Le président belge du conseil de l’Union européenne reporte une seconde fois le vote sur la directive sur le devoir de vigilance. Les ambassadeurs des États membres auraient dû se prononcer sur l’accord du trilogue trouvé en décembre le 9 février, puis le 14 février.

Nouveau report du vote sur la directive sur le devoir de vigilance ou CS3D pour Corporate Sustainability Due Diligence Directive. Le vote en Coreper (Comité des représentants permanents du Conseil de l’Union européenne) aurait dû avoir lieu le 9 février 2024, puis le 14 février. Si la date du prochain vote n’est pas renvoyée aux calendes grecques, elle n’a pas encore été fixée. Le sujet de la responsabilité des entreprises et leurs obligations de vigilance à l’égard de toute leur chaîne de valeur est sur la table des instances européennes depuis quatre ans.

Blocage allemand

C’est l’Allemagne qui n’a pas voulu entériner l’accord trouvé en trilogue entre le Parlement européen, le Conseil de l’UE et la Commission européenne en décembre dernier. À défaut de soutien du FDP, troisième parti de la coalition gouvernementale d'Olaf Scholz Manon qui a alerté l’opinion sur les conséquences – bureaucratiques –de la directive sur les PME allemandes faisant le tissu économique du pays, Berlin a annoncé ne pas voter le texte. Manon Aubry, eurodéputée et ancienne porte-parole d’Oxfam, dans un communiqué accuse “la France [qui]a semé la confusion au Conseil de l’Union européenne en demandant la veille du vote des États membres une nouvelle modification du projet de directive sur le devoir de vigilance des entreprises”. La militante écologiste rappelle “le chantage de dernière minute du gouvernement Macron pour obtenir l’exonération du secteur financier”. Selon Raphaël Glucksmann, qui s’exprimait sur X à 16h, le 14 février, c’est l’Italie qui a rejoint la position allemande.  D'autres États membres comme la Finlande ou encore l’Autriche suivent ce courant.

“Aucune entreprise, quelle que soit sa taille, n’est aujourd’hui réellement en mesure de contrôler l’entièreté de sa chaîne de valeur ou d’activité.”

Du côté des entreprises, on s’inquiète de l’arrivée de la directive. Plus ambitieux que la loi française de 2017 sur le sujet, le texte européen exigera de très gros efforts pour les 13 000 sociétés concernées. Le Medef avait déjà exprimé ses inquiétudes : “Aucune entreprise, quelle que soit sa taille, n’est aujourd’hui réellement en mesure de contrôler l’entièreté de sa chaîne de valeur ou d’activité. Les impacts opérationnels et financiers de ce texte sur nos entreprises sont difficilement mesurables et, de ce fait, n’ont pas été sérieusement évalués par une étude d’impact.” Il est rejoint par la confédération des PME (CPME), pour qui la directive européenne sur le devoir de vigilance ne doit pas être adoptée dans sa forme actuelle.

Pour être adoptée, la directive doit remporter une majorité de 15 États membres sur 27, représentant au moins 65 % de la population de l’Union européenne. Les défenseurs du texte s’inquiètent par ailleurs des élections européennes de juin prochain et, pour les Français, des sondages récents qui placent en pole position des intentions de vote le Rassemblement national. Qui a voté contre le texte au Parlement européen en juin 2023. Dans une tribune publiée dans Libération le 17 février 2024, des personnalités comme l'ex-ministre Corinne Lepage, l'eurodéputées Marie Toussaint, les avocats Sébastien Mabile et François de Cambiaire, alertent sur les risques du recul de l'Union par rapport à ce texte dont “l’adoption (...) constituerait un immense pas en avant dans la reprise en main de notre économie”, appellent les 27 États membres à “assumer leur responsabilité”, et invoquent un “enjeu de civilisation”.

Anne-laure Blouin

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