La mention obligatoire des rémunérations sur les fiches de poste, c’est pour bientôt. Dès 2026, les entreprises françaises de plus de 100 salariés devront appliquer la directive européenne du 10 mai 2023, imposant davantage de transparence sur les salaires. Faisons le point.

Quête d’équité, fidélisation des talents, réduction des écarts de salaires entre les femmes et les hommes : autant d’évolutions espérées grâce à la mise en pratique de la directive européenne 2023/970 du 10 mai 2023. Concrètement, quelles seront les obligations pour les employeurs et quels résultats sont attendus ?

Un droit à l’information

Qui ne s’est jamais dit, en découvrant certains salaires pour des postes similaires au sien : « J’aurais dû demander plus » ? En effet, côté rémunération, l’employeur est actuellement en position de force : aucune obligation de transmettre les salaires pratiqués en interne et la liberté de demander aux candidats leur salaire actuel, pour ajuster ensuite la rémunération proposée.

En 2026, exit le jeu de poker lors de l’entretien d’embauche ? Pas tout à fait, mais le rapport de force s’équilibrera certainement. Dès le début du processus de recrutement, les candidats disposeront d’un droit à l’information concernant le niveau de rémunération associé au poste auquel ils postulent. L’employeur sera également tenu d’indiquer une fourchette de salaire dans l’offre d’emploi ou de la communiquer au candidat avant l’entretien d’embauche. Certes, rien n’indiquera la précision de la fourchette, mais cela permettra de négocier sur un terrain plus équitable. D’autant que le recruteur n’aura plus le droit de demander aux candidats leur rémunération, passée ou actuelle.

Le recruteur n’aura plus le droit de demander aux candidats leur rémunération, passée ou actuelle

Évolution des salaires

Comme toutes les discriminations, celles liées aux salaires ne se manifestent pas uniquement au moment de l’embauche, mais aussi lors des évolutions de carrière. Afin de les réduire, les salariés en poste pourront demander à connaître les critères et éléments pris en compte pour décider d’une évolution salariale, lesquels devront être objectifs et fournis dans un délai maximal de deux mois. Actuellement, si la loi Rixain œuvre pour éviter le phénomène du plafond de verre auquel se heurtent les femmes, cette directive pourrait quant à elle aider à éviter celui du plancher collant. Moins connu mais bien réel, il retient les femmes à un certain niveau de responsabilité et de promotion au sein des entreprises. Selon le rapport Women in the Workplace 2020 de McKinsey & Company, pour chaque centaine d’hommes promus à un poste de gestion, seulement 85 femmes le sont.

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Une avancée pour l’égalité femmes-hommes

En mars 2023, l’Insee révélait dans une étude que le salaire des femmes avait été en moyenne inférieur de 4 % à celui des hommes en 2022, à temps de travail et postes comparables. La directive européenne du 10 mai 2023 représente une avancée dans la lutte contre ces discriminations, en demandant aux entreprises de publier un rapport sur les écarts de salaires selon le sexe et par catégories de salariés. En cas d’écart dépassant 5 %, les entreprises seront tenues de travailler avec les représentants du personnel, afin de corriger ce déséquilibre et de prévenir les disparités de rémunération. Cette directive exprime très clairement la volonté de réduire les inégalités salariales entre les hommes et les femmes. La Commission européenne explique que le principe d’égalité des rémunérations reste « entravé par le manque de transparence des systèmes de rémunération, le manque de sécurité juridique entourant la notion de travail de même valeur et des obstacles de nature procédurale rencontrés par les victimes de discrimination ».

Un chantier important pour les RH

Cette directive implique de nombreux aménagements au sein des entreprises, notamment en ce qui concerne l’architecture des emplois pour réévaluer les grilles salariales, benchmarker celles-ci par rapport à la concurrence, et convaincre certains managers, peu enclins à cette transparence ou non formés, d’en parler avec leurs équipes. Le tabou français sur les salaires reste très persistant, et un changement culturel sera nécessaire. Selon un sondage Ipsos réalisé avec Welcome to the Jungle en octobre 2023, 75 % des candidats attendent de la transparence de la part des entreprises, principalement en termes de politique salariale. De son côté, une étude Talskspirit/Ipsos de février 2024 indique que 41 % des sondés souhaitent davantage de transparence concernant la grille des salaires et des primes.

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De nombreuses questions subsistent encore, notamment au sujet des sanctions prévues. Il appartient aux entreprises de voir cette directive non pas comme un simple devoir de conformité, mais comme une réelle avancée sociétale pour davantage d’équité et d’inclusion. Par ailleurs, celles qui se mettront en règle assez tôt profiteront d’un avantage concurrentiel certain pour attirer et retenir les talents : selon une étude réalisée par Monster France et YouGov en septembre 2022, « une offre d’emploi avec salaire génère en moyenne 2,5 fois plus de candidatures qu’une offre sans salaire ».

Pour rappel, la loi n° 72-1143 du 22 décembre 1972 pose le principe selon lequel « à travail égal, salaire égal ». Espérons que cette directive, en engageant davantage de transparence, permettra la juste application de cette loi, votée il y a plus de 50 ans.

Elsa Guérin

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