Les entreprises l’attendaient : le décret d’application des deux lois adoptées en mars 2022 pour renforcer la protection des lanceurs d’alerte a été publié. Il fixe les procédures de recueil et de traitement des signalements internes et externes émis par les lanceurs d’alerte... Et devrait permettre de faire face à l’augmentation des affaires traitées.

Héros pour certains, traîtres pour d’autres, les lanceurs d’alerte voient leur protection juridique renforcée grâce à la publication au Journal officiel du décret d’application des deux lois Waserman. Adoptées le 21 mars 2022, les lois organique et ordinaire sont venues compléter le dispositif introduit par la loi Sapin 2 en 2016. Il ne restait qu’à en définir les modalités : c’est chose faite avec le décret d’application des textes, paru le 4 octobre et applicable à partir du jour suivant. Les personnes morales de droit privé et les entreprises exploitées en leur nom propre par une ou plusieurs personnes physiques employant au moins 50 salariés, notamment, doivent mettre en place une procédure de recueil et de traitement des alertes.

Saisines en vue

Le décret d’application permet également aux lois Waserman de mettre fin aux signalements en cascade. Alerter les personnes compétentes au sein de son entreprise n’étant plus un prérequis pour le lanceur d’alerte, ce dernier aura le choix entre le signalement interne ou externe. Si bien que, désormais, il sera dans ʺl’intérêt de l’entreprise de faciliter le signalement interneʺ affirme Frédéric Paradis, président de l’association ACOP2, à l’occasion de l’événement de rentrée de son association et du cabinet Addleshaw Goddard. Une rencontre qui fut l’occasion pour Cécile Barrois de Sarigny, dont la fonction d’adjointe de la Défenseure des droits chargée de l’accompagnement des lanceurs d’alerte a été instaurée par la loi organique, d’évoquer la mise en œuvre des lois Waserman et l’augmentation des demandes d’accompagnement adressées à son service. ʺPrès de 50% des lanceurs d’alerte demandent l’accompagnement du Défenseur des droitsʺ, affirme-t-elle avant d’admettre ʺqu’à l’avenir [son équipe] sera de plus en plus saisieʺ.

Vertu en entreprise

Ce changement de paradigme est accompagné d’une procédure qui permet aux lanceurs d’alerte d’adresser leurs signalements en externe à une autorité compétente à l’écrit ou à l’oral, sans autre contrainte quant à la forme ou au support utilisé. Renforçant également la sécurité de ces défenseurs de l’information libre contre d’éventuelles représailles, leur protection est étendue à leurs ʺfacilitateursʺ, c’est-à-dire les personnes physiques et les personnes morales à but non lucratif en lien avec le lanceur d’alerte. Enfin, les lanceurs d’alerte sont désormais identifiés comme des ʺpersonnes physiques qui signalent ou divulguent, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation du droit international ou de l’Union européenne, de la loi ou du règlementʺ. Cette définition élargie permet d’inclure davantage de personnes dans ce régime de protection et colle à la lettre à la directive européenne du 23 octobre 2019. La protection de ces acteurs n’ayant pas toujours été ʺune évidence dans notre cultureʺ, comme nous le rappelait Michel Sapin en 2019, les deux lois Waserman s’insèrent dans la volonté européenne d’assurer la protection de ces acteurs qui souhaitent ʺapporter de la vertu en entrepriseʺ selon les termes de Pauline Delmas, juriste au sein de la Maison des lanceurs d’alerte.

Estève Duault