L’utilisation d’une société civile de portefeuille est un véhicule présentant bien des atouts pour gérer ses placements financiers. Présentant les contraintes d’un "Établissement payeur" même quand elle est translucide ("à l’IR"), elle a tous les avantages de l’investissement dans le capital-risque lorsqu’elle a opté pour l’IS. Lorsque ses titres sont démembrés et qu’elle est à l’IR, il est nécessaire d’harmoniser distribution des revenus et taxation de ceux-ci.
La société civile de portefeuille ("SCPf"), cet instrument singulier du droit fiscal
1. Régime fiscal des résultats : vers une option pour l’IS plus favorable
- Régime de l’IR : une translucidité imparfaite La SCPf est avant tout une société civile translucide. Elle relève donc du régime fiscal des sociétés de personnes1, ses résultats étant directement taxés entre les mains de ses associés, mais son régime déroge à certaines règles propres aux sociétés civiles. Ainsi, le fait générateur de l’imposition est différent. En effet, par principe dans les sociétés de personnes, la part des résultats sociaux revenant à chaque associé, doit, sauf exceptions, être considérée comme acquise à la clôture de l’exercice. Par dérogation, pour les SCPf, il y a lieu de placer le fait générateur de l’imposition au jour même où la société a encaissé les revenus du portefeuille ou a été créditée de leur montant2. Il résulte de cette règle une conséquence originale pour ces sociétés civiles puisqu’elles jouent un rôle d’établissement payeur des revenus de capitaux mobiliers qu'elles encaissent et sont réputées les avoir versés à leurs membres le jour de cet encaissement. La SCPf doit ainsi prélever à la source l’impôt dû par les associés par translucidité, tout comme le font les sociétés opaques quand elles distribuent des dividendes. Ce prélèvement est appliqué aux taux de 30% sur les revenus de la SCPf provenant de dividendes et de produits de placement à revenu fixe. Par ailleurs la SCPf ne bénéficie pas des régimes d’exonération3 prévus pour la détention directe de titres de fonds communs de placement à risque ("FCPR"), de Fonds professionnels de capital-investissement ("FPCI") ou de sociétés de capital- risque ("SCR").
- Régime de l’IS : une fidélité récompensée Lorsque la SCPf opte pour l’impôt sur les sociétés ("IS") ses résultats sont, comme n’importe quelle société opaque, soumis en principe au taux normal de l’IS, c’est-à-dire 15 % jusqu’à 42 500 € et 25 % au-delà. Lorsque la SCPf détient des titres de FCPR, de FPCI ou de SCR, les résultats que ces organismes lui répartissent ou lui distribuent peuvent bénéficier d’un régime fiscal favorable lorsque ces répartitions ou distributions bénéficient du régime du "long terme"4.
Répartition d’actif
Ainsi lorsqu’une SCPf reçoit d’un FCPR ou d’un FPCI une répartition d’actif qui provient de plus-values de titres détenus depuis plus de deux ans et qui représente au moins 5 % de la société dont les titres sont cédés par l’organisme, cette répartition est exonérée d’IS. Ceci, dans une proportion égale au remboursement des apports effectués, ou des parts acquises, depuis au moins deux ans sur la totalité de la répartition reçue. De même, lorsqu’une SCPf reçoit une distribution reçue par une SCR, celle-ci est exonérée d’IS pour la fraction qui correspond :
- Soit à la répartition d’actif d’un FCPR - ou d’un fonds étranger assimilé pourvu que le pays concerné ait signé avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative - provenant de la cession de titres détenus depuis au moins deux ans.
- Soit au produit de cession de titres détenus depuis plus de deux ans par la SCR
La SCPf bénéficie d’un taux réduit d’IS de 15 %, sans plafond, sur les répartitions ou distributions effectuées par les FCPR, FPCI et SCR qui ne sont pas exonérées, dès lors qu’elle respecte un délai d’au moins deux ans entre la date de son apport ou de l’acquisition des titres et celle de la répartition ou distribution.
Plus-values de cessions
Ici encore, la fidélité paye lorsque la SCPf cède des parts de FCPR ou FPCI, ou des actions de SCR. La SCPf détient les parts de FCPR/FPCI ou les actions des SCR depuis moins de cinq ans : la plus-value est à court terme et donc soumise à l’IS au taux normal. La SCPf patiente au moins cinq ans après la souscription ou l’acquisition des parts de FCPR-FPCI ou d’actions de SCR : la plus-value est totalement exonérée d’IS à hauteur des plus-values sur titres de participation réalisées par cet organisme. Au-delà, elle est soumise au taux de 15 % sans plafond. Point d’attention : lorsque la SCPf cède les parts ou actions de l’organisme, son prix de revient est réduit des sommes distribuées ou réparties antérieurement et qui ont ainsi été exonérées d’IS.
2. Démembrement de parts d’une SCPf : une clé de répartition des résultats à la carte
D’un point de vue civil, à l’instar des autres sociétés civiles, quand les parts d’une SCPf font l’objet d’un démembrement de propriété, la répartition des résultats est effectuée comme suit :
- Par principe, l’usufruitier, recueille l’ensemble des distributions de la SCPf relatives au résultat de l’exercice qu’il soit mis ou non en report à nouveau.
- Le nu-propriétaire a droit aux distributions de réserves, dès lors que les bénéfices mis en réserve accroissent le "capital" (au sens civil) et donc la base sur laquelle portent les droits des nus-propriétaires. Cette mise en réserve du bénéfice de l’exercice ne constitue pas une donation indirecte au profit du nu-propriétaire5.
Toutefois, la Cour de cassation6 a admis la possibilité de "déroger" à cette répartition, en permettant à l’usufruitier de jouir de la distribution des réserves sous la forme d’un quasi-usufruit. D’un point de vue fiscal, si la SCPf a opté pour l’IS les associés sont imposés sur les dividendes qu’ils reçoivent, de sorte qu’il n’y a pas de dichotomie entre répartition civile du produit et répartition de la charge fiscale.
En revanche, si la SCPf est translucide, l’imposition du bénéfice est par principe répartie entre l’usufruitier, à hauteur des bénéfices courants, et le nu-propriétaire, à hauteur des bénéfices exceptionnels (par exemple, plus-value de cession de titres et valeurs mobilières immobilisées)7. Or, le droit civil attribue intégralement le bénéfice à l’usufruitier. Ainsi le nu-propriétaire peut être imposé sur le bénéfice exceptionnel alors que le droit civil le prive de la distribution de ce même bénéfice. De plus, dans le cadre de la gestion d’une SCPf, la distinction entre résultat courant et exceptionnel n’est pas forcément aisée puisque la gestion de la société implique des cessions fréquentes pouvant relever de l’activité courante au titre de laquelle l’usufruitier est en principe imposable. Afin de résoudre ces deux difficultés, il peut alors être judicieux d’introduire dans les statuts ou par convention séparée une clé de répartition des bénéfices différente, ce que l’administration fiscale accepte. Par exemple, en attribuant l’ensemble du résultat (courant et exceptionnel) et l’imposition y afférente à l’usufruitier, afin de faire coïncider l’attribution du résultat et sa taxation.
Sur l'auteur
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1 Art. 8 du CGI
2 Art. 75 et 79, 4 ann. II du CGI
3 Art.163 quinquies B du CGI
4 Art. 219, I-a sexies-1 du CGI
5 Cass. com. 31-3-2009 n° 08-14.053 : RJF 7/09 n° 698
6 Cass. com. 27-5-2015 n° 14-16.246 ; Cass. com. 24- 5-2016 n° 15-17.788
7 BOI-BIC-CHAMP-70-20-10-20 n° 100 s.