Le 4 décembre 2023, le tribunal judiciaire de Paris a homologué la 19e Convention judiciaire d’intérêt public entre le Parquet national financier et ADPI, filiale d’ADP. L’accord met un terme aux poursuites judiciaires entamées en 2013 pour des faits de corruption en Libye, et inflige à ADPI une amende de 14,6 millions.
CJIP : la filiale ADP Ingénierie devra verser 14,6 millions à l’État français
La 19e Convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) se chiffre à 14,6 millions d’euros. C’est le montant de l’amende que la filiale ADP Ingénierie devra régler pour mettre un point final à ses affaires de corruption en Libye entre les années 2007 et 2011. Lundi 4 décembre 2023, le président du tribunal judiciaire de Paris a homologué la CJIP signée entre le Parquet national financier et ADPI quelques jours plus tôt, le 29 novembre. À l'audience, le directeur général d'ADPI Jean Roche s’est dit satisfait de “conclure ces faits anciens [qu’ils ont eux-mêmes] révélés pour les corriger”. Le communiqué du groupe ADP précisque que la convention “marque un terme aux investigations et conformément à la loi n'emporte aucune reconnaissance de culpabilité”.
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Promesses en Libye
C’est une plainte déposée le 26 juillet 2013 par la société ADPI elle-même qui lance l’affaire. “Une révélation spontanée” explique le groupe ADP dans son communiqué. Parmi les éléments déclencheurs de la plainte, il y a une lettre reçue par le PDG de la filiale des Aéroports de Paris, la découverte de documents dans le cadre d’un litige opposant ADPI à l’un de ses prestataires et des dénonciations de certains salariés de l’entreprise. Des indices portent à croire à l’existence de faits de corruption en lien avec trois contrats signés en 2007 - d'aucuns font le lien avec l'élection de Nicolas Sarkozy cette année-là et ses rapports ambigus avec la Libye - entre le constructeur français d’aéroports et les autorités libyennes. Trois contrats portant sur la construction d’infrastructures aéroportuaires des villes de Tripoli, Benghazi et Sabha. Trois contrats de 12,3 millions, 16,9 millions et 89 millions. Lorsque la guerre éclate en Libye en 2011, les montants facturés au titre de ces contrats s’élèvent à près de 84 millions, et ADPI touche 71,2 millions. Une somme qui étonne, compte tenu de la faible avancée des travaux à cette époque.
D’abord confiée à l’Oclciff en 2014, l’enquête est reprise deux ans plus tard par le Parquet national financier. Elle révèle qu’ADPI a remporté ces marchés en Libye grâce à des informations privilégiées obtenues auprès de personnalités locales. Des ministres libyens et un ancien militaire proche du pouvoir seraient intervenus en sa faveur en contrepartie de “promesses”. Des promesses, et des pots de vin aussi. La société locale ADPI Lybia créée en 2008 a versé 500 000 euros à l’administration libyenne pour bénéficier d’un avantage financier auquel elle n’avait normalement pas le droit.
Facturation au double du prix du marché
Pour mener à bien les trois contrats de construction des aéroports, d’autres contrats – de représentation commerciale, de sous-traitance, ou d’assistance administrative – avaient été conclus entre ADPI des prestataires locaux. Si la réalité des prestations payées aux prestataires locaux n’a pas pu être établie, les rapports d’audit ont estimé que ces prestations étaient facturées au double du prix du marché. Ils rapportent également l’existence de fausses factures, comme celle correspondant à un paiement de 500 000 euros au militaire libyen, qui percevait par ailleurs des virements directement sur son compte bancaire personnel.
Émirats arabes
La CJIP couvre aussi des faits commis un peu plus à l’Est, dans l’Émirat du Fujaïrah, où ADPI intervenait sur un chantier de lotissements. Là encore, c’est ADPI qui porte à la connaissance des autorités françaises les suspicions de fraude en 2017. Des audits commandés par le conseil d’administration de l’entreprise mettent en lumière des “paiements atypiques” faits à une société détenue majoritairement par un haut fonctionnaire de l’Émirat.
ADPI encourrait une amende maximale théorique de 960,2 millions. Elle n’écopera que de 16,4 millions grâce à ses investigations internes, sa coopération et ses révélations spontanées. La convention lui épargne l’obligation de mise en œuvre d’un programme de conformité, notamment parce qu’ADPI a déjà conclu un accord transactionnel avec la Société financière internationale (SFI), une organisation du groupe de la Banque mondiale consacrée au secteur privé et la gouvernance des entreprises. “Le Groupe ADP a mis en œuvre un programme Éthique et Compliance très rigoureux et adapté aux exigences les plus fortes en la matière” affirme ADP dans son communiqué. Un vent d’éthique souffle dans les ailes du groupe aéroportuaire.
Anne-Laure Blouin
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