Capables d’accompagner des géants de l’économie contemporaine comme Google, Iliad, Canal+ ou Total, les avocats du cabinet Fréget Glaser & Associés s’imposent comme des références en matière de droit de la concurrence et du contentieux économique. S’ils conseillent et représentent leurs clients dans le cadre de procédures devant l’Autorité de la concurrence et les autorités de régulation sectorielle, ils interviennent également – de manière aussi bien complémentaire qu’autonome – devant les juridictions commerciales et administratives pour accompagner les entreprises dans leurs contentieux stratégiques. Entretien.

Décideurs Juridiques. Le cabinet a été fondé en 2014 par Olivier Fréget. Il a vu ses rangs se renforcer avec l’arrivée d’Emmanuel Glaser et de son équipe en 2021. Quel bilan dressez-vous aujourd’hui ?
Liliana Eskenazi. Nous pouvons noter une certaine continuité et un développement soutenu sur un double plan. Déjà, pour ce qui est des effectifs qui ont plus que triplé. Nous sommes, en effet, passés d’une équipe de quatre à une quinzaine avocats en l’espace de neuf ans, avec une croissance organique très forte qui a vu plusieurs promotions en interne. La dernière en date – l’association d’Antoine Labaeye au 1er janvier de cette année – vient illustrer cette tendance, puisqu’Antoine faisait partie des jeunes avocats ayant rejoint le cabinet à sa fondation en 2014, ayant prêté serment cette même année. L’arrivée en 2021 d’Emmanuel Glaser et Sandrine Perrotet avec leur équipe – dont la réputation en droit public n’est plus à faire – a été également une étape importante qui nous a permis d’étendre notre expertise et notre domaine d’intervention, développant davantage nos synergies. Si, au départ, nous avons pu être perçus comme un cabinet de niche en droit de la concurrence, notre expertise couvre aujourd’hui l’ensemble du droit économique, le cabinet devenant incontournable sur les contentieux stratégiques à forts enjeux. Nos clients viennent en effet nous chercher non seulement pour nos compétences techniques, mais aussi et surtout pour notre vision stratégique et les solutions juridiques et judiciaires que nous pouvons leur proposer au plus près de leurs préoccupations business.

Quel est votre principal domaine de compétences ?
Antoine Labaeye.
Nous intervenons principalement dans les secteurs de l’énergie, de la pharmacie, des télécommunications, des médias, des transports et du numérique. Ces secteurs ont, ces dix dernières années, donné lieu à de litiges très importants sur le terrain du droit économique. Nous avons été impliqués dans un nombre conséquent de ces litiges emblématiques et très techniques. Nos clients nous sollicitent avant tout parce qu’ils ont une problématique économique. Nous faisons en sorte d’analyser cette problématique, le cas échéant d’évaluer les risques, et surtout de leur apporter une réelle solution juridique. Cette solution peut prendre une forme contentieuse car c’est un outil souvent nécessaire pour faire bouger les lignes. En réalité, la plupart des entreprises pour lesquelles nous intervenons sont des clients réguliers. Ils nous interrogent également lorsqu’ils développent un nouveau produit ou une nouvelle offre et souhaitent pénétrer un marché.
L. E. Le conseil et le contentieux se nourrissent l’un de l’autre. Nos clients peuvent nous solliciter pour développer une stratégie contentieuse. Ils peuvent aussi faire appel à nous pour un conseil dans l’optique d’éviter un contentieux. Il s’agit alors d’intervenir en amont d’une crise pour la prévenir ou la désamorcer.

Vous représentez des sociétés françaises mais aussi des acteurs étrangers, principalement américains… Dans quel type ­d’affaires ?
L. E.
Une importante frange de notre clientèle est effectivement internationale, des acteurs américains mais aussi européens. Que ce soit dans le secteur des sciences de la vie ou du numérique, sur des sujets contentieux, comme de conseil. Nous avons par exemple été le co-conseil d’une grande entreprise du numérique dans le cadre de la procédure mise en œuvre par l’Autorité de la concurrence dans le secteur de la publicité en ligne. Nous avons œuvré pour obtenir une transaction, procédure négociée avec l’Autorité aboutissant à un montant d’amende réduit, qui avait en plus la particularité, dans ce cas précis, de combiner la mise en place d’un ensemble d’engagements très substantiels pris par l’entreprise pour modifier son comportement. Une première pour l’Autorité de la concurrence, ce qui a permis d’avoir une visibilité sur la manière la plus appropriée de se conformer aux règles de concurrence dans un domaine fort complexe et d’une extrême technicité. Il s’agit là d’un ­véritable précédent.

"Plus les autorités de concurrence vont choisir leurs cas "en opportunité", plus les actions judiciaires deviendront un outil indispensable pour permettre aux entreprises, dans les domaines « non prioritaires », de faire valoir leurs droits"


Vous intervenez régulièrement devant les autorités de concurrence et de régulation. Comment se comportent-elles lors d’une situation de crise (Covid 19, guerre en Ukraine…) ?
L. E
. Elles sont, de façon générale, sensibles aux événements qui bousculent la vie économique des entreprises. Elles ont fait preuve de flexibilité et de disponibilité pour aider ces dernières – notamment sur le terrain des aides d’État – tout en continuant de marteler (à juste titre) la nécessité de respecter les règles de concurrence, même en situation de crise. Nos clients ont eu la possibilité de discuter avec les autorités de concurrence dans ces circonstances spécifiques. Dans ces moments-là, nous sommes à leurs côtés pour les aider à obtenir les orientations nécessaires à une sécurité juridique optimale. Nous les aidons à trouver une ligne directrice afin d’affronter la crise tout en restant en conformité avec les règles qui continuent à s’appliquer.
A. L. On remarque que, particulièrement en situation de crise, l’Autorité de la concurrence affiche très clairement les secteurs dans lesquels elle souhaite intervenir. C’est une prérogative d’ordre politique qu’elle s’est attribuée sans que cela ne suscite de débat. Elle indique ainsi quelles sont ses priorités, ses cibles. Ces derniers temps, elle s’est particulièrement focalisée sur les acteurs du numérique se mettant ainsi dans le sillage de la Commission européenne.

Que pensez-vous de la position du nouveau président de l’Autorité de la concurrence, Benoît Cœuré, qui souhaite tendre vers moins de régulation et plus de sanctions ?
L. E.
On note en effet une vraie inflexion dans le discours de l’Autorité de la concurrence qui affiche sa volonté de ne plus être perçue comme un régulateur mais de revenir à son rôle de gendarme de la concurrence. Ces dernières années, plus les secteurs étaient techniquement complexes et innovants, plus l’autorité avait tendance à imposer des injonctions qui s’apparentaient, sous couvert d’application du droit de la concurrence, à de la quasi-régulation. Pour autant, comment concilier cette nouvelle approche avec le souhait toujours affiché par l’Autorité de concurrence de participer activement à la mise en œuvre du DMA (Digital Markets Act) ? Ce règlement européen vise en effet à interdire certaines des pratiques des acteurs des plateformes digitales dites « structurantes » en les réputant a priori comme étant nécessairement « déloyales ». Ce sont très clairement des mesures de régulation ex ante, peu compatibles avec un rôle de gendarme de la concurrence dans ce secteur. Il y a toujours, en somme, un décalage entre le rôle de gendarme que les autorités de concurrence affichent et les pouvoirs qu’elles revendiquent qui eux relèvent de la régulation. Il leur faut à notre sens choisir : soit réglementer, soit sanctionner la violation ex post – pas les deux à la fois dans la même institution.

"Permettre la concurrence, c’est favoriser la compétition économique dans l’intérêt final du consommateur. La concurrence est la solution pour relever des défis importants que ce soit dans le secteur énergétique, pharmaceutique ou autre"

L’Autorité de la concurrence a infligé 1,8 milliard d’euros d’amendes en 2020. Puis 873,7 millions d’euros en 2021. À quoi peut-on s’attendre pour 2023 ?
L. E.
Il ne peut y avoir d’automatisme dans le niveau des sanctions d’année en année. L’Autorité de la concurrence est dans son rôle lorsqu’elle applique des sanctions élevées et donc dissuasives aux comportements anticoncurrentiels dès lors qu’elle a pu établir sur la base d’une règle et de standards éprouvés que le droit de la concurrence a bien été violé. Ceci exige cependant de la cour d’appel de Paris et la Cour de cassation qu’elles exercent un contrôle juridique minutieux sur les décisions rendues. Les a-t-on dotées des moyens nécessaires à cette fin ? Cela étant, le niveau global de sanction va sans doute continuer de croître dans le sillage de la législation européenne qui a récemment renforcé les outils à disposition des autorités nationales de concurrence. Il faudra cependant être attentif à la manière dont ces autorités vont utiliser leur capacité à décider en opportunité de leurs priorités et quelles pratiques elles veulent poursuivre, au détriment d’autres qu’elles vont considérer comme « moins prioritaires ». Plus les autorités de concurrence vont choisir leurs cas, plus les actions judiciaires deviendront un outil indispensable pour permettre aux entreprises, dans les domaines « non prioritaires », de faire valoir leurs droits. Le risque est cependant bien évidemment qu’en se méprenant dans ces choix de priorité, dans les secteurs délaissés, des pratiques anticoncurrentielles puissent se développer.

Quel rôle joue, de son côté, le tribunal de commerce de Paris en matière de droit de la concurrence ?
A. L.
Il faut bien comprendre que, en cas de conflit sur le terrain du droit de la concurrence, on a certes la possibilité de saisir l’Autorité de la concurrence ou, dans certaines circonstances l’autorité de régulation propre au secteur concerné, mais aussi le tribunal de commerce. Celui de Paris joue un rôle de plus en plus prépondérant puisqu’il peut, comme une autorité, prononcer des injonctions mais également réparer les préjudices, ce que les autorités de régulation ou de concurrence ne peuvent pas. On note un réel effort de la part de la juridiction parisienne sur les dossiers de concurrence. Les juges sont de plus en plus formés à la discipline et accordent à ces dossiers l’attention qu’ils méritent avec une grande écoute et une attention particulière au respect du contradictoire. Ils donnent une place prépondérante aux débats et auditionnent désormais un grand nombre d’experts notamment économiques. Ceci explique que de plus en plus de litiges sont portés, non devant l’Autorité de la concurrence, mais devant le tribunal de commerce. Pendant longtemps, la possibilité pour les services d’instruction de l’autorité de la concurrence d’exiger que les éléments de preuve lui soient fournis constituait un avantage pour un saisissant, qui n’avait, en théorie, qu’à fournir celles nécessaires à l’appréciation de la recevabilité de sa saisine. La grande variabilité dans l’appréciation par l’autorité de ce qui est nécessaire au stade de la recevabilité, en réalité selon que l’affaire intéresse ou pas les services d’instruction, relativise cet avantage. Réciproquement, le juge commercial nous apparaît avoir changé d’attitude et accueille les demandes de communications forcées de pièces avec plus de prise en considération, accepte assez volontiers la mise en place de cercle de confidentialité.

Propos recueillis par Capucine Coquand

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