Première présidente de la DFCG en soixante ans d’existence de l’association, Marie-Hélène Pebayle revient sur les intentions de son mandat, les transformations colossales que vivent les directions financières et sa vision du métier de DAF, une fonction qui l’anime depuis 35 ans.

 Décideurs. Vous êtes arrivée à la présidence de la DFCG en 2024, et faites partie de l’association depuis 1996. Quel a été votre parcours avant ce mandat ?

Marie-Hélène Pebayle. J’ai un profil universitaire, après un premier poste d’attachée de direction financière chargée du haut de bilan, j’ai eu la chance de devenir DAF d’une filiale du groupe Publicis, c’est là que j’ai appris mon métier. Par la suite, j’ai accompagné, entre l’est et le sud de la France, des structures publiques et privées dans l’informatique et le négoce industriel, à la fois de grosses PME mais aussi des ETI. Un Executive MBA HEC en 2006 m’a conduite à développer mes responsabilités dans la conduite du changement. Depuis 2019, je suis DAF du groupe Belledonne où j’ai en charge la transformation et le pilotage de la performance. J’ai rejoint la DFCG lorsque j’avais 30 ans, et je me suis investie progressivement dans l’association. À partir de 2010, j’ai intégré successivement trois bureaux régionaux, j’ai été vice-présidente du groupe service public, formatrice au sein du groupe contrôle de gestion et présidente de la région Provence. En 2021, j’ai rejoint le bureau exécutif et été cooptée par mon prédécesseur à la présidence de la DFCG. Il s’était engagé à encourager la présidence d’une femme, une première pour l’association.

"J’aimerais faire naître une fédération des métiers de la finance d’entreprise"

Quelles sont vos ambitions pour ce mandat ?

J’ai pris le mandat avec l’ambition de tisser du lien et de créer des passerelles pour nos directions financières. En tant que DAF, j’ai beaucoup travaillé sur la mutualisation et la coopération multimétier, en particulier à l’époque où j’exerçais dans le service public. J’ai la conviction qu’on est plus riche quand on est complémentaire et à ce sujet j’aimerais faire naître une fédération des métiers de la finance d’entreprise. Je souhaiterais également développer la place des femmes au sein des directions financières. Nous avons déjà créé le réseau DFCG au féminin pour permettre aux femmes d’échanger sur leur propre cas d’usage, et de les accompagner dans leur carrière. Il y a aussi un travail à faire auprès des jeunes notamment en raison de l’évolution de la vision de la parentalité au sein des directions financières. Aujourd’hui, les aspirations des mères comme des pères les amènent à s’investir dans leur vie de famille sans mettre en péril la construction de leur réseau. C’est pourquoi nous avons lancé le groupe Avenir. S’il ne représente aujourd’hui que 12 % de nos adhérents, nous souhaitons le faire grandir pour favoriser les échanges entre les jeunes DAF. Enfin, j’ai pour ambition de développer l’influence de la DFCG auprès des dirigeants, mais aussi auprès de tout l’écosystème qui entoure les DAF, le contrôle de gestion, le crédit management…

L’environnement dans lequel évoluent les directions financières est incertain, quels sont les plus grands risques auxquels elles doivent faire face ?

Les risques de cybersécurité sont très importants. Mal préparée, une entreprise peut être mise à plat par une attaque. Quant à l’incertitude économique, elle est de toute façon un risque à considérer en permanence, la crise législative qui a eu lieu en juin dernier l'atteste. Certains DAF ont mis des projets, notamment d’investissement ou de recrutement, en pause à la suite des élections. La succession de crises depuis le Covid continue d’ébranler les directions financières : entre la guerre en Ukraine, l’inflation, les tensions sur l’approvisionnement. À titre d’exemple, j’accompagne une PME qui produit du chocolat bio. Nous achetions 100 tonnes de chocolat de couverture pour 600 000 euros, aujourd’hui, le même volume coûte 1,2 million d’euros. Le prix a doublé en 4 mois. On ne peut pas empêcher les crises de se produire mais le plus gros risque pour le DAF est de ne pas les anticiper. Pour cela, il est indispensable de faire preuve de discernement et de s’appuyer sur des outils et des process partagés.

" Le profil des directions financières a évolué. Notamment, en raison de l’arrivée des femmes à des fonctions de direction, ce qui a changé la donne dans les codir"

La DFCG fête ses 60 ans cette année. L’association a accompagné les DAF pendant plus d’un demi-siècle, quelle est la plus grande transformation dont elle a été témoin ?

Auparavant, le rôle du DAF était beaucoup plus comptable et financier, il était plus rare de porter des projets de transformation. Personnellement j’en ai connu tôt dans ma carrière car j’étais dans des structures régionales de groupes mais, nous avons longtemps eu l’habitude de travailler en silo. Aujourd’hui, l’expansion du numérique, la transformation du management, la crise Covid et la financiarisation de l’économie ont contribué à décloisonner la fonction de DAF. Il devient de plus en plus un chef d’orchestre de la transformation des business models et des organisations. Le profil des directions financières a évolué. Notamment, en raison de l’arrivée des femmes à des fonctions de direction, ce qui a changé la donne dans les codir, même si elles ne représentent que 35 % des DAF aujourd’hui. Pour ce qui est des compétences, il y a notamment de plus en plus de passerelles entre la dimension RH et la dimension financière de l’entreprise ou entre les services SI et les directions financières, une conséquence directe de la révolution numérique et de la transformation digitale des entreprises. Aussi, les process financiers ont été considérablement transformés, à la fois par l’intelligence artificielle mais aussi par l’extra-financier et toutes les entreprises sont encouragées à entreprendre des démarches volontaristes sur les sujets de durabilité.

 

Propos recueillis par Céline Toni