En ce mois de septembre, le parquet a conclu une nouvelle CJIP avec la Danske Bank. Celle-ci s’évite les poursuites judiciaires pour des faits de blanchiments identifiés par des enquêtes lancées dès 2014. La compagnie danoise versera en contrepartie 6 millions d’euros au Trésor public.

Six millions, c’est le montant de la dernière Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) validé par les juges de Paris le 18 septembre dernier. Négocié entre la Banske Bank et le procureur de la République financier Jean-François Bohnert, au mois d’août, l’accord met fin en France aux poursuites pour recel d’escroquerie et de blanchiment qui planaient sur la banque danoise. La CJIP validée le 19 septembre 2024 règle une affaire dans l’affaire, une des ramifications de l’un de plus gros scandale bancaire d’Europe révélé par le quotidien Berlingske en 2017. La filiale estonienne de la plus grande banque danoise aurait vu transiter entre 2007 et 2015 environ 200 milliards d’euros – et souvent de l’argent sale – à travers les comptes de 15 000 clients étrangers non résidents en Estonie. La CJIP prévoit en plus de l’amende de 6 millions, une indemnisation au profit de la France à hauteur de 300 000 euros.

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La banque danoise avait été mise en examen pour blanchiment de fraude fiscale en bande organisée le 7 février 2019. Les enquêteurs avaient établi qu’elle avait apporté son concours, entre 2007 et 2014, à de multiples placements, dissimulations et conversions de produit de délits, grâce à des comptes de passage fictifs destinés à recevoir de l’argent sale. En bref, les autorités reprochaient à la banque bon nombre d’opérations menées par de multiples agents et qui ne visaient qu’à masquer la destination des fonds détournés et pour en faire bénéficier les destinataires à l’étranger, après leur blanchiment dans des circuits opaques.

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Attitude passive et complaisante

Au centre de l’affaire couverte par la CJIP : la patronne de Decobat, une entreprise française d’import-export de produits de décoration qui vendait notamment en Russie. Cette dame avait ouvert deux comptes dans les livres de la succursale estonienne de la Danske Bank, par lesquels elle faisait transiter des sommes d’argent obtenues par fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale, en direction d’autres comptes luxembourgeois. Le tribunal judiciaire avait condamné la dirigeante de Decobat en janvier 2024 dans le cadre d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. L’enquête française ouverte en 2015 a montré que l’inefficacité des procédures de contrôle interne de la banque de Copenhague n’avait pas pris en compte des alertes des autorités de finance danoise et estonienne, elles-mêmes averties par la banque centrale russe. La CJIP indique que par son attitude passive et complaisante, la succursale estonienne de la Danske Bank a permis, entre 2010 et 2014, le transfert occulte de plus de 3 millions d’euros par la femme à la tête de Decobat sur des comptes offshores dont elle était bénéficiaire effectif et qu’elle n’avait pas déclaré au fisc français. Au cours des investigations, les autorités ont découvert que la succursale estonienne permettait d’ouvrir des comptes à des non-résidents estoniens, à distance, sans envoyer les documents habituellement requis et après une vérification a minima de l’identité du client, et qu’elle autorisait les intermédiaires financiers comme les sociétés de transfert de fonds non réglementés et extérieurs à l’Estonie.

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Dans le cadre de ce scandale bancaire tentaculaire, la Danske Banke a mis la main au porte-monnaie à plusieurs reprises pour racheter ses fautes. Le National Special Crime Unit danois l’a condamnée en décembre 2022 au paiement d’une amende d’un montant de 3 500 millions de couronnes danoises. Le même mois, la banque a passé un plea agreement avec le DoJ américain dans lequel elle a plaidé coupable d’avoir conspiré en vue de commettre une fraude bancaire d’un montant de 160 milliards de dollars. Et aux termes duquel elle s’est engagée à verser 2 milliards de dollars aux États-Unis. Elle a également conclu un accord avec la U.S. Securities and Exchange Commission (l'organisme fédéral américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers) à hauteur de 178,6 millions de dollars. En 2018, L'agence nationale contre le crime (NCA) britannique avait à son tour lancé une enquête sur des sociétés enregistrées au Royaume-Uni susceptibles d'être impliquées dans le scandale de blanchiment qui éclabousse la Danske Bank.

Amla

Cette histoire avait mis à l’épreuve l'Autorité bancaire européenne critiquée en 2019 pour avoir clos trop tôt son enquête sur la banque danoise. Le vice-président de la Commission européenne, Valdis Dombrovski, avait trouvé cela décevant que l’ABE n’agisse pas dans un des plus grands scandales de blanchiment d'argent en Europe. La plupart des commentaires de l’époque partageaient l’avis selon lequel les États membres ne souhaitaient pas être contrôlés par une autorité européenne indépendante. Le scandale de la banque danoise compte parmi les affaires de ces dernières années qui ont contribué à la création de l’Amla, l’autorité européenne de lutte contre le blanchiment d’argent (LCB-FT), pièce maîtresse de la réforme de la réglementation européenne de lutte contre le blanchiment d'argent, qui assurera dès 2025 le respect des normes financières européennes.

Anne-Laure Blouin

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