Actifs atypiques par excellence, les chevaux de course comptent parmi les investissements guidés par la passion. Bien que l’optimisation fiscale et les gains ne soient pas les motivations premières à un tel achat, il est tout de même important de suivre quelques règles. Entretien avec Guillaume Rubechi, avocat à la Cour et associé chez Valoris Avocats.
Guillaume Rubechi (Valoris Avocats) : "Le cheval de course est un actif nécessairement risqué, mais aussi un instrument de défiscalisation-passion"
Décideurs. Pouvez-vous nous parler du régime fiscal qui régit l’acquisition d’un cheval ?
Guillaume Rubechi. Tout dépend de ce que le client entend faire de cet actif. Si le cheval est destiné à une utilisation privée, il y a très peu d’incidence fiscale car l’investissement ne générera pas ou peu de revenus. La question se pose essentiellement lors de la revente du cheval. Si le propriétaire réalise une plus-value, elle sera imposable dans le cas où le prix de vente est d’au moins 5 000 €.
Quels impôts ou taxes sont applicables aux chevaux de course ?
Si un client investit dans les chevaux de course à titre passif et sans être lui-même entraîneur, les gains sont exonérés d’impôts. En revanche, les déficits générés durant la période de détention ne sont pas déductibles. Cela est valable pour les « simples propriétaires » : ils ne choisissent pas les courses ou les méthodes d’entraînement. Cependant, certains clients interviennent dans la gestion de la carrière du cheval et la jurisprudence considère que les gains engendrés sont des revenus non commerciaux et non professionnels, donc imposables. L’avantage réside dans le fait que les frais d’entretien sortis par le propriétaire peuvent être déduits sous certaines conditions.
Qu’en est-il des éleveurs ?
Les éleveurs relèvent d’une tout autre catégorie fiscale car l’élevage est défini comme une activité agricole. À ce titre, deux régimes peuvent s’appliquer. Les petits éleveurs sont concernés par le régime simplifié de micro-bénéfices agricoles (sauf option pour le régime dit « réel »), qui fait bénéficier leurs revenus d’un abattement forfaitaire de 87 %. Les éleveurs plus importants dépendent du régime réel ; ils peuvent ainsi à certaines conditions déduire les déficits de leurs revenus. En cas de vente des chevaux, les plus-values peuvent être complètement exonérées d’impôts.
Il est possible de co-investir, comment cela fonctionne-t-il ?
Il est possible d’acheter un ou plusieurs chevaux par indivision à plusieurs investisseurs. Au-delà d’une dizaine de personnes, il est plus intéressant de créer une société de capitaux de type SAS (société par actions simplifiées), avec la possibilité de mettre en place des pactes d’associés et d’acquérir plusieurs chevaux. Une autre structure courante de co-investissement dans les courses est la société en participation, qui peut également être agréée par France Galop ou par la Société du trotteur français.
Est-il possible de transmettre ce type de biens ?
Oui, mais la transmission est soumise aux droits de donation ou de succession. Par principe, il est possible de faire bénéficier ses enfants de son activité professionnelle grâce au pacte Dutreil, qui permet une exonération de 75 % des droits de succession. Cependant, il faut être vigilant à rester dans le cadre prévu par cet outil : le pacte ne peut s’appliquer qu’à une activité professionnelle, industrielle, commerciale ou agricole. À défaut, un cheval détenu dans le patrimoine privé peut également être transmis aux enfants, mais sans que cette transmission bénéficie de l’exonération Dutreil.
Pour conclure, quels conseils donneriez-vous à un particulier souhaitant investir ?
Premièrement, il faut veiller à bien choisir son cheval, mais ce n’est pas du ressort de l’avocat ! Plus sérieusement, il est primordial de bien structurer son investissement en fonction de sa situation patrimoniale et de ses revenus. Un seul et même schéma ne prévaut pas pour tout client privé qui souhaiterait investir. Le cheval de course un actif nécessairement risqué car c’est un bien vivant, en qualité d’athlète, dont le succès dépend du cavalier, de son entraîneur, mais aussi un instrument de défiscalisation-passion … Il faut savoir bien s’entourer, et se faire conseiller par des professionnels.
Propos recueillis par Marine Fleury