s’éloigne difficilement d’une approche générique à l’instar des mesures anticorruption à leurs débuts en France, il y a dix ans. L’adoption de la directive européenne relative au devoir de vigilance en matière de durabilité, qui prévoit l’instauration d’une autorité de contrôle, va inévitablement accélérer les actions initiées sur ce sujet. On peut discuter des modalités ; il n’en demeure pas moins que cela va dans un sens positif pour la société civile. C’est très exigeant pour nos clients qui ne sont pas toujours en mesure – ne serait-ce que financièrement – de se plier à toutes les obligations. Nous sommes toujours dans une démarche des petits pas. Sans formation, sans compréhension précise des enjeux et des modalités opérationnelles, l’appropriation du sujet prend du temps. En matière de conduite du changement, le savoir-faire de Pierre de Montera, associé de Proetic depuis 2021, est précieux.

Quel est le niveau de maturité de votre clientèle pour ce qui est des programmes de conformité ?

Le niveau de maturité ne s’aligne pas nécessairement sur la taille de la société, sa dimension internationale, ou le fait qu’elle soit cotée. On trouve parfois dans de très grandes entreprises un tout jeune diplômé aux manettes des problématiques de développement durable ou une personne seule pour gérer le déploiement du dispositif Sapin 2. Et parfois des filiales livrées à elles-mêmes pour traiter ces questions. Et inversement, des ETI très engagées sur ces sujets. Cela dépend toujours du niveau d’engagement de la ­direction générale.

Avez-vous constaté une augmentation du nombre d’alertes depuis la réforme de l’année dernière ?

Le nombre d’alertes et d’investigations conséquentes augmente. Ce phénomène ne dépend pas entièrement de la réforme Waserman. Les entreprises l’ont anticipée. Elles se sont mises à la page avant sa promulgation. On remarque que le mécanisme se professionnalise. Les entreprises se dotent de dispositifs d’alerte, de plus en plus souvent automatisés, et de méthodes d’investigation. Il y a eu beaucoup de progrès en la matière. Surtout dans les grands groupes. Les entreprises externalisent souvent ces tâches, dont les collaborateurs attendent un certain niveau de professionnalisation. Les enquêtes exigent de l’expertise, donc de la formation et de la méthodologie. Et de la maturité. Quant aux types d’alertes : toutes les études le montrent, ils recouvrent majoritairement des sujets interpersonnels comme le harcèlement et la discrimination. Pour le reste, et c’est encore aujourd’hui une petite partie, on trouve des problèmes d’intégrité, de corruption, de fraude… Le sujet des investigations et des enquêtes ne va faire que prendre de l’ampleur. Ce sont des situations qui touchent la société et dont on parle de plus en plus dans les médias généralistes.

Est-ce que Proetic a recours à l’intelligence artificielle pour réaliser ses missions ?

Nous testons actuellement certaines fonctionnalités de l’IA, notamment pour la rédaction de comptes rendus et l’établissement de cartographies. Nous restons toutefois convaincus qu’on aura toujours besoin d’une co-construction humaine. Nous travaillons sur des sujets sensibles. On ne peut pas encore se priver de l’œil humain. Mais il faut savoir saisir les opportunités et vivre avec son époque. C’est pourquoi nous testons l’IA pour du data mailing, ou de l’extraction de données.

 

Quelles sont vos perspectives?

Celles de continuer à être le meilleur acteur en matière de conformité pour la meilleure satisfaction de nos clients, qui est toujours notre premier objectif.

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