Le modèle économique du marché de l’assurance traditionnelle a connu un grand nombre d’évolutions ces dernières années. L’utilisation progressive des nouvelles technologies et des données personnelles par les assureurs a eu pour conséquence un changement radical du circuit de vente classique des produits d’assurance. Compte tenu d’un environnement de marché évolutif, et de la montée des exigences des assurés, l’assureur n’a guère le choix que de suivre la transformation de la société. C’est dans ce contexte d’innovation technologique que l’assurance embarquée émerge et attire l’attention de plus en plus ­d’acteurs du secteur, mouvement dans lequel doivent nécessairement s’inscrire les juristes.

Qu’est-ce que l’assurance embarquée ?
L’assurance embarquée (ou "embedded insurance") désigne un mode de distribution des produits d’assurance, intégré lors du processus de consommation d’un produit ou service.
Ce concept porté principalement par les insurtechs et les courtiers en ligne est une nouvelle façon de distribuer l’assurance.
L’intérêt est de permettre à un client de bénéficier d’une garantie d’assurance sur mesure adaptée au risque propre du produit ou du service qu’il achète.
La couverture assurantielle est intrinsèque au produit ou service.
Les déclinaisons sont nombreuses.
On peut penser à la location des véhicules en libre-service, où l’utilisateur bénéficiera automatiquement de garanties spécifiques dès la conclusion du contrat de location.
De même, lors de l’achat d’un bien de valeur, une couverture assurantielle sera incluse dans le contrat de vente.
C’est notamment déjà le cas pour certaines bagues de fiançailles proposées par le joaillier Courbet qui sont nativement assurées contre le vol caractérisé.
Une assurance cyber peut être attachée à une solution de protection du système informatique. Une prise en charge des produits phytosanitaires peut être proposée par l’assureur à la seule réserve que l’assurance soit embarquée au contrat de vente de la plante, etc.
L’assurance embarquée est personnalisée en ce qu’elle est adaptée au produit. Cette assurance s’adapte aux spécificités du bien ou du service.

 

"L’assurance embarquée permet d’étendre le champ de l’assurance traditionnelle avec des garanties très spécifiques tout en simplifiant l’acte de ­souscription"


Elle se veut et se doit d’être un service "transparent et simple à la souscription", mais également "transparent et simple à l’indemnisation" ainsi que le résume Franck Pivert, Chief Revenue Officer de Wakam, acteur français de premier plan sur ce type d’assurance.
L’assurance embarquée permet donc d’étendre le champ de l’assurance traditionnelle avec des garanties très spécifiques tout en simplifiant l’acte de souscription, aucune démarche spécifique autre que l’acte d’achat étant nécessaire pour être assuré.


Quelle distinction entre une assurance affinitaire et une assurance embarquée ?
L’assurance embarquée se veut être plus qu’un simple avatar technologique de l’assurance affinitaire.
À l’heure où la seconde fait l’objet, en raison de dérives de certains intermédiaires, de critiques, parfaitement résumées par le médiateur de l’assurance dans son rapport d’activité 2020, l’assurance embarquée mise sur la transparence.
L’assurance embarquée n’est plus optionnelle, mais intégrée dans le prix du bien ou du service et présentée comme une composante du produit.
Elle s’adapte ainsi à l’économie de l’usage, demeurant attachée à la chose ou la prestation à laquelle elle est incorporée.
L’assurance embarquée se démarque également des produits d’assurance affinitaire, ainsi que des produits d’assurance traditionnelle, en ce qu’elle offre une couverture très spécialisée plus simple, n’impliquant pas pour l’assuré de se plonger dans le détail de son contrat au moment du sinistre.


Un produit qui semble présenter des avantages tant pour les vendeurs, les assureurs et les assurés
L’assurance embarquée présente donc des avantages indéniables.
Il s’agit en théorie d’un produit simple à la souscription, transparent, adapté à la consommation à l’usage et intelligible pour le client.
Fabrice Pesin, directeur général assurances du courtier SPB, précise qu’il s’agit d’un produit permettant de "proposer à chaque client une offre d’assurance personnalisée qui correspond à ses besoins du moment par l’intermédiaire d’une expérience client ­consolidée".
Il illustre notamment son propos par l’exemple de la vente d’un téléphone :
"Au moment de la première mise en service de son smartphone, le consommateur verra s’afficher sur son écran une offre d’assurance ­personnalisée."
L’assurance embarquée promet a priori :
• à l’assureur d’offrir une plus grande gamme de produits assurantiels. Ce dernier va ainsi segmenter l’offre de produits ou services pour les assurés. Il pourra également assurer un plus grand nombre d’assurés. ­Également, de baisser ses coûts de distribution du produit et de simplifier les procédures d’indemnisation notamment par l’utilisation de la blockchain. Cela permet d’éviter à ses assurés une procédure d’indemnisation longue, contraignante et parfois source de conflit.
• À l’assuré de bénéficier d’une garantie lisible, davantage de sérénité au sujet de son indemnisation en cas de sinistre, et ce, quels que soient l’activité pratiquée (voyage, sport, etc.) ou le bien acheté (maison, chaussures).
• Au producteur/prestataire un argument commercial.


La réglementation actuelle permet-elle d’encadrer la vente de l’assurance embarquée ?
L’assurance embarquée, tout aussi intéressante qu’elle puisse être pour l’ensemble des acteurs, devra pour l’être réellement pour les futurs assurés rester conforme aux dispositions législatives réglementaires propres à l’assurance.
En premier lieu et évidemment en ce qui concerne la distribution.
Pour rappel, est qualifiée de distribution d’assurance l’activité consistant à fournir des recommandations, proposition, aide ou réalisation de tous travaux préparatoires à la conclusion d’un contrat ­d’assurance.
Les distributeurs de produits d’assurance sont soumis aux obligations imposées par la directive sur la distribution d’assurance, dont une obligation d’information et de conseil.
Concernant les vendeurs d’assurances
affinitaires, si l’assurance n’est pas leur activité principale, si les garanties proposées représentent un complément de bien ou service et si le montant de la prime annuelle ne dépasse un certain montant, alors ils ne sont pas soumis – contrairement aux courtiers – aux obligations de la Directive sur la Distribution d’Assurances (DDA).
Ils restent néanmoins soumis au respect des obligations d’information (communication du Document d’Information sur le Produit D’assurance [Dipa], fiche d’information et de conseil).
Il convient de rappeler que selon l’article L.222-6 du Code de la consommation, les informations contractuelles doivent être communiquées AVANT tout engagement du candidat à l’assurance, par écrit ou sur tout autre support durable.
S’agissant de l’assurance embarquée, les mêmes obligations se retrouveront. On peut donc s’interroger sur les obligations incombant au producteur du produit ou du service, en particulier lorsque ce dernier ne commercialise pas directement ses biens ou prestations.
De plus, comment s’assurer de l’exhaustivité et de la qualité de l’information au futur assuré, point capital pour éviter à l’assurance embarquée de tomber dans les mêmes écueils que l’assurance ­affinitaire ?
On peut évoquer le risque en termes de concurrence dans les hypothèses où l’assuré n’aurait pas de possibilité de choisir un autre assureur ou tout simplement la liberté contractuelle lorsqu’il n’a d’autre option que de souscrire une assurance entrant pourtant légalement dans le champ des assurances ­facultatives.
Intégrer une stratégie légale ou "legal thinking" (formation, conformité, cartographie des risques juridiques…) à l’assurance embarquée pourrait être un plus à la mise sur le marché, la distribution de ce type de nouveaux services.

POINTS CLÉS

  • L’assurance embarquée est une garantie intégrée au produit consommé.
  • Un produit assurantiel simplifié tant pour l’assureur que pour l’assuré.
  • Un produit qui bouscule le modèle de distribution d’assurance classique.

 

SUR LES AUTEURS
Guillaume Aksil
et Manuel Meneghini sont associés du cabinet Lincoln Avocats Conseil. Classé n°1 en droit des assurances au Palmarès du Droit 2022, le cabinet rassemble un haut niveau de compétences dans le contentieux assurantiel. Il a une excellente connaissance des nouvelles technologies et ses avocats suivent de près comment ces dernières impactent le secteur de l’assurance.

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