Contrairement aux idées reçues, la sphère professionnelle est un lieu de sociabilisation qui s’avère propice aux discussions politiques apaisées entre collègues.
L’insoutenable légèreté des discussions politiques entre collègues
Pour une majorité de personnes, entretenir de bons rapports entre collègues est fondamental au point que cette entente prime souvent sur l’essence du travail lui-même. La nature des échanges qui se nouent au sein de l’entreprise revêt donc une importance capitale. Une enquête réalisée par l’Ifop en octobre 2023 nous éclaire sur les sujets de discussion abordés dans ce cadre particulier, et notamment sur les thèmes jugés sensibles.
Argent, sexe et amour
Sans surprise, l’argent est perçu comme le principal tabou en entreprise pour 68 % des sondés, lesquels réagissent différemment selon leur statut puisque 75 % des managers partagent cette opinion contre 66 % des non-managers. Concernant les discussions relatives aux relations sentimentales et sexuelles entre collègues, 52 % des personnes interrogées les considèrent comme étant délicates. Les managers, pour qui la question de la hiérarchie peut se poser lors de rapports intimes avec des collègues, sont 61 % à exprimer une gêne à ce propos contre 49% de non-managers. Enfin, le sexe de la personne influe légèrement sur sa propension à s’exprimer sur ce sujet : 56 % des hommes le considèrent comme prohibé au travail, contre 49 % des femmes.
La politique, un sujet crispant ?
Après ces incontournables ‒ et intemporelles ‒ préoccupations, les sujets évoqués par les sondés comme étant les plus délicats, et donc potentiellement facteurs de tensions dans une équipe, sont ceux liés à la religion et à la laïcité (46 %), à l’’immigration (45 %), au conflit israélo-palestinien (43 %) et au racisme, à l’antisémitisme et aux discriminations (42 %). Au passage, notons que ces conversations politiques sur le lieu de travail suscitent davantage de méfiance chez les hommes que chez les femmes (de 5 à 9 points en plus selon les thèmes).
Les discussions liées au conflit israélo-palestinien ne sont sources de tensions que pour 8 % des salariés
Une perception faussée
Malgré ces apparentes appréhensions, 85 % des actifs interrogés déclarent avoir déjà pris part sur leur lieu de travail à au moins une discussion politique jugée sensible. Un chiffre écrasant qui témoigne du caractère essentiel de la conversation, même clivante, au sein d’un collectif. En réalité, les discussions liées au conflit israélo-palestinien ne sont sources de tensions que pour 8 % des salariés et celles liées au racisme, à l’antisémitisme et aux discriminations que pour 12 % d’entre eux. Curieusement, ces sujets ne semblent pas donner lieu à des échanges aussi tendus que les logomachies liées à la répartition des tâches au travail (26 %), le montant des rémunérations (23 %), mais aussi la circulation ou les transports en commun (5 %) et enfin les déchirantes querelles autour de la pluie et du beau temps (3 %).
La vérité est ailleurs
La discussion politique au travail serait presque aussi peu polarisante qu’une conversation sur la météo, faisant du lieu de travail un espace particulièrement imperméable aux divergences d’opinions sur les sujets externes à l’entreprise. Dès lors, quelle fonction remplissent ces conversations ? Elles assurent le lien social pur, tout en constituant une diversion aux "vraies" conversations problématiques : celles qui concernent le travail lui-même, l’équilibre des équipes où des relations intimes peuvent advenir, la reconnaissance salariale et la charge de travail.
Quoi qu’il en soit, à en croire les résultats de cette enquête, vous pouvez vous sentir libres de discuter de politique afin de nourrir des échanges aussi nécessaires que bénéfiques au débat public, le tout autour d’un expresso plus ou moins sucré.
Cem Algul