La finance durable, paradigme financier en constante évolution, concilie rentabilité et engagement afin de façonner un monde plus pérenne. C’est ce que nous explique François-Xavier Sœur, fondateur de Terrae Patrimoine.
Décideurs. Terrae Patrimoine se distingue par sa philosophie durable, comment cela se reflète-t-elle dans votre travail ?
François-Xavier Sœur. Avant d’appliquer mes principes à la finance, je les intègre concrètement au cabinet. Je prends le train plutôt que l’avion lorsque j’ai des déplacements, nos frais sont totalement transparents, si nous organisons des soirées c’est avec un buffet végétarien, je refuse de recourir à des mandataires en raison de la précarité du statut… J’essaye de rendre chaque geste un peu plus responsable.
 
D’où vous vient cet engagement ?
Je viens du monde associatif.  16 ans, je dirigeais une association de 100 bénévoles ! C’est une belle expérience qui m’a permis de rattacher mon métier de conseiller en gestion de patrimoine à la finance durable, conciliant ainsi mes convictions personnelles à ma profession. Créer un cabinet autour de cette notion a été un grand pas en avant pour moi. 

 

"J’essaye de rendre chaque geste un peu plus responsable"

Comment le faites-vous transparaître au niveau de vos investissements ?
Sur les placements immobiliers, nous ne nous positionnons quasiment que sur de la rénovation, avec des notions sociales telles que les foncières solidaires par exemple si les clients le souhaitent, et de la haute qualité environnementale. Sur le plan financier, être transparent sur les frais est indispensable. Nous voyons de plus en plus d’épargnants qui souhaitent flécher leurs placements vers des portefeuilles plus éthiques. Nous guidons cette épargne selon les objectifs de chacun. Généralement la demande porte sur l’environnemental, parfois plus sur le social.
 
Comment se protéger du greenwashing ?
Pour éviter le greenwashing, il faut d’une part se fier à l’ADN de la société de gestion et, d’autre part, analyser les lignes de leurs fonds. Ensuite, être intéressé, curieux, s’informer sur ces problématiques est de rigueur. Il y a beaucoup de lobbying derrière les labels, et comme les critères ne sont pas toujours assez exigeants, nous créons du doute et de la défiance. L’évolution récente du label ISR va néanmoins dans la bonne direction. La finance responsable reste une niche encore aujourd’hui.
 
Comment éveiller réellement les consciences ?
Malheureusement, plus nous subissons les événements climatiques (feux de forêts, inondations…), plus les consciences s’éveillent. Au-delà de cela, l’éducation est primordiale et, sur ce point, la France a déployé des efforts importants dès le primaire.
 
Les portefeuilles responsables sont-ils rémunérateurs ?
Les deux dernières années ont été compliquées pour beaucoup de classes d’actifs et les placements durables n’ont pas fait exception surtout quand ils n’avaient ni énergies fossiles ni défense. Cependant, les stratégies intégrant l’éducation, la santé ou encore l’environnement seront des solutions plus efficaces et rentables à long terme. Une société de gestion qui ne prend pas en compte les critères ESG se prive de problématiques qui peuvent impacter les entreprises, leurs chiffres d’affaires et leurs résultats, et ainsi expose potentiellement ses fonds à une prise de risque.
 
Où se place le curseur du risque ?
Du fait d’un univers d’investissement plus restreint, placer son patrimoine sur des fonds durables est nécessairement plus risqué. Cependant, il existe des solutions pour le gérer, à savoir la diversification des actifs, des objectifs et des secteurs d’activité.
 
Quel est l’impact derrière un placement durable ?
Investir en Bourse n’est pas inutile lorsque nous voulons avoir un impact puisqu’on a un droit de vote en tant qu’actionnaire. Cependant les changements en tant que tels sont parfois minimes et longs à obtenir. En revanche, l’effet médiatique à la suite de certaines assemblées générales mouvementées fait bouger les choses, comme ce fut le cas pour BNP Paribas. Le non coté permet d’avoir un impact réel plus rapide car les investisseurs interviennent dans les premiers tours de table de financement de sociétés.
 
Rencontrez-vous des freins pour collecter de la donnée sur les entreprises ?
La réglementation française est en avance sur l’européenne qui a pris du retard. La directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) impose aux PME et ETI de remonter un certain nombre d’informations sur le plan ESG utiles aux sociétés de gestion mais nous n’en sommes qu’au tout début. En France, il est d’ores et déjà demandé aux cabinets de conseil en gestion de patrimoine de récolter les préférences en matière ESG de leurs clients et leurs convictions. Il est donc compliqué pour ne pas dire impossible à ce jour de réaliser des allocations en étant sûr de la qualité de l’information utilisée par les sociétés de gestion qui doivent être très prudentes.
 
Propos recueillis par Marine Fleury

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