Attentes des profils stars, montée du contentieux, du droit social et du restructuring, resserrement des équipes… Pour les cabinets d’avocats, le recrutement et la rétention des talents restent des sujets centraux. Le point sur l’année 2022 et les perspectives de 2023 avec Roland Dana, associé fondateur du cabinet DHC, dédié aux recrutements d’avocats et mouvements d’équipes.


Décideurs. Décideurs Juridiques a publié récemment l’édition 2022 de l’Élite, un dossier consacré aux 30 avocats d’affaires de 45 ans et plus, reconnus comme étant incontournables dans leurs secteurs. Comment est le marché pour ces profils ? Quelles sont leurs attentes ?

Roland Dana. Ces avocats attendent de sécuriser leurs acquis et de pouvoir gravir une marche supplémentaire. Ils choisissent leur cabinet pour la force de son réseau, la stabilité de sa marque et sa stabilité financière. Par affinité personnelle aussi, car un changement de cabinet est surtout une histoire humaine. À ces avocats de haut vol, il faut proposer des aventures. Mais dans l’ensemble, ils restent fidèles à leurs structures quand ils s’y sont épanouis.

Quel bilan tirez-vous de l’année 2022, en matière de recrutements d’associés ?

L’année qui vient de s’achever a été une année très dynamique. Le jeu des chaises musicales ne s’est pas trouvé tellement touché par la conjoncture (guerre en Ukraine, remontée des taux, etc.), car le modèle économique des cabinets vise par nature la croissance. 

Une tendance commence à se dessiner : celle de l’approche sectorielle. Les associés qui maîtrisent un secteur en particulier (transports, industrie, énergie, etc.) intéressent. C’est, en revanche, difficile à mettre en œuvre en pratique car les associés déjà présents ayant une approche par spécialité peuvent craindre une concurrence sur leurs dossiers. L’autre constat que l’on peut faire, c’est que les recrutements se font plus rapidement qu’avant. Certains se finalisent en trois ou quatre mois, là où il fallait attendre le triple avant. Les cabinets savent que le marché s’est tendu et que la concurrence entre les acteurs a augmenté.

Plus généralement, on observe une tendance « toutes catégories confondues » à aller chercher des associés avec un chiffre d’affaires moins important qu’il y a quelques années, car le curseur se place désormais aussi sur d’autres paramètres : la complémentarité des pratiques et la création de nouveaux départements par exemple. Le chiffre d’affaires reste étudié, bien sûr, mais le curseur est davantage mis sur l’étude de la profitabilité de l’équipe intégrée au cabinet plus que sur le chiffre d’affaires portable stricto sensu.

 

"Les recrutements d’associés se font plus rapidement qu’avant. Certains peuvent aujourd’hui être finalisés en deux ou trois mois"

 

Comment l’expliquer ?

La pression mise sur les associés s’est accrue, du fait entre autres des fortes revalorisations des rétrocessions de leurs collaborateurs. On attend d’eux qu’ils maintiennent un niveau de profitabilité important dans un contexte de plus en plus concurrentiel et face à des clients, notamment des directions juridiques toujours plus expertes et regardantes sur les honoraires. Certaines structures, essentiellement anglo-saxonnes, choisissent de resserrer les équipes pour ne garder que les avocats les plus rentables. Une tendance qui peut profiter au reste des acteurs du marché, plus petits, lesquels peuvent désormais avoir accès à des profils de collaborateurs qu’ils n’auraient pas pu attirer avant.

Que s’est-il passé en 2022 pour les collaborateurs, justement ?

Pour les collaborateurs, les six premiers mois ont été très actifs et l’activité particulièrement soutenue. La cadence s’est un peu tassée dans la seconde partie de l’année, devenant pénurique du côté des candidats, du fait certainement des incertitudes liées au contexte international favorisant un certain attentisme, mais également parce que les cabinets ont soigné leurs politiques de rétention. Conscients des difficultés à recruter, les associés ont souvent « surprotégé » leurs équipes : grandes flexibilités dans l’organisation, mentoring plus poussé, fortes augmentations des rétrocessions et versement de bonus plus généreux – même si à compter de 2023, on s’attend à un rééquilibrage des rétrocessions.

 

"La pression mise sur les associés s’est accrue, du fait entre autres des fortes revalorisations des rétrocessions de leurs collaborateurs"

 

La volonté des cabinets de retenir leurs talents entraînera-t-elle des ­nominations d’associés plus jeunes ? Globalement, qu’attendre de 2023 ?

Oui, il y a une tendance des cabinets à promouvoir plus tôt, à donner des chances à des counsels en interne ou en latéral. Le marché est bien plus ouvert aux jeunes associés, même chez les cabinets réputés très exigeants. Il devrait d’ailleurs y avoir de grandes vagues de nominations d’associés, mais pas dans toutes les pratiques. L’an dernier, certaines matières ont été très sollicitées – le transactionnel et le corporate, notamment. L’accalmie observée en private equity et sur le transactionnel large cap devrait se confirmer. Un ralentissement des investissements immobiliers semble aussi prévisible. 2023 sera l’année du grand retour du contentieux et du restructuring. D’autres matières, comme le droit public, les risques industriels et l’environnement vont certainement s’affirmer. Les cabinets joueront sur la pluridisciplinarité de leurs équipes.

 

"Les cabinets joueront sur la pluridisciplinarité de leurs équipes"

 

Peut-on s’attendre à observer de nouvelles implantations de cabinets étrangers en France ?

C’est fort possible. Du côté des cabinets américains, c’est le chassé-croisé. Certains ferments leurs bureaux français, d’autres se disent que c’est le moment de s’implanter pour développer leur profitabilité et faire face à la baisse amorcée du private equity aux États-Unis. On peut s’attendre à de belles arrivées à compter du deuxième trimestre… via des équipes M&A et/ou white collar crime-litigation… À noter néanmoins : il y a eu et il y aura toujours un travail de sensibilisation à faire auprès de ces structures américaines, pour leur permettre de comprendre que le marché français n’est pas et ne sera jamais équivalent au marché américain concernant les ratios de facturations et de rentabilité…

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