Mardi 3 septembre s’ouvrait en Allemagne le procès de Martin Winterkorn, l’ancien PDG de Volkswagen, dans l’affaire dite du dieselgate. L’ancien patron du premier constructeur automobile allemand est jugé pour son implication dans le trucage de plusieurs millions de moteurs de véhicule entre 2006 et 2015.

 C’est une saga sans fin. Un nouveau volet du dieselgate s’est ouvert mardi 3 septembre au tribunal régional de Brunswick en Allemagne. L’ancien président du directoire de Volkswagen est jugé pour “fraude en bande organisée”. Selon l’accusation, Martin Winterkorn aurait autorisé, lorsqu’il était à la tête du constructeur automobile, la vente de plusieurs millions de véhicules dotés d’un logiciel truqué permettant de passer sous les radars des tests antipollution.

Scandale dieselgate

L’affaire commence en 2014, lorsque l’International Council for Clean Transportation (ICCT), une organisation non gouvernementale américaine, s’intéresse aux émissions des voitures diesel. Après avoir découvert sur certains véhicules – la Jetta et la Passat – des taux anormalement hauts d'oxyde d'azote, jusqu’à 35 fois supérieurs aux normes, l’ONG alerte l’agence de l’environnement américaine (EPA) qui se saisit de l’affaire et découvre le pot aux roses : les véhicules sont équipés d’un logiciel illégal programmé pour contourner les contrôles des émissions d’oxyde d’azote. Le 20 septembre 2015, Martin Winterkorn, PDG de la société automobile, avoue la fraude et abandonne son fauteuil de président du directoire quelques jours plus tard. Courant 2017, Volkswagen signe des accords avec la justice américaine et s’engage à verser plus de 25 milliards de dollars pour racheter ses fautes. En décembre de cette même année, le tribunal fédéral de Détroit condamne Oliver Schmidt, directeur du bureau chargé du respect des règles environnementales dans le Michigan entre 2013 et 2015, à sept ans de prison et à 400 000 dollars d’amende, soit la peine maximale. Il a été reconnu coupable de conspiration pour fraude et infraction à la loi sur la protection de l’air.

Fraude en bande organisée, faux témoignage et manipulation de marché

Fixé à l’origine en 2021, le procès pénal de Martin Winterkorn, 76 ans, a été plusieurs fois reporté en raison de son état de santé.  À l’audience du 3 septembre, le doute subsiste quant à la capacité du septuagénaire à supporter les 89 audiences programmées d’ici septembre 2025 pour déterminer sa culpabilité dans le plus grand scandale industriel automobile de ces dernières décennies.

Au-delà de la fraude elle-même, la justice allemande reproche à Martin Winterkorn d’avoir menti devant une commission parlementaire en 2017 en attestant n’avoir eu connaissance de la fraude qu’en septembre 2015, date à laquelle le groupe avait donné mission au cabinet d’avocats Jones Day de mener l’enquête interne sur les origines du dieselgate. Une affirmation que réfute l’accusation, qui estime que le président du groupe avait eu vent de la combine bien plus tôt. Autre fait reproché : la communication tardive de la fraude (le 22 septembre 2015) aux investisseurs du groupe en dépit de son incidence significative sur la valeur boursière de Volkswagen. Certains d’entre eux grincèrent des dents deux ans plus tard à l’issue des investigations internes de Jones Day lorsque le constructeur a restreint sa communication sur l’affaire à la diffusion des faits décrits dans l’accord passé avec la justice américaine. “Que les résultats de l’enquête soient encore sous clé laisse penser qu’ils ne plaisent pas à Volkswagen”, avait réagi un fonds d’investissement actionnaire. Pour d’autres, la référence au “Statement of Facts” du ministère de la Justice américain est quasiment insultante.

Le procès de Martin Winterkorn semble donc se résumer à une question : depuis quand avait-il connaissance de la fraude massive orchestrée par le groupe ?

30 milliards pour Volkswagen, 1,1 million pour l’ancien PDG d’Audi

À ce jour, le trucage des moteurs a coûté à l’entreprise Volkswagen – qui a déclaré “[ne pas être] impliquée dans [ce] procès” – plus de 30 milliards d’euros, entre les dédommagements, les frais de justice et les remboursements. Le premier dirigeant du groupe à tomber sous le coup de la justice se nomme Rupert Stadler, ancien président du conseil d’administration d’Audi. Les juges allemands l’avaient condamné en juin 2023 au règlement d’une amende de 1,1 million d’euros et à une peine de prison avec sursis. À ses côtés, Wolfgang Hatz, un ancien directeur chez Audi et Porsche, et Giovanni Pamio, son bras droit chez Audi, ont également écopé de peines financières. Les deux cadres avaient admis avoir manipulé des moteurs de véhicule pour maintenir les valeurs de gaz d’échappement sous le seuil de la légalité le temps des essais.

Martin Winterkorn a quant à lui déjà déboursé 11,2 millions d’euros à titre de dommages et intérêts dans le cadre d’un accord amiable avec son ex-employeur. Au pénal, il risque jusqu’à dix ans de prison. Un autre géant de l’industrie a fait les frais de cette affaire tentaculaire. Continental, le second équipementier automobile mondial, avait annoncé le 25 avril 2024 avoir négocié avec les autorités judiciaires allemandes le versement de 100 millions d’euros d’amende pour mettre fin à des poursuites le visant dans le cadre du scandale Volkswagen.

Actions collectives en France, la suite ?

Dix millions de moteurs de véhicule truqués et plusieurs centaines de millions d’euros de dommages : de quoi inciter les consommateurs lésés à réclamer leur part du gâteau. Aux États-Unis, des class actions ont porté leurs fruits : Volkswagen a versé aux victimes de la tromperie 9,5 milliards d’euros selon l’autorité fédérale américaine des consommateurs. Toujours selon la Federal Trade Commission, il s’agit du “plus important programme de remboursement de consommateurs de l'histoire des États-Unis". En 2021, sur le Vieux Continent, 260 000 consommateurs allemands lésés ont obtenu de la société automobile un dédomagement de près de 830 millions d'euros. Outre manche, les anglosaxons ont quant-à-eux reçu 226 millions d'euros d'indemnisation pour un total de 91 000 véhicules truqués sur le territoire britannique. 

La France fait figure d’exception : depuis 2017, des entreprises propriétaires ou locataires de voitures truquées s’unissent contre le géant de l’automobile allemand afin d’obtenir réparation, sans succès. “Avec plus de 3,5 millions de voitures affectées en France, nous ne pouvons pas être le seul pays dans lequel aucune réparation n'est octroyée aux propriétaires de véhicules défectueux”, expliquait en 2023 Marc Barennes, alors avocat et associé fondateur de bureau Brandeis Paris, désormais associé chez Geradin Partners. Selon François Carlier, délégué général de l’association de défense des consommateurs CLCV France, ce sont environ 800 000 personnes qui sont théoriquement concernées par le dieselgate dans l’Hexagone. En 2022, la cour d’appel de Paris avait confirmé la mise en examen pour tromperie aggravée du groupe automobile Volkswagen décidée à l’issue de l’enquête française. Celle-ci avait démarré le 19 février 2016 et visait également Renault, PSA et Fiat-Chrysler. Volkswagen contestait de son côté le bien-fondé des accusations de tromperie aggravée dont elle était l'objet en France et déclarait que “les consommateurs français n'[avaient] subi aucun préjudice indemnisable en rapport avec l'achat d'un véhicule VW”. 

Au premier jour de son procès, l’avocat de Martin Winterkorn déclare que son client rejette toutes les accusations portées contre lui.

Ilona Petit 

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