Le 11 janvier 2024, l’Autorité de la concurrence a sanctionné une dizaine d’entreprises et quatre organismes professionnels pour un montant total des amendes de près de 20 millions d’euros. Au cœur de l’affaire : le Bisphénol A et une entente privant les consommateurs d’information.

Infertilité, obésité, diabète, cancers… La science associe ces maux du XXIe siècle au Bisphénol A (BPA), utilisé depuis des années dans la production de contenants alimentaires. C’est dans une affaire d’entente qui concerne ce composé chimique que l’Autorité de concurrence a prononcé le 11 janvier 2024 des sanctions qui, cumulées, atteignent quelque 20 millions d’euros (19 553 400 euros). Trois organismes professionnels de conserveurs –  la Fédération nationale des industries d'aliments conservés (FIAC), l’Association des entreprises de produits alimentaires élaborés (l’Adepale) et l’Association nationale des industries alimentaires (Ania) –   et un syndicat – le syndicat national des fabricants de boîtes, emballages et bouchages métalliques (SNFBM) – devront régler cette lourde amende. Onze entreprises parmi lesquelles des noms bien connus du grand public, Andros, Bonduelle, Charles et Alice, D’Aucy, General Mills ou Unilever, sont également sanctionnés par le gendarme de la concurrence.

Composé interdit depuis 2015

Le BPA fait partie de la charmante famille des perturbateurs endocriniens. Il a été ajouté en juin 2017 par l’Agence européenne des produits chimiques sur la liste des substances “extrêmement préoccupantes”, sous l’impulsion de Ségolène Royal, alors ministre de l’Environnement. La France – premier pays européen à se saisir de la question – avait déjà suspendu son utilisation pour la fabrication des contenants alimentaires à compter du 1er janvier 2015, par une loi de 2012. Les faits sanctionnés par l’ADLC remontent à la période entre octobre 2010 et juillet 2015, et en particulier à la phase transitoire durant laquelle les boîtes avec BPA étaient encore tolérées et celles sans entraient sur le marché. 

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Risque de déstabilisation

Le gendarme de la concurrence identifie deux axes dans la stratégie collective de non-concurrence qu’elle reproche aux entreprises et aux organismes professionnels. Selon elle, cette entente visait à “empêcher les industriels de communiquer sur l’absence de BPA dans leurs contenants alimentaires”. Comprendre : il fallait les empêcher d’utiliser l’absence de Bisphénol A comme un argument commercial pour vendre leur produit. Pour leur défense, les parties expliquent qu’elles souhaitaient éviter de “déstabiliser entièrement la chaîne de valeur”. L’argument ne prend pas à l’ADLC. “Le risque de déstabilisation de la filière avancé par les mis en cause ne saurait être retenu : une situation de crise, même avérée, n’exonère pas les pratiques en droit de la concurrence.”

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Ce sont les organisations professionnelles du secteur – et notamment la FIAC dès 2010 – qui ont imaginé cette stratégie et répandu la bonne parole auprès d’autres organismes représentant les fabricants d’emballages métalliques et les conserveurs. La grande distribution n’a pas répondu aux appels de pied des organismes professionnels et à leur invitation à les suivre. L’enquête révèle également un système de dénonciation des entreprises qui communiquaient sur l’absence de BPA (notamment au sein de l’Adepale) et de pression, de la part des organismes professionnels, sur les acteurs testant la mention de non-présence de BPA.

Rétention de livraison de boîtes

Pour ce qui est du second axe, l’ADLC reproche à la Fiac et au SNFBM d’avoir incité les industriels à “à refuser de livrer des boîtes sans Bisphénol A avant la date du 1er janvier 2015” et d’avoir refusé d’arrêter de commercialiser des conserves avec Bisphénol A après cette date butoir. Et ce, à l’encontre des demandes de la grande distribution. En clair, la Fiac et le SNFBM ont, lors de réunions, exhorté les industrielsà ne pas approvisionner la grande distribution en boîtes sans Bisphénol A malgré ses demandes. Preuve à l’appui, un compte rendu d’une réunion technique du 22 janvier 2014 : “Les conserveurs ne doivent pas accepter les exigences d’un distributeur imposant le passage rapide aux vernis BPA NI [Bisphénol A non intentionnel]. Il faut rappeler le basculement coordonné de toute la filière, le seul objectif reste d’être prêt au 1er janvier 2015. Ce point soulevé à plusieurs reprises est particulièrement important à respecter.” Mettre sur le marché des boîtes sans BPA revenait à mettre en péril la stratégie visant à ne pas communiquer sur les contenants fabriqués sans le perturbateur endocrinien.

L’autorité juge ces pratiques d’une “particulière gravité”. Elles ont “privé les consommateurs de la faculté de choisir des produits sans Bisphénol A, à une époque où de tels produits étaient disponibles et alors que cette substance était, à l’époque, déjà considérée comme dangereuse pour la santé”. Selon le média LSA, l’ Adepale et la Fiac auraient annoncé dans un communiqué faire appel de la décision de l’Autorité de la concurrence.

Anne-Laure Blouin

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